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11 juillet 2016

Duo de juillet

Sur une photo proposée par Corinne - du blog les heures de coton -  voici notre Duo de juillet. Aujourd'hui vous pouvez lire le texte de Corinne, le mien sera publié mercredi 13 juillet.

pensive

 

 

 

 

 

 

 

 

Une photographie

Elsa posa les deux cadres qu’elle venait d’acheter à la brocante : la photographie de l’enfant aux papillons et son encadrement en plastique rose fluo et la gouache d’un artiste de famille. « Une grand-tante », avait précisé la femme du stand. Artiste ratée ou portée aux nues, Elsa n’en saurait jamais rien. Attirée par le portrait de l’enfant aux papillons, son attention s’était détournée alors que la vendeuse avait déroulé l’histoire familiale. Elle aurait voulu qu’elle se taise, car en regardant le délicat cliché, elle percevait une musique familière. Quelque chose se dégageait des tons nacrés, une impression de joie et de bonheur passée.

En soulevant le verre qui protégeait le tirage, elle put lire un nom. Le, la photographe ? Elle contempla longuement les longues crolles de la fillette, les boucles fragiles. À nouveau, une mélodie heurtait sa mémoire et l’enfant devenait un souvenir qui s’échappait aussitôt.

La gouache était partie à la poubelle, décidément trop laide. Elsa avait utilisé le cadre au bois finement poli pour protéger le portrait. Elle s’était demandé si elle la laisserait là dans cette maison vide. Alex avait filé la semaine précédente. « Je crois qu’il est nécessaire de faire un break ». Elsa lui avait été reconnaissante de ne pas ajouter un « Tu comprends » cynique ou un « nous » racoleur. Après tout, elle savait lire entre les lignes, c’était son métier. Un point d’orgue, aurait-elle plutôt dit, qu’il aurait dessiné à la hâte sur leur partition.

La fillette aux papillons l’accompagnait alors qu’elle se rendait au cabinet pour le premier rendez-vous de la journée. L’après-midi, elle la laisserait seule sur le bureau tandis qu’elle se rendrait à des consultations extérieures, dans des instituts ou des lieux d’accueil d’urgence. La jeune femme poussa la porte du café square Rameau et s’assit au comptoir. Le patron posa devant elle un allongé. Elle sortit le cadre de son sac.

« C’est votre sœur ? » Le patron la regardait en essuyant un verre. Elsa avait deux frères, l’un dans la marine, le deuxième à la vie incertaine. Au regard posé sur sa main sans alliance, elle précisa que ce n’était pas sa fille. Une voix à sa gauche, Lauréliane, une habituée du lieu et de la rue. « C’est peut-être toi bichette. » Elsa scruta une nouvelle fois la photo. Elle entendit à nouveau la mélodie un peu désuète qui revenait en boucle.

« C’est vous sur la photo. » L’homme lui souriait. « C’est ma mère qui vous a prise en photo. » L’horloge indiquait 8 h 45. Il fallait partir ; deux minutes encore et elle ne serait plus prête pour le premier patient. L’homme sourit. « Ne vous inquiétez pas, j’ai rendez-vous dans quinze minutes avec nous. » Elsa le regarda avec attention. L’homme chantonnait et elle reconnut l’enfant qui jouait avec elle au milieu des papillons du jardin, et des miroirs et des malles du grenier. L’enfant qui était revenu jouer avec elle dans ses rêves, longtemps, et dont elle n’avait jamais parlé à personne.

 

9 juillet 2016

Une vie de chien

Hier, ma mère a encadré une photo de son chien et elle l’a mise sur la cheminée ; ça m’a fait un choc,  parce que sur la cheminée, il n’y a aucune photo de moi.

Moi, son chien, je ne peux pas l’encadrer. Enfin si je ne peux pas l’encadrer, ce n’est pas à cause de lui – pauvre bête ! - c’est à cause d’elle. Si j’étais le chien de ma mère, je l’aurais déjà mordue jusqu'au sang et elle m’aurait collé une muselière ou elle m’aurait renvoyée à la case SPA, sans état d’âme.

Enfin, un à qui le chien a rendu service, c’est  mon père. Avant elle le traitait comme un chien et j’ai presque eu peur, au train où c’était parti, qu’il ne finisse à la SPA. Il faut dire que le grand tort qu’il a, mon père, c’est qu’il parle et ça,  elle ne le supporte pas.

Souvent, en s’adressant à son chien,  ma mère dit.
- Pauvre bébé, si je t’avais pas pris, tu serais encore à la SPA !

Je dois me retenir de ne pas lui dire qu’à la SPA, au moins, il aurait une vie de chien, une vie normale quoi, parce qu’avec elle, sa vie ne ressemble à rien.

Non, vraiment, plus je vois le chien de ma mère, plus je le plains, et plus je me plains ; parce que quand j’étais enfant, si ça se trouve, elle me traitait comme un chien …

7 juillet 2016

L’espoir

20160630_110805Elle était tombée sur ce "couple" par hasard et ce spectacle lui avait redonné foi en l’humanité.

L’entraide n’était pas un vain mot chez le peuple des singes ; il suffisait sans doute de suivre leur exemple pour atteindre une civilisation supérieure…

 

PS : photo prise au parc de la pépinière à Nancy

5 juillet 2016

L’entretien

Il allait accueillir un nouveau « client » et la nouveauté le mettait toujours dans un certain état de fébrilité. Comment était-il ? Pourquoi venait-il ? Pourrait-il le conduire vers une issue positive ?

Quand il ouvrit la porte de la salle d’attente, il vit un homme d’une trentaine d’année au physique banal mais à l’apparence soignée. Il le fit entrer dans son cabinet et lui posa la question habituelle : Qu’est-ce qui vous amène… ?

Le jeune homme répondit aussitôt.

–        Vous allez peut-être me trouver ridicule, mais je viens parce que je suis trop heureux.

C’était bien la première fois qu’un « client » commençait ainsi.

-          Pourriez-vous m’en dire un peu plus ?

Le jeune homme resta silencieux. Le psychologue attendit mais l’homme restait muet. Au bout de deux bonnes minutes, il finit par ajouter.

-          Sans doute  ce bonheur vous coupe-t-il la parole ?

Le jeune-homme sourit, puis conclut.

-          Il est vrai que je ne vous ai pas dit pourquoi j'étais heureux : je viens de tuer mon père !

Le psychothérapeute déglutit avec peine. Maintenant, qu’allait-il faire de ça ?

 

 

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