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Presquevoix...
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7 juin 2016

L’erreur

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Il l’avait invitée au « train bleu » et elle avait accepté. Elle le connaissait à peine – Il s'étaient rencontrés la semaine passée dans le TGV  – et cette invitation lui semblait un peu prématurée.

Lorsqu’elle arriva, la décoration du restaurant  lui parut un peu chargée mais elle fut séduite par les lustres dont les dorures lui rappelaient des histoires de princesses. 

Rendez-vous avait été fixé à 20 heures, mais à 20 heures 15 elle l’attendait encore et, à force de lire le menu, elle le connaissait par coeur.

Il arriva à 20 h 20, sans s’excuser, mais avec une rose à la main. Maintenant qu’il était assis en face d’elle et qu'elle srutait son visage, elle le trouvait un peu vieux.

Les plats furent commandés,  le serveur apporta le champagne et la conversation s’engagea sur un terrain politique – il avait été bloqué par des grévistes qui manifestaient contre la loi travail.  Son discours était si droitier qu’il l’effraya.  Comment ne s’en était-elle pas aperçue durant son voyage en train ? Allait-elle digérer  son suprême de volaille de Gascogne rôti s’il votait FN ?

Par provocation, elle lui demanda s’il avait vu le documentaire « Comme des lions »

-          Comme des lions ? répéta-t-il incrédule.

-          Oui, un documentaire sur la bataille des ouvriers de Peugeot-Citroën contre la fermeture de leur usine d'Aulnay-sous-bois.

-          C’est vraiment le dernier film que j’irais voir.

-          Vous avez tort, il est toujours intéressant de voir l’autre versant des choses.

Il ne répondit rien et enchaîna sur les difficultés de son métier ; il était DRH chez Loréal. Elle l’écoutait tout en mâchant délicatement. La viande était exquise mais tiendrait-elle jusqu’au dessert ? Et que lui dirait-elle à la fin du repas ? Qu’il était inutile qu’ils se revoient car leurs idées étaient aussi différentes que le rouge et le noir ?

Au dessert – elle avait choisi un Duo de mousses de chocolat noir et noisette à la fleur de sel – elle décida de prendre les devants.

-          Vous savez, je crois que vous et moi… nous sommes bien loin.

-          Vous vous référez à nos âges ou à nos idées ? lui dit-il en souriant.

-          A nos idées, bien sûr. Il est donc vraisemblable que nous ne puissions pas, enfin, que…

-          Que nous ne soyons pas « compatibles », c’est ça ?

-          Exactement.

-          Vous croyez que vous allez quand même accepter que je vous offre votre repas ?

-          A vrai dire, il vaudrait mieux, je suis à sec et d’ailleurs, je vous rappelle que vous m’aviez invitée.

-          C’est vrai. J’aurais sans doute d’abord dû vous dire pour qui je votais, peut-être.

-          Alors ? Pour qui ?

-          Je vous laisse deviner.

Elle eut un moment d’hésitation et dit : « Marine Le Pen »

Il éclata d’un rire tonitruant.

-          C’est comme ça que vous me voyez ?

-          Oui, répondit-elle un peu gênée.

Il se leva de table et alla régler l’addition. Quand il revint, il lui dit simplement : « Vous êtes enfin libre ! »

Ils se séparèrent de façon courtoise. Lui prit le taxi, elle le métro, et l’un comme l’autre pensèrent à ce qui aurait pu être…

 

PS : photo prise dans le restaurant le "Train bleu" vendredi dernier.

Commentaires
A
Un homme toujours en retard, une rose à la main...ça me rappelle quelqu'un! C'est un joli récit très bien mené façon dialogue!
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C
Moi j'aime bien les resto routiers :)
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P
Un quart d'heure de retard, et sans excuse, c'était mal parti de toute façon.
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A
ma belle-mère avait bien raison d'interdire ce genre de conversation à table ;-)
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D
@ gballand (belle photo) : Vous ne vous refusez rien ! <br /> <br /> <br /> <br /> Mais voilà au moins un train qui n'est pas bloqué par ces cheminots inconscients des enjeux de l'Euro 2016 et auxquels on intime la forte suggestion de... "savoir terminer une grève" (comme s'il s'agissait d'un dessert) !
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