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Presquevoix...
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30 septembre 2015

Le parfum

Ne supportant plus son absence, elle s’imprégnait de son odeur, jour après jour, et ce parfum lui apportait une jouissance que sa présence ne lui avait jamais donnée.

 

 

 

28 septembre 2015

Dieu

20150814_121149Elle avait rencontré Dieu sous l’horloge de la cathédrale de Beauvais, elle qui avait toujours clamé haut et fort que Dieu était une création de l’homme et qu’il fallait être stupide pour se laisser prendre  aux manipulations d’églises qui ne recherchaient que profit et pouvoir afin d’asseoir la domination de quelques-uns sur la foule.

Mais ce jour-là, sous l’horloge, elle avait changé d’avis ; et il avait suffi de deux  minutes.

Elle contemplait la beauté de l’horloge quand « il » lui était apparu. Son discours qui ressemblait à un vol d’oiseaux sur les blés mûrs.

-          Je suis celui qui a ouvert les eaux de la mer rouge, celui qui purifie du péché et prend pitié de vous. Invite-moi dans ton cœur et tu reconnaîtras le bon grain de l’ivraie.

Stupéfaite, elle leva les yeux vers l’horloge et découvrit qu’en lieu et place du cadran, il y avait Dieu. Elle eut juste le temps de lui poser une question, une seule, et il disparut après lui avoir donné la réponse.

Quand son mari la retrouva à la sortie, il ne put s’empêcher de lui demander.

-          Eh bien, tu en as mis du temps. Tu as rencontré Dieu derrière un pilier ?

-          Non, sur le cadran de l’horloge, répondit-elle très sérieusement, le visage pénétré.

Il l’observa et elle enchaîna.

-  Dieu s’est invité dans mon cœur.

Il se rendit compte qu’elle avait perdu tout sens de l’humour. N’était-ce pas ainsi que l’on reconnaissait  ceux qui faisaient partie du « troupeau » ? Ce changement le laissa pantois. Comment cela pouvait-il lui arriver à elle, athée comme elle l’était ! Il lui dit clairement.

-          Moi, mon royaume sera toujours le même : ma maison. Et pas de place pour Dieu, on est déjà à l’étroit !

Elle hocha gentiment la tête et se surprit à rétorquer : « Ce n’est que l’orgueil qui parle en toi. Un jour, toi aussi tu reconnaîtras la parole de Dieu. »

Une heure plus tard, alors qu’il conduisait sur une petite route qui serpentait, il rata un virage, la voiture fit un tonneau, deux tonneaux,  et se retourna lamentablement dans un champ de blés mûrs.

Il n'y eut pas de survivant.

 

PS : photo prise par moi-même à l'intérieur de la cathédrale de Beauvais.

26 septembre 2015

Gibert

Elle était au rayon philosophie, chez Gilbert et, par curiosité, elle fit un petit tour des étals pour prendre la mesure de tous les livres qu’elle ne lirait jamais. Un homme lui adressa la parole.

-          Je peux vous aider ?

Elle tourna la tête et vit un escogriffe d’une cinquantaine d’année, une coupe de cheveux au carré imparfait,  la mine étrange, et un costume d’un autre temps ; sans doute un professeur de philosophie. Qui d’autre ? En tout cas, ce n’était pas un vendeur.

-          Non, merci, répondit-elle poliment.

Il ajouta.

-          Alors vous faites un tour des rayons et ça vous suffit ?

Elle lui sourit et rétorqua.

-          Exactement, je tourne donc je suis.

Il hocha la tête, dubitatif, et marmonna quelque chose qu’elle ne comprit pas avant de partir à grandes enjambées. Elle remarqua qu'il avait fait tomber une petite feuille qui semblait arrachée d'un carnet. Curieuse elle la ramassa. Elle y lut, écrites en rouge, les phrases suivantes : " Deviens qui tu es! Fais ce que toi seul peut faire. F. Nietzsche "

Elle suivit le programme au doigt et à l'oeil.

