Rossini
Mado est de retour chez Presquevoix et, toutes deux, nous avons planché sur le Duo des chats de Rossini que vous pourrez écouter ci-dessous.
Aujourd'hui vous pouvez lire son texte, le mien sera en piste mercredi 6 mars.
Montserrat Caballé e Montserrat Martì - Duetto buffo di due gatti (Rossini)
(Cha) ba da ba da…
Tout le long du chemin elle avait eu l’impression qu’on la suivait. Et quand il eut franchi le seuil de la maison, elle n’avait pas eu le courage de le renvoyer. Ils étaient vite devenus inséparables, lui toujours collé à ses talons ; elle, à le flatter, le mignoter, le balader, lui vouant tout son loisir. Le matou s’était mis à dormir au pied du lit, puis entre elle et son mari ; lequel la quitta.
Il avait tant souffert lors de son précédent mariage. Dès la naissance de leur enfant, sa première femme se l’était accaparé, lui réservant tout son temps, tout son amour. A son insu, sans doute, avait-elle même tenu à distance père et fils, qui demeurèrent étrangers l’un à l’autre malgré les efforts du premier. L’enfant élevé, elle s’en était allée vivre avec un homme plus jeune ; lui refaisait sa vie avec une femme ayant passé l’âge de la maternité- Chat échaudé craint l’eau froide. Pourquoi à nouveau, avait-il ressenti les picotements du sentiment d’exclusion ? Il avait beau aimer cette femme et son chat, par peur de se dissoudre une seconde fois dans l’existence d’une autre, il préféra s’éloigner. Pourtant loin d’elle, il déprimait.
Elle, toute à son minet, s'était à peine aperçu de son départ. Ainsi la vie coulait-elle joyeuse et sereine. Jusqu’à ce que le minon commence à préférer la vadrouille buissonnière, découche plus souvent, pour finir par ne plus rentrer du tout. A son tour elle déprima.
Un jour, on gratta à la porte. L’amoureux mari ne supportait pas de la savoir malheureuse- et la couche était libre à présent… Ils restèrent un moment silencieux puis il lui prit la main : « Mon aaamour… ». Il avait ronronné ces mots, comme un doux feulement chantant. Toute émue, elle s’entendit à son tour minauder sur une note aussi câline : « Mon aaamour… ». Il posa la tête sur son épaule et lui lécha avec délicatesse le cou, les oreilles… Elle plissait les yeux de plaisir… Le temps d’échanger encore quelques chatteries de retrouvailles, ils roulèrent sur les coussins du canapé, s’enroulèrent, se dévorèrent avec passion jusqu’à potron-minet, avant de se jurer, harassés, un amour tout neuf et éternel.
Depuis, quand ils se bécotent sur les bancs publics, il arrive fréquemment que d’honnêtes chats freinent leur course et les observent. On dirait qu’ils sourient avec, dans le regard, un air de leur trouver, complice, une petite gueule bien sympathique.