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Presquevoix...
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31 août 2016

La terroriste

20160725_101321-1Elle prenait cette photo quand elle a été hélée par une voix de l’autre côté de la rue.

- Eh, vous, qu’est-ce que vous faites ?

- Moi ? Je prends une photo.

- Vous n’avez pas le droit !

- Pas le droit ? Pourquoi ?

- A cause des numéros sur le compteur.

- Mais madame, je me fiche des numéros, ce qui m’intéresse c’est la toile d’araignée.

Mais la harpie ne s’est pas arrêtée et elle a continué sur le même ton jusqu’à ce qu’elle décide de s’approcher d’elle pour lui montrer la photo.

- Vous voyez bien qu’il n’y a pas de numéros.

Mais cette folle a recommencé, utilisant les mêmes arguments : vous n’avez pas le droit, c’est privé etc.

Agacée, elle a conclu.

- Je vois que la télévision fait des ravages ! Vous pensez peut-être que je suis une méchante terroriste qui va faire sauter la baraque ! Allez, appelez vite la police, la délation est au goût du jour !

Et elle est partie en lui souhaitant une mauvaise journée.

 

29 août 2016

L'illusion

Quand Pierre lui avait parlé de sa nouvelle copine, il lui avait dit l’air extasié.

-         Cette fille, c’est un feu d’artifices.

Il avait pensé que Pierre exagérait mais, le samedi suivant, il avait dû réviser son jugement. Le salaud, il ne s’emmerdait pas.

Pierre était arrivé au bras d’une fille qui avait au moins dix centimètres de plus que lui. Perchée sur de hauts talons qui  donnaient un affolant mouvement de va-et-vient à ses fesses moulées dans un pantalon blanc, presque transparent. Elle aurait mis en rut n’importe quel octogénaire au sexe racorni. La fille lui avait souri. Une bombe. Elle était légèrement vulgaire – exactement comme il les aimait - brune aux cheveux longs, et il ne put quitter des yeux sa bouche carnassière. Comment ce crétin de Pierre avait-il bien pu se trouver une fille pareille, lui qui était bègue et introverti ?

Il essaya quelques manœuvres d’approche, mais Pierre était accroché à elle comme une épave tirée par un remorqueur et la draguer ne serait pas chose facile. Pourtant, il n’eut plus qu’une idée en tête : se la faire  le soir même. Ils burent une bière ensemble et quand Pierre s’absenta pour aller aux toilettes, il tenta le tout pour le tout, lui fit le baratin habituel - en version condensée - et la fille mordit à l’hameçon. Ce fut peut-être un peu trop rapide, mais il mit ça sur le compte de son charme. Rendez-vous fut pris le soir même, à l’Espiguette, à 19 heures. Quand Pierre revint des toilettes, il prétexta une migraine et rentra chez lui.

Le soir, à 19 heures tapantes, il se présentait au café l’Espiguette. La bombe était déjà assise en terrasse. Ses seins épousaient parfaitement l’échancrure de son tee shirt orange. En un éclair il  vit l’instant où il les sucerait voracement comme le nourrisson à la première tétée. Il lui dit bonjour, comme si de rien n’était,  ils burent un verre de rouge, parlèrent de tout et de rien – surtout de rien- et quand il lui suggéra que la soirée pouvait se terminer chez lui, elle lui dit en professionnelle aguerrie.

-         120 euros avec préservatif bien sûr.

Son verre se renversa. Heureusement, il était vide. Lui aussi.

27 août 2016

La pause

20160807_151457Lisait-elle Flaubert, Musso ou Duras ? Dos tourné aux passants, elle semblait concentrée. « Nonchalance étudiée, la parisienne bobo s’affiche au jardin des Tuileries » a-t-il pensé.

Mais était-elle parisienne ? Et s’il le lui demandait ?

Il s’est approché à pas de loup, mais dès qu’elle l’a vu elle a hurlé.

- Ah non, vous n’allez pas  me faire chier vous aussi !

Il a battu en retraite, la queue entre les jambes.

« Connasse ! » a-t-il pensé en s’éloignant, puis il a rectifié « Salope, toutes des salopes !* »

 

* citation tirée du sketch de Guy Bedos.

PS : photo prise au jardin des Tuileries en août

25 août 2016

L’escalier

C’était sa fierté, sa création, son coup de folie. Quatre ans de travaux, mais le résultat le comblait.

A l’origine, une idée de sa femme, une preuve d’amour, leur lien qu’il avait voulu concrétiser dans cet escalier, mais elle n’était plus là pour le voir.  « Elle est partie », disait-il toujours pudiquement, comme si le mot « morte » ravivait sa douleur et scellait le tombeau de la perte.

Chaque fois qu’il le montait ou le descendait, il pensait à elle. Et quand il passait sa main sur la pierre lisse, c’était son corps qu’il caressait.

Ils s’étaient peu disputés. La seule et unique fois dont il se souvenait, c’était ce jour où elle lui avait répliqué qu’il avait « l’esprit d’escalier ». Il faut dire qu’elle s’y entendait pour trouver la réplique qui  mettait les rieurs de son côté. Lui, non, les mots n’étaient pas sa passion, il s’exprimait par les formes. Et son « esprit d’escalier » avait  donné naissance à cette  oeuvre qu’il ne se lassait pas de contempler…

23 août 2016

La photo

20160808_120140Elle n’aimait ni la danse, ni les cheveux longs.  Mais peut-on à 10 ans  détruire les rêves de ses parents ? Il est plus prudent de  s’y glisser -  désir d’amour ou de paix ? – même si le justaucorps n’est pas à notre taille. 

