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9 novembre 2016

duo de novembre

Pour notre duo de novembre, Caro a choisi cette photo comme amorce. Novembre sera peut-être le mois de l'amour, qui sait ? Aujourd'hui vous pouvez lire son texte, le mien paraîtra vendredi 11 novembre.

graine de culotte

Les faux serments

« C’est quoi ça ! » Incrédule, je regarde Antoine qui agite devant moi une photo, ma photo. Il n’a pas eu à fouiller mon sac. Un geste maladroit et elle a glissé avec tout le fourbi que je trimballe. Je distingue un léger sourire sur ses lèvres. Parce que c’est Antoine, je n’ai pas la force de la  lui reprendre et de la ranger à sa place.

Je n’aime pas les photographies, que ce soit dans les expos ou les réunions de famille. Un monde trop figé ou trop mièvre, trop conceptuel ou trop instantané. Regardez le flux incessant des Facebook Snapchat Instagram ! Remarquez, la plupart de celles que j’ai côtoyées tape dans le genre famille, dégoulinantes de bons sentiments. Une sorte de carpe diem factice, sous papier mat/brillant, emprisonnée à perpétuité.

Pas de photos chez moi, les rescapées demeurent bien cachées dans un fichier de mon disque dur. Sauf une, aux bords usés, à la surface pâlie, celle que tient Antoine.

Je n’arrive pas à lever les yeux. La salle du restaurant semble saturée du bruit des portes qui claquent, des verres et des plats qui s’entrechoquent. Et tous ces gens qui mangent, qui s’aiment, s’ignorent, se détestent. Le garçon passe une nouvelle fois. Il se tient droit comme un i alors que ni Antoine ni moi ne commandons quoi que ce soit. Soulagement,  une autre table, la 3, réclame un supplément de frites, il se précipite et nous laisse.

Antoine ne dit rien, il est en train de m’avoir à l’usure. Il sait que je ne suis pas romantique, je ne crois pas à grand-chose, pas besoin de faire un bilan psy qui étalerait mes trente-et-une années sans en ôter les aspérités. Voilà, maintenant Antoine sait ; je garde comme un talisman la photo que quelqu’un a prise de mon premier amour. On s’était tatoué au feutre indélébile un serment, une phrase qu’on avait dû entendre dans une chanson. Quelqu’un avait dû trouver cela mignon, clic, clac et un petit pola* pour la vie ! N’empêche, ce garçon, j’ai rêvé de lui longtemps, même après qu’il a déménagé. J’ai oublié son prénom, son visage mais pas ce frissonnement quand il m’offrait un bonbon, une fleur, une babiole.

« Ne me regarde pas comme ça Antoine, j’avais dix ans. C’est l’âge où les idiotes de filles croient encore au bellâtre de prince charmant. En tout cas, ma stupide génération. » Il se lève, je contemple la chaise vide. J’espère que je n’ai pas fait une connerie en lui déballant cette niaiserie enfantine, ni que je l’ai blessé avec ma manie d’être abrupte. Trois mois qu’on vit ensemble et les nuits et les jours sont devenus plus légers. N’oublie pas ça Lou, et aussi de tourner ta langue sept fois dans ta bouche avant de causer.

Antoine est revenu, suivi de près par le garçon qui pose devant nous deux Manhattan. « Lou, je garde la photo. En échange, dans trois semaines, prépare-toi pour la route 66 et une grande halte en Californie. » Il pose devant moi des billets d’avion, des réservations, une carte. Il n’y a rien dire. Oui je n’ai rien promis comme je n’ai jamais dit non quand il s’emballait devant un documentaire ou qu’il revenait avec tous les guides US de la FNAC. Souris Lou, car je sens que tu vas aligner ta deuxième connerie de la journée… Trop tard, c’est fait. « Il y a plein de tatoueurs là-bas, on pourra le faire pour de vrai. » Il rit comme si c’était une bonne blague mais je sais que je viens de signer mon arrêt de mort. Antoine n’oublie jamais rien et je parierais sur la tête de Jack Kerouac, s’il était encore en vie, que nous échangerons ces mots d’encre sur nos peaux comme d’autres troquent des alliances et des serments dorées.

Pendant qu’Antoine range la photo dans la poche de sa veste, je l’observe à travers mon verre. J’ai toujours pressenti que ma mauvaise foi ne tiendrait pas face à notre histoire. Là, je viens de signer ma reddition.

* polaroïd

7 novembre 2016

Le prénom

Ils l’avaient appelée Harmonie mais l’opération avait  lamentablement échoué : c’était la fille la plus "chiante" que le monde ait jamais connue. Tout le monde s’accordait à le dire, même ses parents, surtout ses parents…

5 novembre 2016

Hallucination

20161003_140306Il venait de passer, Marie en était sûre. Elle s’est précipitée hors du restaurant mais il avait disparu. Où ? Mystère. Il était coutumier du fait. Sa présence fantomatique était  ce qui l’avait fascinée chez lui.

