Le corps, le visage et l’esprit
On l’avait appelé l’embaumeur bien avant que ce ne fût sa profession. Il faut dire que dès son enfance il avait aimé mettre du baume au cœur des gens. Il savait - l’espace de quelques instants - réconcilier les êtres avec eux-mêmes et avec les autres, quand les tensions entraient dans leur cœur.
Mettre du baume au cœur, personne ne le lui avait appris, ce don lui était arrivé par « l’opération du Saint Esprit » comme le disait souvent sa mère. Dans sa générosité, le Saint Esprit lui avait ajouté un autre don : restaurer les visages et les corps. Il avait commencé par celui de sa grand-mère. « Presque un artiste », avait dit sa mère, émue, quand elle avait vu sa propre mère au funérarium. Et c’en était un. Il était sans doute l’un des rares à pouvoir réconcilier aussi vite les vivants et les morts et maintenant, à l’âge de quarante ans, il avait ajouté une nouvelle corde à son arc, la cythare indienne, un instrument qui lui permettait de voyager dans l’entre-deux, disait-il…
PS : prochain texte, jeudi.