24 septembre 2015

La maison

20150720_143526

Elle observait la ville et la ville l’observait. Qui aurait pu imaginer que la maison veillait sur le corps d’une femme qu’aucun prince charmant n’avait jamais pu réveiller.

Elle n’ouvrit un œil que lorsque la première grue éventra le toit, mais il était trop tard…

 

PS : photo prise à Rouen par mes bons soins

 

22 septembre 2015

Narcisse

Elle ne savait que parler d’elle et toute tentative d’aborder un autre sujet était vouée à l’échec. Epuisé par ses ressassements perpétuels, son fils prit une sage décision qu’il mit en application la fois suivante.

Ce jour-là, alors qu’elle se gorgeait d'elle tout en buvant un verre de mousseux auquel elle avait donné l’appellation « champagne »,  il sortit un miroir de son sac à dos et le cala devant son visage. Sa mère s’étonna de cette « guignolade »

De derrière le miroir, son fils articula.

-          Narcisse, tu connais ?  

-          Oui, et alors ?

-          Alors voilà.

-          Voilà quoi ?

-          C’est toi !

Et il fit la douloureuse expérience d’une explication avec sa mère, la première, sans doute, depuis 40 ans…

 

20 septembre 2015

La mère

Elle entre dans le wagon en gare de Val de Reuil avec ses quatre enfants : deux ados, une petite fille de 5 ans, et un garçon de 8 ans, environ.

Cinq minutes après le départ du train, le petit garçon dit.

-          Maman, je veux aller faire pipi.

La mère rétorque aussitôt.

-          Tu te fous de ma gueule !

Le petit garçon ne répond rien, il attend, il doit avoir l’habitude. Sa grande sœur finit par se lever et l’emmène aux toilettes après avoir répondu à un SMS " urgent ".

J'essaie d'imaginer pourquoi cette femme est en colère et  je noircis des pages imaginaires. Soudain, je  repense à ces élèves qui, parfois,  nous répondent avec des airs de bouledogue, sauf qu' eux,  ils ont la parole...

Je me demande si  un jour, eux aussi ont eu une mère qui leur a dit : tu te fous de ma gueule !

18 septembre 2015

L'islamiste radical

Avant de mourir, ce " fou de Dieu " avait eu un vœu : mourir à 13 heures.

- 13 heures, pourquoi ? lui avait demandé l'officier.

- Pour manger avec le prophète et les martyres, avait-il répondu.

L'officier avait hoché la tête, perplexe,  et il avait ordonné aux soldats de le tuer à 14 h.  Il ne serait pas à l’heure pour son repas avec le prophète, mais il arriverait juste à temps pour faire la vaisselle.

 

PS : brève largement inspirée des deux derniers paragraphes de cet article en anglais

 

 

16 septembre 2015

Le flacon de parfum

Son fils et sa belle-fille lui avaient offert un flacon de parfum qu’elle trouvait vraiment minuscule. Pour leur faire mesurer leur avarice, elle plaça leur flacon sur l’étagère de la salle de bains, sous le miroir,  juste à côté du flacon qu'elle venait de s' acheter et qui, à côté, paraissait gigantesque. La prochaine fois qu’ils se laveraient les mains, ils ne pourraient ainsi manquer de voir la différence. Une comparaison valait toujours mieux qu’un long discours.

 

14 septembre 2015

Duo de septembre

Pour notre duo de septembre avec Caro, nous devions utiliser cette phrase  - « Il y a des choses qui sont trop grandes pour nous, êtres humains » - tirée du livre de Pascal Mercier,  " train de nuit pour Lisbonne ".

Après le texte de Caro, voici le mien :

 

Le père

 

Dans sa vie, tout allait bien. Elle avait 30 ans, elle était agréable à regarder, elle  possédait un certain sens de l’humour, ne se laissait jamais totalement gagner par la morosité, et elle avait quelques amis sur qui elle pouvait compter.