Quand elle est revenue s’asseoir à la table, Isabelle lui a dit.

-          Alors ?

-          Alors rien. Il a disparu, comme d’habitude.

-          Tu ne crois pas que tu as eu un genre d’hallucination ?

Marie l’a regardée bizarrement, comme si elle lui en voulait de ne pas la comprendre, puis elle a répondu.

-          Tu dois être malheureuse, toi, cette façon que tu as de casser les gens.

Isabelle s’est tue. Marie avait raison : pourquoi voulait-elle absolument qu'elle s'en tienne à la réalité ?

 

PS : photo prise à Rouen, chez Pascaline.

3 novembre 2016

La salle de bain

Ils se brossent les dents tous les deux dans la salle de bain

 

-          Tu ne trouves pas que c’est bien cette petite armoire à glaces qui permet de voir son profil droit et son profil gauche.

-          Bof !

-          Tu dis ça parce que  tu n’aimes aucun de tes profils.

-          Non !

-          Alors, il y en a un que tu aimes ?

-          Le droit peut-être.

-          Tu vois, en cherchant bien.

-          Mais bon, quand je vois mon nez qui pique du nez…

-          Oh, il y  a pire.

-          Comment ça, pire ?

-          Eh bien regarde-toi de profil, tu vois ce double menton ?

-          N’exagérons rien.

-          Non, non, je n’exagère pas, tu devrais faire un peu plus attention.

-          Comme toi ?

-          Exactement.

-          Pourtant, malgré toutes les pommades que tu te colles sur le visage, ce n’est pas les rides qui manquent.

-          Où ?

-          Regarde là, et là, et là, il va falloir que tu changes de crème.

-          Tu sais que tu es un sacré connard !

-          Moi ? Un connard ? Tout ça parce que je te signale qu’il y a quelques travaux de restauration à faire.

-          Parfaitement, tu es un sacré connard. Tu as vu les mots que tu utilises ? Tu manques totalement de délicatesse ! 

-          Qu’est-ce qu’ils ont mes mots ? C’est des mots simples.

-          Oui, on ne peut plus simples, et désagréables, voire humiliants !

-          Tout de suite les grands mots !

-          De toute façon, ce n’est pas ton genre de faire dans la dentelle. Souviens-toi, le jour où je suis partie toute seule en vacances et où tu m’as dit qu’avec les valises que j’avais sous les yeux, ce n’était pas la peine de prendre un sac de voyage !

-          Décidément, tu ne comprends rien à l’humour !

-          Et si je te disais que tu as les yeux qui tombent ? Si je te disais que tu ressembles à un cocker vieillissant ?

-          Eh bien je te dirais que ce n’est pas drôle.

-          Pourquoi ?

-          Parce que ta comparaison est très en dessous de la mienne.

-          En dessous ? C’est bizarre cette façon que tu as de me rabaisser, toujours.

-          Je ne te rabaisse pas. Je te remets à ta place.

-          Pire encore. Tu es vraiment un gros con !

-          Tu remarques qu’à chaque fois que tu ne trouves rien à dire, tu me balances des grossièretés ?

-          C’est ça, fais-moi la leçon M. le professeur.

-          C’est ce que je fais le mieux !

-          Peut-être. Quoique je ne t’aie encore jamais vu en cours.

-          Viens !

-          Très drôle.

-          Je ne vois rien de drôle là-dedans.

-          Façon de parler. Tu sais très bien que je ne pourrai jamais entrer dans ton lycée, c’est un bunker !

-          Bon, cette conversation ne mène à rien. Rideau !

-          Quoi, rideau ! Tu joues au dictateur ?

-          Bon, je dois aller bosser, moi !

-          Et moi ?

-          Pas toi, tu es en congé.

-          Je te rappelle que je suis en congé maternité, donc ce n’est pas un congé de tout repos. Ce n’est pas toi qui le porte ton fils, ça se voit !

-          Je me demande comment on va faire avec un enfant, déjà qu’on n’arrête pas de s’engueuler sans !

-          Eh bien là, au moins, on aura de vraies raisons de s’engueuler.

-          Merci de cette précision, tu as toujours su trouver les mots qui donnent le moral. Et n’oublie pas de te reposer, hein ? Sinon, gare aux rides !

-          Connard !

 

Il sort de la salle de bain en chantonnant « Ah ça ira ça ira ça ira… ».

 

 

1 novembre 2016

La porte

20160523_102252Un jour sa femme lui avait dit. « Prends la porte, je n’en peux plus ! »

Il avait obéi. La porte avait été prise et il l’avait installée dans un parc. C’est comme ça que lui était venu sa vocation pour l’art, exactement comme ça.

Et des portes, il était passé à toutes sortes d’objets que son imaginaire détournait avec facétie.

 

 

PS : photo prise dans le parc du lycée. Réalisation des élèves de l’atelier de pratiques artistiques.

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