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8 janvier 2017

l'échange

Cette année, l'échange traditionnel de cadeaux a un peu perdu de son charme. Pas de noeud, pas de papier d'emballage, juste le cadeau dans sa stricte nudité. Et, pour fêter Noël,  oh surprise, ils ont eu la même idée : du whyskie, de la même marque,  sauf qu'une bouteille avait 15 ans d'âge et l'autre 12 ans...

6 janvier 2017

Duo de janvier

Voici notre premier duo de l'année avec Caro-carito. Nous avons choisi comme thème cette  chorégraphie de Pina Baush.

Après le texte de Caro, voici le mien.

 

Le rêve

 

La première fois qu’elle l’avait vue, c’était dans un champ où le givre avait laissé une fine couche blanche. Elle dansait pieds nus, revêtue d’une robe rouge, et personne n’aurait pu l’arrêter. Du sang maculait son visage. Avait-elle commis un crime ?

Elle s’est réveillée au moment où la danseuse lui tendait un miroir et l’obligeait à se regarder. Un  cauchemar.

Après un petit déjeuner morose et deux ou trois mots échangés avec sa colocataire, elle est partie dans la brume matinale sur son vélo rouge. Il était huit heures et la ville se réveillait avec "la gueule de bois". Elle aussi, comme si le champagne bu la veille lors du réveillon n’avait pas encore été digéré.

En tournant, avenue des Martyres de la Résistance, elle a évité de justesse une voiture qui tournait à droite. « Connard ! » a-t-elle hurlé pour se débarrasser d’une colère qui venait d’ailleurs. Le compte à rebours commençait, mais vers quoi ? La femme qui dansait ne lui avait-elle pas chuchoté : « Je vois dans tes yeux qu’il y a trop de secrets pour que tu puisses être sauvée… » Comment pouvait-elle lécher des blessures qui suppuraient ?

C’est au bout du boulevard de la liberté qu’elle est tombée, et sa tête a heuré le trottoir. « Si ça se trouve, elle s’est évanouie  », a dit un témoin aux pompiers qui l’emmenaient sur un brancard. Alors que la sirène hurlait, la femme du rêve lui est  apparue pour une dernière rencontre, mais cette fois-ci son visage était blafard et sa robe était noire. Elle lui a murmuré : « Personne n’aurait pu te sauver, personne. »

Le bruit de la sirène  a disparu et son cœur a cessé de battre.

Au cimetière, dans le silence d’une fin d’après-midi d’hiver, un homme âgé s’est approché de la tombe où reposait la jeune femme au vélo rouge. Il a placé un petit pot de lierre sur le marbre blanc et il y a glissé une lettre.

Quand il a été parti, je me suis précipitée pour la lire :

 

« Ma chérie,  

Je savais qu’en te revoyant je me condamnais, mais comment aurais-je pu imaginer une telle punition ?

La vie m’a condamné deux fois. Une première fois pour meurtre, une deuxième pour avoir voulu réparer l’irréparable.

Me pardonneras-tu ?

Ton père qui t’aime et t’aimera toujours. »

 

Cette lettre, je l’ai vraiment lue. J’ai même vu l’homme qui l’a laissée. Lui ne m’a pas vue, j’étais cachée derrière un mausolée.

L’histoire, je l’ai inventée,  mais que veut dire inventer ? Ce que l’on imagine a peut-être les vertus de la vérité. N’est-il pas possible  que cette histoire ait existé quelque part, ici ou ailleurs ?

 

4 janvier 2017

Duo de janvier

Voici notre premier duo de l'année avec Caro-carito. Nous avons choisi comme thème cette  chorégraphie de Pina Baush.

Ce texte est de Caro, le mien sera posté le 6 janvier.

 

 

 Elisabeth

« Une première. – la prof avait ajouté –Vous avez de la chance. »

Nous, je ne sais pas, mais la moitié de la rangée qui avait dû se lever à notre arrivée n’avait pas dû penser la même chose en voyant cette bande de jeunes s’installer à coup d’apostrophes et de grands gestes puis, une fois assis, plonger dans d’incessants pépiements entrecoupés de brusques chamailleries. Nous devions aussi leur rappeler à quel point les adolescents traversent un âge difficile… pour ceux qui les côtoient : cheveux gras à divers degrés, méconnaissance de l’usage du déodorant et des vertus des douches quotidiennes, le tout allié à des pieds qui puent.

Moi je me taisais. Je me foutais de Pina truc, de la culture et de « élargir son esprit » qui semblait être le credo de nos bien-aimés professeurs. Bettina, ma meilleure copine, sortait depuis hier avec Emilien et je sentais bien que, si l’amour triple A démarrait pour elle, notre amitié avait du plomb dans l’aile. Ce n’était pas la première fois que cela m’arrivait, les sales coups de certaines filles, des brouilles idiotes et surtout, plus grave, le départ de Morgane en 6ème qui m’avait longtemps reléguée dans un groupe de filles puériles… je connaissais. Rien que les choses de la vie, avait commenté ma mère sans doute pour me consoler. Avec Bettina, c’était autre chose. Elle apportait de la couleur et un peu de piment dans mon existence.

