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Presquevoix...
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29 février 2020

L’ours

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Quand la petite fille avait vu l’ours sur la branche, elle avait demandé à son père.

-          Et pourquoi il a pas de bras et pas de bouche l’ours ?

-          Parce qu’un ours n’a jamais de bras, avait répondu son père en souriant.

La petite fille était restée quelques secondes silencieuses face à l’ours, puis elle lui avait dit, en le regardant droit dans les yeux.

-          Tu vois l’ours, papa il sait même pas pourquoi t’as pas de bras et pas de bouche. Moi je sais.

Et puis elle était partie en riant alors que son père contemplait la marionnette.

-          Papa, tu viens ? cria-t-elle.

Etonné, il se demanda ce qu’il avait fait de son imagination pendant toutes ces années au pays des adultes.

 

PS : photo prise dans le parc du lycée en 2017. Prochain texte mardi 3 mars.

26 février 2020

Changer de vie

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Qu’est-ce qui fait une ruine ? C’est ce qu’il m’a demandé en me regardant avec insistance.

D’accord, j’avais passé 49 ans et lui en avait trente, mais cela justifiait-il de me parler ainsi ?

Je le lui ai fait remarquer. Moqueur, il  m’a traité de « parano ». Puis il a rajouté, l’air ironique.

-          Les ruines ont aussi leur charme !

Là, je l’ai tué, il n’aurait pas dû continuer ; d’autant plus que c’est moi qui subvenais à ses besoins. Et question besoins, il en avait, surtout financiers.

Maintenant, je suis à Bonne Nouvelle, quartier femmes. Après mon procès, je serai certainement transférée soit à Rennes, soit à Poitiers. Je préfère Rennes, ça me rappellera mon enfance, c’est là que je suis née.

Ici, je m’occupe de la bibliothèque, ça me change de la comptabilité. Je conseille les filles en fonction de l’histoire qui a été la leur et je leur dis qu’avec un livre, on peut sortir du « trou » de notre vie. Au début, elles ne me croyaient pas, mais maintenant, elles me disent merci.

Quand je sortirai – dans 15 ans peut-être ?  - j’ouvrirai une petite librairie qui s’appellera : « chat commence aujourd’hui ». Allez savoir pourquoi…

 

prochain texte samedi 29 février.

 

24 février 2020

L’exaspération

Quand elle lui avait demandé comment il allait après le décès de sa mère, il avait répondu énervé.

-          Putain, il y a des morts exaspérants, je t’assure !

Elle n’avait pas compris. Lui si attentif, si gentil avec sa mère.

-          Mais pourquoi tu dis ça ?

Il avait hésité puis avait fini par lâcher le morceau.

-          Quand elle était vivante je n’en venais pas à bout et depuis qu’elle est morte, elle envahit le territoire, elle est toujours là.

-          Et si tu allais voir quelqu’un pour t’aider ?

Le « quelqu’un » le fit rugir aussitôt.

-          Quelqu’un ? Tu me prends pour un dingue ou quoi ?

-          Tout de suite les grands mots. Je voulais dire quelqu’un qui t’écouterait et te remettrait sur le chemin de la vie, celle que tu aimerais vivre, maintenant, la tienne.

Il ne lui répondit rien et continua à maugréer, en boucle. Puis, avant de partir, il conclut.

-          Putain, il y a des morts exaspérants ! Tu verras quand ta mère mourra.

22 février 2020

La marelle

 

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Oui, c’était la cour de l’école où elle avait passé son enfance et il y avait toujours une marelle, pas la même, mais une autre qui lui ressemblait. La cour aussi avait changé, plus de terre, dommage, les enfants ne pouvaient plus jouer aux billes comme avant, mais jouait-on encore aux billes dans les cours d’école ?

Elle s’amusa à grimper jusqu’au ciel de la marelle en chantant ce « jogo d’Amarelinha » qu’elle avait tant aimé mais, une fois arrivée au ciel, Saint Pierre lui dit.

-          Il aurait mieux valu que tu attendes ton tour. Maintenant tu es sur liste d’attente pour le paradis. La liste est longue, je peux te le dire, et il y a peu d'élus !

Elle comprit soudain que la terre avait disparu et qu’elle était perdue…

 

PS : photo prise à St Prix, sur la fameuse cour  de cette école primaire où j'ai passé cinq années dont il me reste encore quelques souvenirs...

 

20 février 2020

Duo de février

 Voici notre Duo de février avec Caro du blog les heures de coton. Voici  les deux "pistes" que Caro a choisies : "Presque tous nos souvenirs sont faux." de Julian Barnes puis, cette rue des Cascades,  de Yan Tiersen.

 

Après le texte de Caro, voici mon texe.

                                                                ____________________________________

 

Cette jeune femme, d’une trentaine d’années, s’était approchée de lui en souriant et immédiatement elle avait voulu l’embrasser. Il n’avait pas dit non, comment dire non à une femme ; il n’avait jamais su. Le seul problème c’était qu’il n’aimait pas les rousses, et elle, elle avait de longs cheveux roux.

-          Tu te souviens de moi ? Avait-elle dit d’une voix où la peur avait commencé à tisser sa longue robe de lin.

