L'amie
Malgré ses 60 ans passés, Juliette se prenait pour un ange. Allez savoir pourquoi ?
Je n’osais pas lui dire qu’elle ferait mieux d’aller voir un psy, pourtant ce n’était pas l’envie qui me manquait.
Elle passait son temps à projeter - le mal de préférence – chez les autres.
Juliette était un ange qu’aucun homme n’avait voulu accompagner pour la simple et bonne raison – disait-elle – qu’elle savait trop de choses.
Un jour, au cours d’une conversation dans un salon de thé, je lui ai demandé ce qu’elle savait sur les hommes. Et elle m’a répondu, l’air sérieux.
- Je les vois au fond d’eux-mêmes et ça les dérange.
- Et que vois-tu ?
- Ce qu’ils veulent cacher, bien sûr.
Je n’ai pas insisté. J’aurais eu envie de lui dire qu’on voyait mieux le mal chez l’autre que dans sa malle personnelle, mais cela en valait-il la peine ? J’ai juste ajouté.
- Je crois que j’ai eu de la chance avec mon mari.
Et elle m’a répondu.
- Ton mari, de toute façon, c’est un gentil petit chien !
- Un gentil petit chien ? Je ne m’en étais pas rendu compte.
- Eh oui, Les anges ont les yeux ouverts, les autres ont les yeux fermés.
Je n’ai plus jamais revu Juliette, et je crois que je m’en porte mieux.
PS : photo prise au Tréport en 2016