Un mec est monté sur scène, le directeur a-t-on soufflé quelque part. J’ai essayé de me concentrer sur son blabla, peine perdue. A ma droite, ma prof dissertait sur notre avenir, la liberté de créer etc.  A ma gauche, ma voisine parlait de son acné et de sa difficulté à garder Brice ou Kev plus de deux jours quand on ne veut pas coucher. Bettina, deux rangées plus bas, bécotait son nouveau mec. Son chum m’avait-elle dit crânement, pour montrer que, elle, elle venait de passer les vacances de Toussaint au Canada. J’ai détourné les yeux, je me sentais tellement détruite que je n’arrivais à détester, ni l’un ni l’autre.

Quelqu’un a tapé trois grands coups, effrayant la moitié de notre classe de 3ème. Notre prof nous a expliqué l’origine du truc jusqu’à ce que son voisin de siège nous dise de fermer nos gueules. Ce que nous avons fait religieusement. En tout cas au début. Une petite lumière, un drôle de décor, une femme mince comme un fil est sortie de nulle part et s’est mis à voleter sur scène. Sa robe rouge orangée flottait autour d’elle comme dans un dessin animé. Après, d’autres gens sont arrivés et ont gravité autour d’elle. Ils venaient et repartaient. Finalement le spectacle n’a pas duré trop longtemps.

Les gens ont applaudi pendant un long moment. Pour ma classe, c’était surtout pour le fun parce que vu le nombre de fois où mes camarades avaient regardé leur portable, ils n’avaient pas dû voir grand-chose. La prof a insisté  pour que l’on reste et qu’on aille parler aux danseurs. En plus il y avait un pot, ça a décidé les plus râleurs.

La troupe était devant nous, accompagnée de celui qui selon toute vraisemblance était le directeur du théâtre. Evidemment, tout le monde avait quelque chose à dire, ça m’a rappelé la pièce qu’on étudiait en anglais « Much Ado About Nothing»1. Et quand la prof s’est pâmé - y’a pas d’autre verbe - devant cette « performance », j’ai cru qu’ils étaient tous devenus frappadingues. J’ai regardé mon phone, 23 h. Je n’avais qu’une hâte, me tirer d’ici. Bettina, après avoir posé sa question naze, a commencé à tripoter allégrement dans un coin son nouveau galant. Un gardien à la tronche pas commode est arrivé, le directeur a levé la tête. Il allait sans doute siffler la fin de la récré.

C’est à ce moment que la danseuse s’est approchée de moi. « Toi, tu ne dis rien, qu’est-ce tu as pensé ? » J’imagine que je suis devenue écarlate et, dans un souffle, j’ai dit sans trop réfléchir : « Je me suis sentie moins seule. Non. Je me suis sentie… plus seule du tout. » Elle m’a regardé droit dans les yeux et a souri. Elle a dit un mot en anglais et c’est là que je me suis rendue compte qu’elle parlait français avec un léger accent. J’allais partir quand elle a harponné mon bras. Elle a tiré une photo de son sac et a griffonné quelque chose dessus. Je l’ai rangé dans ma poche.

La prof m’attendait, Bettina était là aussi. Je sentais que l’une et l’autre mouraient d’envie de savoir ce qui s’était passé. C’est Bettina qui a osé demander. J’ai répondu « rien. » C’est plus tard que j’ai osé lire ce qui était écrit : « feeling lonely is not the same thing as being alone.2 Tu trouveras un jour.»

J’ai fermé les yeux. J’ai revu l’envol léger de ce corps. Bien sûr, je ne serai jamais danseuse et je ne serai jamais une étoile, je ne suis même pas sûre d’avoir un jour quelque chose de gracieux en moi. Et je n’écrirai pas, dans la dissert que nous demanderait la prof dès demain matin, ce que j’avais ressenti.

J’ai rangé la photo dans le tiroir. Je savais simplement que c’était le début d’autre chose.

 

1 Beaucoup de bruit pour rien - comédie de William Shakespeare

2 se sentir seul n’est pas la même chose qu’être seul.

2 janvier 2017

La lettre

20161224_100415Lorsque le Père Noël décida de mettre de l’ordre dans toutes les lettres qu’il avait reçues, il se rendit compte qu’il y en avait une qui avait échappé à son attention. Elle disait :

« Cher Père Noël

Si je t’écris, c’est sur les conseils de ma copine Virginie qui m’a dit que tu avais plein de pouvoirs.

Moi, pour Noël, je voudrais qu’une seule chose mais ça se met pas sous le sapin : tu peux tuer mes parents ?

Si tu crois que c’est trop dur, c’est pas grave, mais ça me ferait bien plaisir.

Bisous,

Marie. »

A la fin de sa lecture il blêmit. Pauvre petite, se dit-il, qu’est-ce que je pourrais bien faire pour elle ? Il chercha un livre sur une étagère, à la lettre F. Il demanda à ses lutins de l’envelopper dans du papier doré puis il écrivit sur une petite carte :

« Chère Marie,

Je ne peux pas faire ce que tu me demandes, mais voici un livre que tu pourras lire quand tu seras grande et je suis sûr qu’il t’aidera beaucoup. Si tu ne le comprends pas, va voir de ma part un médecin qui s’appelle le docteur Freud, et il t’aidera…

Bises du Père Noël "

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