-          Non. Je n’ai jamais connu de rousses.

-          Le lycée Flaubert, rue des Cascades, à Nantes ?

Elle insistait. Il finit par répondre.

-          Tu ne sais pas que presque tous nos souvenirs sont faux ?

-          La classe de terminale S3. Tu t’appelles bien Raphaël ?

-          Raphaël oui, mais je n’ai jamais habité à Nantes. Par contre j’ai bien fait une terminale S.

Elle insistait encore et, plus elle insistait, plus ses yeux vert émeraude s’emplissaient de larmes. Il sortit un mouchoir en papier de sa poche et le lui tendit.

-          Attention aux Cascades, elles peuvent faire partir toute l’eau de ton corps et tu n’en ressortiras pas vivante.

Pour la rassurer, il lui proposa une chose, une seule : voguer dans le silence. Elle accepta.

Ils voguèrent une nuit, une seule, et quand ils se réveillèrent, tous leurs souvenirs avaient disparu. Une nouvelle vie commençait ; une vie pure et douce comme la vie des enfants qui naissent…

 

18 février 2020

Duo de février

Voici notre Duo de février avec Caro du blog les heures de coton. Voici  les deux "pistes" que Caro a choisies : "Presque tous nos souvenirs sont faux." de Julian Barnes puis, cette rue des Cascades,  de Yan Tiersen.

Aujourd'hui vous pouvez lire son texte, le mien sera publié jeudi 20 février.

 

___________________________

« Presque tous les souvenirs sont faux. » J’éprouve soudain une irrésistible envie de le gifler. Ce ton péremptoire. Avec une pointe de suffisance. Sa façon définitive d’assener ses idées et de définir le monde. Gaétan a un physique somme toute fluet, des cheveux brun-roux assez fins - un rien les ébouriffe-, une peau très blanche constellée de tâches de son. Gaétan éblouit à chaque fois son auditoire. Et l’auditoire suit. Excepté moi, qui me ratatine instinctivement, à deux encablures du buffet et du champagne.

Gaétan. Epoux de ma meilleure amie Alix depuis 28 ans. Docteur en psychologie. A la tête d’un important dispositif d’aide à l’enfance. Personnifiant le bon goût. Le bon quartier. Les trois enfants. Rester l’été à Bénodet, partir l’hiver à la montagne et parfois, les îles ou un safari. La musique, classique ou jazz, en concert intimiste ou version vinyle. La maison, grande, sans ostentation, cuisine américaine équipée de ce qu’il faut, gadgets et jeune fille au pair, anglaise ou scandinave. Les meubles modernes avec quelques trésors chinés çà et là. La lumière qui entre à flot à travers de larges baies vitrées, même en novembre. La cave, les millésimes. L’été, derrière les rosiers et les pins graciles, nous les proches, toujours bienvenus, nous laissons bercer par le murmure de la mer. Cachés par le genévrier, des marches descendent jusqu’à la plage. Une liste sans fin, sans faute. Gaétan, élégance, fric et discrétion conjugués, j’aimerais, oui, j’aimerais le gifler.

Le vin que l’on vient de me resservir est délicieux. Soudain je n’ai pas soif. Cela parle musique maintenant. Ce que j’écoute ? Moi ? « Yann Tiersen, le dernier album Portraits. Essentiellement, rue des cascades. » On me coupe. « Ah Tiersen. Amélie. Montmartre. Incroyable ce film. » Non justement pas Amélie, mais une musique qui allume vos jours, et diffuse une douceur bienvenue en ces mois si creux de l’hiver.

« Rentre chez toi ! », je m’entends hurler dans le silence de ce buffet entre amis. Retrouver la chaleur et une lumière tremblante, la musique à portée de main, pouvoir me réfugier dans le canapé et ouvrir mes albums photos, trier mes souvenirs et vérifier ces mots qui me taraudent : et si c’était vrai, si certains souvenirs étaient bien faux. Tous peut-être. Gifler Gaétan avec ses mots qui ont la délicatesse des masses de fer. Parce que je sais que ma mémoire est floue et rêveuse, que je ne désire rien tant que l’incertain et le fragile, l’assurance des autres me crucifie. 21 h 52, j’ai attrapé mon manteau, je fais un signe de la main aux groupes agglutinés ; je ne fais déjà plus partie du tableau. En sortant je m’immobilise devant un grand pêle-mêle accroché dans l’entrée. Des photos au ski, à la mer, à la montagne en été. Une communion. Ce réveillon où notre tribu d’inséparables n’était pas encore fissurée. Et ces sourires. Un souvenir faux. Paul sautait déjà sa secrétaire, Frédéric, mon ex, s’approchait de Tatiana. Emilien, l’aîné de Gaétan et Alix, derrière son sourire qui valait son pesant d’orthodontie, projetait sans doute déjà de disparaître de la vie de sa famille. L’enfant parfait était parti un 22 avril sans laisser d’adresse.

J’ai volé la photo et l’ai glissée dans mon sac. Les souvenirs, vrais ou pas. Je ne veux pas savoir. Je ne peux sans doute pas savoir ; D’ailleurs la vérité peut-elle se conjuguer au passé ?

