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Presquevoix...
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2 août 2016

Duo d'août

Nouveau Duo avec Corinne du blog  les heures de coton.

 

 Les photos suivantes ont été prises à Nancy dans ce magasin des mots où l'accueil est fort chaleureux. L'idée était d' écrire un texte inspiré de cette boutique où je vous conseille d'aller faire quelques emplètes... Vous y trouverez certainement votre bonheur.

Aujourd'hui vous pouvez lire le texte de Corinne, le mien sera publié  jeudi 4 août.

 

 

 

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Gabi et les mots

Elle hésite puis finalement cède. Rester dans l’appartement l’oppresse, attraper le téléphone la paralyse, évoquer à demi-mot ce qu’elle ressent l’angoisse.

La porte se referme sur elle. Gabi marche dans la ville qui lui a été longtemps familière. Aujourd’hui, elle se cogne à tous ses angles, ne reconnaît plus les rues, les maisons, les immeubles. Elle en est étrangère.

Elle se rappelle avoir aimé s’asseoir dans un troquet, y épier quelques visages. Elle finissait par demander un deuxième café, allongé avec un sucre, et sortait un livre de son sac. Elle plongeait dans les pages encrées, réécoutait parfois les sons d’un mot, s’attardant sur la dureté, la drôlerie ou le satin d’un autre.

Gabi savait alors que les lettres accolées les unes aux autres étaient ses amis. Les mots avaient si souvent éloigné ses solitudes et ses peines, apaisé ses interrogations. Ils l’avaient fait rire et réfléchir, ils l’avaient rapprochée des autres, elle la si réservée. Cette Gabi de ce qui est dit et des cafés aimait parler aussi, et écrire, des lettres surtout, des mails, des phrases, des petits billets. Elle n’avait jamais pensé que ce qui était pour elle l’ordre des choses puisse disparaître.

Mais cela a disparu, insidieusement. À coup de soirs, où l’on s’endort sur un livre, à coup de conversations où tout se répète, à coup de colères après lesquelles on se tait, réduisant les paroles en miettes. Les coups, et l’usure, lente, tenace qui s’est collée à elle, comme une vieille maladie.

Gabi n’a plus le goût des mots, elle se sent vide et faible. Aucun docteur ne peut la guérir ; exit les pilules magiques. Pas plus un dictionnaire qu’une poésie n’a d’effet sur elle. Gabi s’est recroquevillée sans que ses filles et son mari ne remarquent quoi que ce soit. À quoi bon leur parler.

Aujourd’hui, elle ne supporte plus ce silence qui la glace. Les sons qui l’entourent sont laids à vomir. Gabi se dirige vers la porte, elle sort. Elle marche. Trouver à nouveau un mot, un mot clair, un mot gris, un mot vivant.

Gabi manque ne pas voir la boutique, occupée à observer un oiseau dont elle ne connaît pas le nom. Elle ne rentre pas tout de suite ; c’est quand elle aperçoit le petit flacon de poudre et qu’elle lit l’étiquette qu’elle comprend. C’est ici, dans ce magasin étrange, qu’elle va pouvoir retrouver le sens des mots, leur présence, un bonheur qui se murmure au coin d’une page.

Elle pousse la porte et pénètre dans la pièce comme on traverse un miroir.

 

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Commentaires
E
Les mots qui se rétractent, que l'on ravale à s'étouffer, qui perdent leur sens comme on perd l'envie de lire, d'écrire. Aucune magie n'opère plus, sauf - peut-être cette boutique des mots - va savoir. On veut y croire. <br /> <br /> J'aime la désespérance lucide de ce texte.
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L
Combien j'ai aimé les mots, les mots dans un ensemble faisant un livre, un conte, un roman ou un poème. Des mots listés dans un dictionnaire, des mots dont on comprenait le sens grâce à l'étymologie, les racines latines éclairant ainsi un sens caché. Puis, la vie nous mets en économie de mots. Puis, l'échange verbal ou écrit revient, et nous fait découvrir que l'on possède un si grand trésor caché, là, au fond de nos neurones. Et là, surprise de les lire, à plat, ici ou là. <br /> <br /> Je me suis retrouvée dans vos mots et votre texte rempli d'une sacrée élégance.
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P
Joli texte. On suit bien son parcours hors-mots et on est content pour elle d'une possible guérison.
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D
L'oiseau sans mots<br /> <br /> est plus léger
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C
Si Gabi ne trouve pas les mots, elle va être confronté à plus angoissant : La page blanche !! On est toujours à la merci de "la page blanche" Il faut faire comme D.Bowie... Lorsqu'il était à cours d'inspiration - De temps en temps, il écrivait de petites phrases sur des feuillet au hasard de ses pensées. Et lorsque qu'il décidait de créer une chanson il découpait toute les phrases,les mélangeait. Et l'alchimie opérait . Une chanson pointait le bout de son nez de ce tas de bouts de papiers.(J'en ai vu quelques page à l'exposition 2015 c'était très curieux)
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