Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Presquevoix...
Archives
29 avril 2021

Conseiller financier

Je suis conseiller financier au Crédit Bilatéral. J’écoute plus que je ne donne de conseils. Au début, ça me paraissait bizarre, je pensais que dans un poste comme celui-ci, j’allais être obligé de parler 80 % du temps pour aligner les avantages du crédit B ou du placement C. Eh bien non. Depuis le COVID – et même avant - les clients passent leur temps à me parler d’eux. J’ai même des confessions. Par exemple, avant-hier après midi, une cliente venue vérifier où en était son épargne et comment elle pourrait investir son petit capital en prévisison d’un divorce, s’est mise instantanément à me parler de ses problèmes avec son mari. Pourquoi à moi ? Allez savoir. Heureusement, aucune demande particulière hors contrat n’a fait suite à sa liste de plaintes. Sinon, aurais-je pu dire non ? Elle n’était pas mal cette cliente : grande, élancée, brune, les yeux verts, bref, le genre de femme qui ne passe pas inaperçue.

Ce jour-là, a suivi un homme, 50 ans, grand aussi, mais le regard triste. Si ces placements lui ont fait poser question sur question pendant 20 minutes, ensuite il m’a parlé de sa tentative de suicide. J’aurais préféré ne pas savoir pourquoi, car cela m’a tristement rappelé mon propre cas. Il est impuissant. De père en fils, a-t-il ajouté, comme si l’impuissance était dans les gênes ! Je n’ai rien dit et, 15 minutes plus tard, j’ai sonné l’heure de la fin, le client suivant m’attendait.

Je me demande si je n’éprouve pas un certain plaisir à écouter le malheur des autres. Si j’en tire cette conclusion, c’est que la cliente suivante, une femme de 60 ans, m’a parlé en long, en large et en travers de son fils, le même âge que moi, et là, je me suis dis que ma mère aurait pu dire la même chose. Raison pour laquelle j’ai conclu, en disant  : Vous savez, ce n’est pas simple d’être un fils non plus. Elle n’a rien osé répondre à ce propos et a juste ajouté que je lui avait donné de bons conseils. J’ai souri. J’avais presque envie de lui tendre la main, mais en période de gestes barrières…

PS : prochain texte, lundi.

26 avril 2021

Souvenirs

Quand elle avait 16 ans et récitait ses psaumes rituels, elle avait l’impression d’être dans une église.

Elle commençait ainsi.

-          Je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai digne.

Et continuait avec.

-          Mon dieu, faites que la "sainte sacrificielle" ne m'interdise pas de rencontrer Paul. Elle le déteste et pourrait  être capable de le détruire pour que jamais je ne puisse le revoir.

Sa dernière  prière, qui précédait le « Amen » final, était.

-          Dis seulement une parole, une seule parole mon dieu et je m’estimerai.

Mais dieu ne répondait jamais, Peut être ne l’entendait-il pas ?

Maintenant, elle a 80 ans. Elle est allongée dans le lit de la petite maison de retraite où son fils l’a laissée il y a un an. Elle bouge peu, et  pense au passé en regardant le hêtre.  Heureuse elle ne l’est pas, triste non plus, et les heures s’écoulent dans la lenteur de ces journées où elle  dit - aux trois femmes qui partagent sa table lors des repas du midi et du soir - ne jamais voir personne. Pourtant, vivent avec elle tous les êtres qui ont fait partie de sa vie avant son mariage avec Pierre – l’homme que sa mère a choisi -  quand elle avait  20 ans.

 

PS : prochain texte jeudi.

22 avril 2021

Le bar

Aujourd’hui, on est le 14 juin 2021. Les cafés ont rouvert depuis une semaine. Je suis passé m’enfiler un déca, comme au bon vieux temps, chez Raymond et Martine, à deux pas de l’immeuble où j’ai une piaule. Moi, comme d’habitude, c’est toujours un déca. Les autres, non. Eux, c’est plutôt les couleurs du drapeau français, moins le bleu. Il y a pas encore de vin bleu, mais ça viendra, il y a déjà bien des roses bleus et des marguerites rouges, alors pourquoi pas du vin bleu, ça nous pend au nez ; et quand le vin sera bleu, les pifs auront des bleus.