Et si, à 20 ou 30 ans, le voile de l'erreur se déchire, l’oiseau gauche qui se dandinait au sol deviendra  goéland ou milan et rien ni personne ne pourra l'enchaîner...

 

PS : photo très ancienne prise dans le cours de danse qu’enfant, je suivais avec assiduité.

 

21 août 2016

L’emprise

La première carte-lettre qu’elle lui avait envoyée, sous une enveloppe rouge sang, commençait par « cher Paul », s’achevait par « grosses bises » et un prénom - « Corinne » - dont le « i » s’ornait d’un soleil aux rayons prometteurs.

La deuxième, quatre mois plus tard, toujours sous enveloppe rouge, était légèrement différente : un simple « Bonjour »  en introduction, en  conclusion « Une belle année pour toi » et le soleil avait disparu du « i » de Corinne.

La troisième, très froide, toujours de rouge vêtue, semblait signer son arrêt de mort. Elle commençait par « Paul », suivait une liste de trois reproches et elle  se terminait ainsi : « La sincérité et l'authenticité sont des  valeurs que tu bafoues ! ». Puis, tout au bas de la carte, son prénom  s'étirait  dangereusement et le  « i » de Corinne  s’était transformé en  hameçon.

14 août 2016

La mastication des morts

20160213_170708Les gens savaient-ils que les morts mastiquaient ? Elle, elle les entendait dans son demi-sommeil ; une mastication qui ressemblait à celles des veillards une fois que  la vie leur a volé leurs dents. Les morts  ne mastiquaient que lorsque les vivants dormaient.

Maintenant elle faisait comme eux, elle mastiquait ses ressentiments, ses erreurs, ses amours perdus, ses tristesses, ses regrets, mais jamais elle ne les digérait.

Serait-elle en train de devenir une mort-vivante ?

 

PS : photo prise à Bruxelles en février 2016

PS1 : petite pause. Prochain texte le 21 aout.

 

12 août 2016

Louise

Ça faisait quatre mois que Louise allait mal.  Je n’en pouvais plus.  J’ai fini par prendre une décision.

-          Si tu veux, je te paie une psychothérapie de soutien ; avec 10 séances tu devrais aller mieux.

Elle a accepté. A la fin de la dixième séance je lui ai dit.

-          On dirait que ça va mieux, non ? Tu vois !

Louise  m’a répondu l’air un peu gênée.

-          Oui mais bon... il y a quelque chose... enfin, un truc que je dois te dire.

Pourquoi tant de mystères ?  Et puis soudain elle s’est jetée à l’eau.

-          Je  te quitte. Toi et moi ça peut plus marcher. Et puis, j’ai rencontré quelqu’un.

Je n’ai pas su quoi répondre, d’ailleurs je n’en ai pas eu le temps,  elle est partie sur-le-champ. Elle m’a tout de même laissé Catherine, la chatte…

 

10 août 2016

La salade

Elle a donné à sa mère une salade de son jardin. Au préalable, elle en avait soigneusement lavé et essoré les feuilles avant de les placer dans un sac en plastique.

- Surtout mets-la bien au frigo, lui a-t-elle précisé, car elle a voyagé trois heures dans mon sac de voyage.

- Ne t’inquiète pas, je vais m’en occuper tout de suite.

Le lendemain matin, sa mère lui a donné des nouvelles fraîches de sa salade qui elle,  ne l’était plus.

- Tu m’excuseras, mais ta salade je l’ai oubliée sur la table de la cuisine et ce matin, toutes les feuilles étaient flétries. Jai été obligée de la ficher à la poubelle mais ne t'inquiète pas, j'en ai racheté une autre pour midi !

Elle a préféré ne rien dire, mais que devait-elle lire dans cet acte manqué ?

8 août 2016

le couple

P1070175 NB

 

Tous les jours, ils faisaient leur numéro sur le "quai des grands vents". C’est ainsi que  Jimmy gagnait sa vie ; un accident  l’empêchait de repartir en mer.

Finalement, il n’y perdait pas grand-chose et le travail était bien moins dangereux. Billie, l’otarie qu’il avait recueillie et éduquée,  était une bonne fille. Il l’avait appelée Billie, en souvenir de Billie Holiday et de sa chanson « All of me » qu’il avait longtemps chantonnée quand son seul et unique amour l'avait abandonné. Au moins Billie, elle,  resterait ; elle avait trop besoin de lui.

Le clou du spectacle c’était quand Billie se dandinait alors qu’il chantait :

« All of me / Why not take all of me / Can't you see / I'm no good without you / Take my lips/ I want to lose them (…) »*

Sacrée Billie ! Certes, elle ne faisait rien sans rien et ça lui coûtait cher en poissons, mais il était sûr qu’entre elle et lui, il y avait autre chose que de l’intérêt. A chaque fois qu' elle clignait de l’œil en battant de ses longs cils elle était impayable. Billie le consolait de toutes ses misères.

Et, quand les touristes applaudissait leur petit duo, il était aussi fier que si Billie avait été sa fille…

 

* photo gentiment prêtée par Sylvie Farges.

 

*Billie Holiday - All of me

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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