Les chauves
Elle avait une tendresse particulière pour les chauves, elle les voyait si nus, si démunis face aux intempéries de la vie. Alors quand ces deux chauves s’assirent juste devant elle au théâtre des arts, elle ne put s’empêcher de les photographier. Encore une fois le proverbe se vérifiait : qui se ressemble, s’assemble.
Mais qui étaient-ils ? Lui serait-il possible, en n’observant que leur crâne dégarni, d’imaginer leur histoire ? En tout cas, s’ils étaient ensemble, ils se parlaient peu. S’étaient-ils disputés juste avant d’arriver au théâtre ? Peut-être pour une question de place ? L’un aurait-il préféré le premier balcon à l’orchestre ? Ou s’agissait-il de vieilles querelles, de celles qui ressortent à la plus petite contrariété. J’imagine que vous connaissez le processus : par une aspiration inconsciente, des faits remontent des limbes de notre mémoire pour ne plus nous laisser en paix.
Elle n’eut pas le temps de réfléchir plus avant au problème. Les musiciens arrivèrent, les lumières s’éteignirent et la musique fut.
PS : photo prise par GB