Quand je suis entré, comme d’habitude, les mêmes dialogues : le temps, les faits divers, les ragots, le foot et… le COVID ! L’alcool ça tue la honte et ça crée des liens. On est tous un peu frères chez Raymond et Martine. Et, depuis que le COVID a envahi le monde, on est encore plus frères chez Raymond et Martine. Pourvu que ce connard de COVID soit pas envahi par les variants. Si jamais ça arrivait, ce serait l’horreur. Je  me demande – comme l’a dit Robert ce matin – si on  finira pas par voter à gauche – la vraie, si elle existe -  parce que quand même, on en a marre de ces cinglés qui gouvernent comme si on existait pas…

PS : prochain texte, lundi.

 

19 avril 2021

Le stage

Ça a commencé comme touts les stages. D’abord on s’est présenté, je m’appelle trucmuche, j’ai fait ci et ça, j’aime ci et ça , je n’aime pas ci et ça, mon objectif c’est ci et ça et puis on a enchaîné les cas. Remarque que c’est drôle ces présentations en file indienne. Enfin, c’est moins drôle quand ton tour arrive. Moi, je savais pas trop pourquoi j’étais là, mais je savais que j’étais là contre mon gré alors, au départ, j’ai laissé filé, mais quand j’ai vu que c’était bientôt mon tour d’aller au charbon, ça m’a vite remise sur les rails. J’aime pas parler de moi. Déjà à l’école, je ne levais jamais la main. Question de survie. A chaque fois qu’on m’interrogeait, j’étais en apnée et quand je parlais, j’étais la risée. On a toujours besoin d’un bouc émissaire : c’était moi. A un moment, il y a une fille qui a dérapé, reniflements, mouchoir en papier, rimmel qui coule, pauvre fille, re-mouchoir en papier, gêne et hop, on passe au suivant, et la suivante c’était moi…

PS : prochain texte, jeudi.

 

 

15 avril 2021

Les enterrements

Elle en est à son quatrième enterrement de l'année. Elle n'est pas fâchée de leur survivre, insolente. Combien en a-t-elle déjà enterré depuis deux ans : cinq ? Six ? Sept ? Huit ? Neuf ? Sa mémoire est vacillante. Aujourd'hui, le tour de Léonie a sonné. Elle se sent ragaillardie par ces morts qui s'alignent comment autant de clins d'oeil à sa longévité. Les vieux du village disparaissent les uns après les autres - le coeur, les poumons, les cirrhoses ou pire... le cancer - mais elle, reste. Si elle n'a pas eu de chance dans sa vie, elle a au moins le bénéfice de la ténacité. Elle s'accroche comme une mauvaise herbe et signe le renouvellement de son bail terrestre à chaque mort qu'elle accompagne au cimetière, légère.

 

PS : prochain texte, lundi.

12 avril 2021

Citations

Elle venait d’adhérer – une adhésion de cent euros par an – à une association qui venait de se créer dans sa ville Normande, le CDC : Club des Citations. Selon les mots de la Présidente « Une citation bien chosie chaque mois permet d’ouvrir une porte nouvelle en vous ». Le problème étant, bien sûr, le choix des citations. Pour ce faire, trois formations annuelles étaient organisées. On y « travaillait » sophrologiquement et mélodiquement.

Lors de sa première formation, elle était restée allongée sur un tapis - bleu le matin et vert l’après-midi - et avait écouté deux voix – une masculine et une féminine. Besoins, envies, émotions, tout avait été passés au  « crible » de son corps et de son esprit pour aboutir, en fin de journée, à la citation suivante : « Les remords sans fin empêchent de remordre à la vie »

Passer trente jours au royaume de cette citation lui avait semblé long, mais au bout du trentième jour elle fit le lien avec une nouvelle citation : « C’est quand on a tout lâché qu’une aurore nouvelle peut se lever. » Et elle comprit alors, que le pays des citations était à l’opposé du pays dans lequel elle vivait : chacun pouvait y suivre le chemin qui était le sien…

 

PS : prochain texte, jeudi.

