La collègue
A chaque fois qu’elle croisait sa collègue Marianne dans la salle des professeurs - semi-déserte depuis l’arrivée du Covid - elle savait qu’elle allait rire un peu, et le rire était une espèce en voie de disparition avec la pandémie. Ce jour-là, elle lui dit.
- Alors Marianne, la forme ?
- Oui, enfin une forme Covid.
Et Marianne poursuivit avec sa verve habituelle.
- Je viens d’avoir un cours avec une classe de RACNAC.
Sa collègue Marianne adorait les sigles.
- RACNAC ? lui demanda-t-elle.
- Oui, des élèves qui n’en ont rien à chier, et qui deviennent nul à chier.
- Zut alors, comment des élèves peuvent ne prêter aucune attention à tes cours d’excellence ?
Marianne sourit et ajouta.
- Heureusement, grâce au Covid, nous passons de la classe à 34 élèves à la classe à 17 élèves, et ça, c’est le bonheur, non ? Enfin, toi, avec ton maximum de 10 élèves par cours, tu es loin de tous ces problèmes !
- Oui, je sais, je suis une privilégiée ; tu aurais dû enseigner une langue dite rare. Mais dis-moi, avec tes 17 élèves par classe, tes RACNAC ont changé ?
- Ah non, bien sûr, mais moi oui, je suis plus détendue. J'aurais presque envie que le Covid dure. J’attends tout de même avec impatience ma retraite, enfin, dans 20 ans !
Elle n’avait pas osé lui dire que dans 20 ans, peut-être que le mot « retraite » n’existerait plus, qui sait ?
PS : prochain texte, jeudi prochain.