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8 octobre 2019

Le comptable

Il passait ses nuits à pédaler ; l’enfer. Le matin, il se levait exténué, le pyjama à tordre. Il finissait par avoir peur de s’endormir, sûr qu’il aurait encore un ou deux cols à franchir dans la nuit. Mais le pire, ce n’était pas les côtes, c’était les descentes : il avait peur des sorties de route.

La nuit du 13 mars, il s’était réveillé juste au moment où il ratait un virage dans une descente vertigineuse. Il n’avait pu se rendormir qu’à 5 heures et son réveil avait sonné à 6 heures 30.

Quand il était arrivé au travail, ses collègues s’étaient étonnés de son visage défait. Mais le coup de grâce, c’est son chef de service qui le lui avait donné.

-          Dites donc Dormien vous avez une bien mauvaise mine ce matin. Votre femme, par contre, elle a l’air radieuse, je ne sais pas ce que vous lui avez fait…

Dormien répondit abattu.

-          Je ne lui fais plus rien, monsieur, elle m’a quitté. Elle est partie avec un coureur cycliste. A croire que les coureurs cyclistes lui réussissent mieux que les comptables.

Le chef de service, confus, répondit maladroitement.

-          Désolé Dormien, je savais pas que… désolé, vraiment… désolé.

Et il quitta Dormien aussi vite qu’il le put.

 

6 octobre 2019

Le parcours du combattant

Son père était un héros et sa mère  une sainte. Enfin, c’est ce qu’il disait depuis qu’ils étaient morts. Curieusement, il avait oublié que, son père vivant, il l' avait souvent traité de « sale égoïste » ; quant à sa mère, il lui reprochait d'accepter son statut d' esclave et, bien sûr, il ne l'avait jamais aidée.

Maintenant, à 60 ans passés - mais toujours aussi "jeune" -  il attendait sa mort avec impatience pour retrouver sa sainte mère au ciel.

 

4 octobre 2019

Les opposés

Elle l’avait rencontré dans un café près de la gare du Nord, un dimanche. Lui, il lui avait parlé parce qu’elle ressemblait à une ancienne amie, disparue, et ensuite parce qu’elle lui avait souri. Ils avaient discuté de tout et de rien jusqu’à ce qu’elle lui dise.

-          Je suis anti-flic depuis toute petite. Mais bon, je ne sais pas pourquoi je vous dis ça.

Il avait répondu.

-          Moi, il y a un truc que je n’aime pas, c’est la couleur jaune.

Elle avait souri et il lui avait demandé pourquoi.

-          Eh bien je suis gilet jaune, alors…

-          Ah ! Pour ne rien vous cacher je suis flic.

Ils se regardèrent en silence, puis il avait fini par avouer.

-          Vous savez, je ne suis pas d’accord avec ce qu’ils nous demandent de faire au gouvernement.

-          Alors, dites-le-leur ou arrêtez d’être flic !

-          Facile à dire, mais après ?

-          Après est un nouveau jour.

Et après avait été un nouveau jour où le jaune, le bleu, le blanc et le rouge avaient hissé pavillon sur le voilier de la liberté...

 

2 octobre 2019

Le prince

 

20190811_152754

 

Arrivée devant le restaurant qu’elle avait connu vingt ans plus tôt, elle prit une photo. Le Prince avait fermé ses portes. Elle  avait connu un autre  prince, elle, un vrai, mais il avait disparu de sa vie.

 D’ailleurs, ce restaurant, elle y était entrée avec lui la première fois, et c’est lui qui l’avait invitée. Il lui avait dit en souriant.

-          Pour celle que j’aime, qui n’est pas une vraie princesse mais qui mériterait de l’être.

A l’âge qui était le sien à l’époque –  23 ans – elle avait été touchée de ce compliment qu’aujourd’hui elle trouverait stupide. Être aimée d’un prince, et un si beau prince, n’entrait-elle pas ainsi dans un monde onirique ? Hélas, le rêve avait vite fermé ses portes.

Elle se souvint soudain de cette surprenante remarque qu’il lui avait faite, une fois le menu choisi.

-          Je t’aime et tu n’aimeras que moi, toujours.

Elle en avait été touchée, bien sûr. Mais trois ans plus tard, elle mettait fin au conte de fée qui l’avait épuisée.

Jamais plus elle n’avait eu de ses nouvelles. Peut-être était-il reparti chez lui, dans un pays dont elle avait oublié le nom. Peut-être avait-il disparu ou, peut-être n’avait-il jamais existé. Qui sait ?

 

PS : photo prise à Saint Leu la forêt, dans le Val d’Oise, non loin de la maison des parents d'une amie qui, l'un comme l'autre, ont disparu.

 

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