16 février 2020

La pierre tombale

 

 

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Il contempla les 30 % avec un intérêt extrême. Merveilleux, pensa-t-il, il faut en profiter. Aussitôt il entra. L’employée du magasin de pompes funèbres – une jeune femme rousse, au fessier aussi avenant que son sourire, lui dit.

-          Je peux quelque chose pour vous ?

Du haut de ses 75 ans, il en sourit de bonheur.

-          Oui mademoiselle. Votre modèle Romain m’a tapé dans l’œil. Je souhaiterais le voir de plus près s’il vous plaît.

La demoiselle sourit et l’invita à la suivre dans le fond du magasin.

-          Le voici, lui dit-elle. Je vous laisse l’observer un instant.

La tombe était sombre et sobre. Un plaisir de tombe, vraiment, et vu le prix, pourquoi hésiter. De toute façon, il ne comptait pas faire de vieux os. Ses os, d’ailleurs, commençaient à perdre pied.

-          Mademoiselle, c’est tout réfléchi.

-          Eh bien,  vous êtes tombé amoureux de notre modèle ?

-          Oui, si l’on peut dire, et d’ailleurs j’ai déjà mon billet.

-          Votre billet ?

-          Oui, pour Rome, mais c’est un aller simple, bien sûr.

La jeune femme  le conduisit vers la caisse. Avant de lui demander sa carte bleue, elle dit.

-          Pour ce genre de voyage, le plus tard sera le mieux, vous ne croyez pas ? Vous me direz, c’est aussi ce que j’ai dit à mon père, mais il ne m’a pas cru. Lui aussi a choisi le modèle Romain, juste avant de partir vers l'au-delà !

Il sortit sa carte bleue et la lui tendit. Avant de quitter le magasin, il lui adressa un sourire et la remercia de son accueil bienveillant et de son sourire. Une semaine plus tard, il mourrait.

 

 

14 février 2020

La voix

Hier, et pourtant j’ai très peu d’élèves, je ne comprenais strictement rien à ce que disait l’adolescent qui était juste assis à ma gauche, non loin du bureau. J’ai fini par lui dire que, vu mon grand âge, j’étais sourde. J'ai donc conseillé à la classe d’articuler et de parler plus fort car ils risquaient de tomber sur une personne de mon âge – voire plus - à l’oral du Baccalauréat.

L’élève a souri et a augmenté d’un cran son niveau sonore. Pourvu que les autres suivent le même élan vocal...

 

11 février 2020

L’ETHAG

Juste après sa retraite, elle avait créé une petite entreprise – l’ ETHAG (Entreprise de travaux et d’Harmonie Générale) –  qui, en fait, était une « entreprise » de tueurs à gages dont l’objectif simple et efficace était de recréer l’harmonie en mettant fin – proprement - aux personnes qui nuisaient à l’ambiance de travail ou à l’ambiance familiale.

Cette entreprise eut un succès immédiat ; à croire que la société allait mal.

Son travail lui plaisait – beaucoup plus que le travail d’enseignante qui avait été le sien pendant quarante ans. Elle avait même recruté d’anciens élèves que le système scolaire avait conduit au bord du gouffre ; il faut dire que les derniers ministres de l’Education nationale avaient passé leur temps à détruire plutôt que réformer. Elle était heureuse de constater que certains de ces élèves – en échec constant au lycée – avaient progressé au sein de l’entreprise.

Quant à ses clients, ils venaient de secteurs divers, de classes sociales différentes et, les contrats signés avaient été mis en place de façon équitable par son ex-conjoint – chef de service au ministère de l’économie et des finances pendant de longues années. L’excellence de ces contrats l’avait conduite à le remercier de son ouverture sociale, économique, politique et… sexuelle.

Quant aux recrutements et aux stages de formation de l’ETHAG, c’était son nouveau conjoint – ancien policier de la BAC (brigade anti criminalité) -   qui en assurait la gestion de façon irréprochable. Quel saint homme, se disait-elle souvent, avant de se mettre à table avec lui.

C’est avec un plaisir renouvelé qu’elle constatait que l’ETHAG était toujours sur une courbe ascendante et que, le secteur politique avait même dépassé d’un cran le secteur des entreprises. Il faut dire que, vu le désintérêt des citoyens envers les partis de droite ou de gauche, nombre d’hommes politiques faisaient appel à son entreprise pour faire passer dans l’autre monde leurs adversaires potentiels…

 

PS : Prochain texte le vendredi 14 février

 

9 février 2020

Cadeau

En regardant les DVD sur le rebord de la cheminée, elle remarqua que deux d’entre eux n’avaient pas été retirés de leur emballage transparent ; c’était justement les 2 DVD qu’elle lui avait offerts pour son anniversaire, l’année dernière.  Elle les glissa aussitôt dans son sac - ni vu ni connu ; inutile de laisser les personnages se morfondre  dans ce triste lieu.

Elle leur trouverait un autre endroit et un public de choix, puisque sa belle-mère ne daignait pas s’intéresser à eux.

 

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