Le signe
C’est dans le sixième tiroir qu’elle l’avait trouvé. Un mot jauni, oublié de tous, peut-être même de celle qui l’avait reçu. L’homme lui donnait rendez-vous derrière le court de tennis, dans la remise où le bois attendait les grands feux qui brûlaient dans l’âtre dès le mois de novembre.
Mais qui était cet homme ? Son mari ? Un amant ?
Le soir-même, alors que sa grand-mère tricotait et qu’elle-même lisait un livre dont l’histoire lui échappait, elle lui avait glissé l’air de rien.
- J’ai trouvé un mot dans le petit meuble à tiroirs du salon.
- Ah bon ? Répondit sa grand-mère sans lever les yeux.
- Oui, un mot pour toi. Mais il date et il est tout jauni !
- Ah, ce mot-là !
- Tu te souviens ?
- Oui.
- C’est de papy ?
- Ton grand-père n’aurait jamais écrit ça.
- Alors de qui ?
- Tu es bien curieuse.
- Mais pourquoi tu l’as gardé à cet endroit depuis tout ce temps ?
- Va savoir pourquoi on garde les choses, lui avait répondu sa grand-mère, soudain triste.
Elle n’avait pas insisté.
Une partie de la réponse était venue dix ans plus tard, à l’enterrement de sa grand-mère.
Elle n’en sut jamais plus que le peu qu’on avait bien voulu lui dire, mais cette béance fut le motif de son premier roman qui s’intitula : « le silence »
PS : photo prise à Bonnemare.