La fabrique du désespoir
Dans ce lycée de banlieue parisienne, le professeur de mathématiques avait dû s’arrêter dès la fin du mois de septembre. Certains « connaisseurs » disaient qu’il était déprimé. Au bout de trois semaines, on lui avait trouvé un remplaçant qui lui-même avait dû être remplacé au bout de quinze jours par un autre remplaçant qui lui-même n’avait pas tenu plus d'une semaine…
Dans la salle des professeurs, les conversations allaient bon train. Certains prophétisaient que la rentrée 2016 serait celle du désespoir, puisqu'il était entendu que dorénavant les élèves ne pouvaient plus redoubler leur classe de seconde à moins d'une demande des parents. Nombreux étaient ceux qui, cyniques, ricanaient en disant qu'il faudrait créer dans chaque lycée un "bureau des pleurs" pour les élèves, et un pour les enseignants.
Car bien évidemment, le gouvernement, dans son souci de faire des économies, avait oublié de penser au problème de la remédiation : comment, dans des classes de 35, remettre à niveau des élèves de seconde passés en première sans avoir atteint le niveau de seconde et qui d'ailleurs, pour certains, étaient passés en seconde sans avoir atteint celui de troisième ou de quatrième ?
Un plaisantin de cette même salle de professeurs suggéra qu'à partir de 2016 on pourrait faire des voyages scolaires vers Lisieux, Lourdes - ou même Fatima - parce qu'on ne pouvait plus compter que sur des miracles...