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Presquevoix...
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19 septembre 2022

Pourquoi ?

D’une voix douce, dans la chambre où ils se retrouvaient depuis un mois, elle avait dit à l’inconnu.

-          Je voudrais tuer les gens pour les protéger.

Calme et non dénoué d’humour, celui-ci lui avait conseillé  d’aller « rue du pourquoi-pas »

-          Pourquoi ? avait-elle dit.

-          Pourquoi pas ? avait-il répondu

Rue du pourquoi-pas, l’air était raréfié et elle sentit immédiatement des maux de ventre qui l’obligèrent à s’arrêter. Elle observa une suite de maisons toutes aussi sombres les unes que les autres pourtant, des fleurs rouges décoraient les balcons. Etaient-ce elles qui avalaient l’air et le gardaient dans leur pistil ?

Soudain un homme vêtu de noir s’approcha d’elle. Elle le salua poliment. Il lui adressa la parole.

-          Pourquoi avez-vous choisi cette rue ?

-          Désolé monsieur, Je ne peux pas vous répondre car je ne vous connais pas.

-          Vous ne me connaissez pas, mais moi je vous connais depuis longtemps.

-          D’où ?

-          Toutes les vérités ne peuvent être dites. Elles sont si nombreuses !

-          Que risque-t-on à dire une vérité ?

-          On risque de  perdre l’autre, répondit-il, et il plongea ses yeux dans les siens, comme s’il était à la recherche d’un paysage oublié.

-          Pourquoi m’observez-vous ?

-          Je suis de ceux qui observent et parlent peu. Dites-moi, jeune demoiselle, pourquoi ne pas vouloir vous tuer vous-même, plutôt que de tuer les autres ? Moi c’est ce que j’ai fait et voyez le résultat.

Elle le dévisagea attentivement. Ce type était-il fou ou était-ce elle ?

-          Dites-moi quelle vie serait la mienne si moi aussi je me tuais ?

-          Vous auriez une vie sans rêve aucun et vous rentreriez au cœur de l’angoisse de ceux qui sont restés vivants. Certains acceptent qu’on les aide, mais ils sont rares.

-          Et comment les aide-t-on ?

-          En désenvoutant la maison aux volets clos où ils survivent.

-          Croyez-vous que moi aussi je vis dans ce lieu-là ?

-          Bien sûr.

-          Comment vivre ailleurs ?

-          Commencez à voir la plainte qui hante votre cœur et surtout, ne demandez jamais réparation, ce n’est pas possible. Vous devrez accepter ce qui a été et avancer, c’est à cette seule condition que vous pourrez  entrer au pays de vos rêves.

Avant de partir, l’homme lui avait dit en souriant.

-          Essayez, que risquez-vous ?

-          Pourquoi pas ?  fut sa seule réponse. 

Jamais il ne lui reparla mais de temps à autre il l’observait. Quand il comprit qu’elle ne vivait plus dans un écran de fumée et ouvrait ses yeux à la vie, il eut presque eu envie de pleurer, mais lui ne pouvait plus pleurer, il n’était plus vivant.

 

PS  : prochain texte, lundi 26.

 

 

 

 

Commentaires
D
La rue de l'Impasse attend d'être baptisée... :-)
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K
Il a frisé le manque de savoir-vivre !
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M
Curieuse impression ce matin en découvrant ce texte. Il me renvoyait irrésistiblement- pourquoi ?- vers « L’enfant brûlé » * que je venais juste de terminer, empêchant toute réaction. Au présent je me dis : « Pourquoi pas » néanmoins  partager ? <br /> <br /> https://www.babelio.com/livres/Dagerman-Lenfant-brule/77499<br /> <br /> (* S D : auteur de « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier »)
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A
Il est vrai qu'en ne demandant jamais réparation, il va faire de sacrés économies !
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A
c'est ça, tuons-les tous (etc tu connais la suite ;-))
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