L’oeuvre
De toute sa vie, il n’a peint qu’une seule œuvre, son autoportrait, jour après jour, sans jamais se lasser.
De toute sa vie, il n’a peint qu’une seule œuvre, son autoportrait, jour après jour, sans jamais se lasser.
Elle avait décidé que pour son dernier voyage, elle s’habillerait léger. Elle choisit son vêtement mortuaire chez Pia Interlandi. On lui avait assuré qu’il se décomposerait au rythme de son corps et cette idée lui avait plu, à elle qui, sa vie durant, avait toujours cherché à composer…
Il la filait partout, dans les rues comme dans ses rêves. Elle finit par le tuer : que faire d’autre ? Elle le regretta, non qu’elle en eût du remords, mais il ne se passa pas une nuit sans qu’il ne lui apparût.
Six mois plus tard, elle mettait fin à ses jours.
Il avait souri pendant 40 ans, 40 ans de bons et loyaux services dans les bureaux du Crédit Agricole, jusqu’au jour où il a pris sa retraite et s’est aperçu que derrière son sourire, il n’y avait peut-être que du vide.
Tous les samedis, à 22 heures, elle sortait de chez elle pour faire la tournée des voitures mal garées. Armée d’un compas – elle était professeur de mathématiques - elle rayait les carrosseries en jubilant. A chaque sillon elle murmurait : « ça t’apprendra, crétin ! ». Ensuite elle rentrait et se mettait au lit avec la satisfaction du devoir accompli.
A chaque fois qu’ils s’envoyaient en l’air, c’était sur le bureau du chef. Un petit pied de nez à la hiérarchie...
En rangeant le grenier, il trouva la clarinette de son père. Il faudrait qu’il s’en débarrasse, elle ne servait plus à rien et il ne se souvenait même pas d’avoir entendu son père en jouer. Depuis combien de temps traînait-elle là, isolée au milieu des livres, vingt ans peut-être ? Et quand son père avait-il joué de la clarinette pour la dernière fois ? Sans doute la veille de son mariage…
A chaque fois qu’on lui offrait un cadeau, il faisait une crise d’angoisse ; toute marque d’amour lui était insupportable. Quand il s’est enfin décidé à consulter, après vingt ans de martyre, il s’est arrêté au bout de la cinquième séance. Il était persuadé que la psychiatre tombait amoureuse de lui…
Parce qu’il refusait de l’embrasser, Berthe, 90 ans, a ouvert le feu sur René son voisin de 45 ans. Remis de ses blessures, René a dit aux policiers qu’avant ce jour fatidique, Berthe ne lui avait jamais fait part de ses sentiments. Elle ne lui disait pas même bonjour. Il a juste ajouté, en mode de conclusion, que pour sa part, il était plus haltérophile que gérontophile…
PS : Pour voir le site de Bernard Joyet, excellent chanteur compositeur, auteur du "gérontophile", c’est ici :
Tous les jours la même complainte, il finissait par agacer les plus stoïques. D’échanges, aucun, il était en boucle et l’autre lui servait de déversoir. Pour son anniversaire, elle lui offrit une ventouse emballée dans un joli papier cadeau. Il la regarda, étonnée. Elle lui dit avec un grand sourire.
- Pour le trop plein !