 

8 avril 2021

Les certitudes

« J’aime les gens qui doutent », disait-il souvent en conseil des ministres, en conseil de défense sanitaire ou lors de ses nombreuses soirées confinées avec son épouse. Celle-ci souvent l’interrogeait.

-          Et toi, tu doutes ?

Question à  laquelle il répondait invariablement : Comment peut-ton identifier le doute avec certitude ?*

La dernière fois, il avait ajouté à cette interrogation rituelle.

-          Oui, tu vois, j’ai des doutes sur la RGPP (Réduction Générale des Politiques Publiques). Je me demande s’il ne faudrait pas la transformer.

-          En quoi ? demanda son épouse.

-          En SGDP, c’est-à-dire une Suppression Générale des Dépenses Publiques.

-          Mais tu es complètement fou, rétorqua-t-elle, si tu fais ça ce sera la fin, la fin de notre vie à l’Elysée, la fin de ta Présidence, la fin de tout !

A ce moment là, elle remarqua qu’il avait eu exactement ce sourire qui l’avait séduite au temps du théâtre de sa jeunesse. Mais aujourd’hui, enfermé dans son théâtre de certitudes, il ne séduisait plus personne à part lui-même.

Saus doute saurait-il – trop tard – que l’absence de doute et d’écoute est parfois mortelle.  Et, d’ailleurs, quand il aurait disparu,  qui dirait en pensant à lui : « Merci d’avoir vécu* » ?

 

*citation de Raymond Devos

* « j’aime les gens qui doutent » et « merci d’avoir vécu », deux citations extraites de cette  belle chanson d’Ane Sylvestre.

 

PS : prochain texte, lundi.

 

5 avril 2021

Le viol

Quand Anne avait vu le titre du journal local « Une église violée », elle avait failli vomir. Et en plus avec un pied de biche ! Non seulement des vases et des bougeoirs avaient disparu mais le Christ, lui-même, avait été eventré sur l’autel et du sang humain couvrait son corps. La commission diocésaine d’art sacré  parlait de réseaux par l’Italie, les Balkans, le Moyen Orient, mais elle, elle savait parfaitement qu’il s’agissait d’un réseau local, où seules deux personnes agissaient. Le Chef, c’était Jérémy – anti-curés – qui pensait qu’en violant les églises il pourrait se venger du curé qui lui avait caressé son corps d’enfant de choeur cinq ans durant ;  quant au deuxième membre c’était Marie – dite la pécheresse – mais dont le seul pêché jusqu’ici connu était de n’avoir jamais rien foutu à l’école, car faire l’amour avec Jérémy, ça, ce n’était pas un péché.

Anne ne dit bien sûr rien à personne, mais elle se demanda si Marie et Jérémy allaient sortir un jour de cette spirale dangereuse qui risquait de les mener non pas au paradis, mais à la prison Bonne Nouvelle.

 

PS : prochain texte, jeudi.

 

1 avril 2021

Création

Dans le monde du COVID tout était création au sein de notre gouvernement bienveillant, et que d’idées surprenantes !

Les vaccinodromes, créés à la vitesse grand V, étaient devenus de grands centres vaccino-culturels où les intermittents présentaient au public en cours de vaccination un extrait du spectacle qu’ils ne pourraient peut-être jamais présenter au public dans les salles prévues à cet effet.

Cette  idée – d’une grande intelligence – était une « création » de notre Président qui, bien sûr,  avait assuré les intermittents d’obtenir ainsi une continuité de leur statut d’intermittent.

 Prochain texte : lundi.

Presquevoix...
Newsletter
8 abonnés