Pourquoi était-elle donc allée voir ce voyant qui, soit disant, faisait des miracles ? En patientant dans la salle d’attente éclairée par une fenêtre ovale, elle se rongeait consciencieusement les ongles.

La porte s’ouvrit et elle cacha ses doigts dans ses poches, comme lorsqu’elle était enfant. L’homme était grand, maigre et sa tête s’ornait d’un chignon savamment torsadé. Il dit simplement : Madame Varisi ?

Elle resta une heure dans son cabinet et en sortit le visage défait. Ses pas de somnambule la conduisirent à une terrasse de café ensoleillée. Il n’était que 17 h mais elle commanda un kir cassis.

Dans sa tête, résonnait encore la voix funèbre : je vois  la mort et la vie, mais l’obscurité  - et l’homme avait insisté sur ce mot  - cache la Lumière.  Après cette déclaration surprenante, le voyant avait saisi ses cauris qu’il avait jetés à plusieurs reprises. Puis il l'avait presque effrayée en criant : " père, pourquoi m’as-tu abandonnée ? Vous devez retrouver votre père, il est vivant et il vous attend. "

Elle faisait tourner machinalement le liquide violet dans son verre. L’homme assis à la table à côté de la sienne  –  il la dévisageait  depuis son arrivée -  lui proposa un kleenex pour essuyer le vin qui menaçait de glisser sur sa robe. Elle l’ignora.

80 euros pour apprendre que son père était vivant alors qu’il avait été enterré au cimetière Montparnasse vingt ans plus tôt ! Crétin, pensa-t-elle.

Elle avala ce qui lui restait de kir d’un coup sec et laissa l’argent dans la coupelle. Elle allait partir quand le voisin au kleenex lui dit d’un ton sentencieux : « Il y a des choses qui sont trop grandes pour nous, êtres humains ! ».

Elle ne put que hocher la tête, résignée. Puis elle se leva, héla le premier taxi venu, s’affala sur la banquette arrière et dit au chauffeur : " Au cimetière Montparnasse, s’il vous plaît, mon père m’attend."

Le type ne broncha pas. Il avait l’habitude des parisiens, rien  ne l’étonnait plus. Il se permit juste de renchérir.

-          Il vous attend ?

-          Qui sait ? -  dit-elle la voix étranglée – parfois les morts se réveillent et vous parlent…

 

 

 

12 septembre 2015

Duo de septembre

Pour notre duo de septembre avec Caro, nous devions utiliser cette phrase  - « Il y a des choses qui sont trop grandes pour nous, êtres humains » - tirée du livre de Pascal Mercier,  " train de nuit pour Lisbonne ". Un livre que je prends le risque de vous conseiller. L'auteur connait particulièrement bien Lisbonne, la période de la dictature, la "saudade" et Fernando Pessoa.

Le premier texte est celui de Caro, le mien paraîtra lundi à 7 heures. Bonne lecture.

 

Les humanités

« Il y a des choses qui sont trop grandes pour nous, êtres humains »

Il tendit les résultats de son baccalauréat à sa mère. Elle jeta un coup d’œil et murmura un vague « c’est bien » et retourna dans sa cuisine. Il se balança bêtement sur ses pieds, se demandant s’il devait la suivre. Il avait été pris pour la fac à laquelle il aspirait, était en passe de recevoir la confirmation écrite d’une bourse et d’une chambre qui lui permettrait de tout financer. Il décida d’attendre le souper. Il allait aussi devoir leur dire qu’il serait absent tout l’été puisqu’il avait décroché un job d’accompagnateur dans un camp de vacances. Cela n’intéresserait pas plus son père, mais au moins ce dernier ne hausserait pas les épaules.

Comme prévu, ils n’avaient pas bronché. Au-dehors, le soleil s’attardait, juillet était à peine installé. Laurent enfourcha son vélo. Il jeta un regard à la maison grise où il avait grandi. Pas une fleur, pas un bout de buis ne désordonnait le carré de pelouse vieilli. Un ou deux tours de pédaliers et il salua le nain des Deckercke. Comme il avait envié ce bonhomme blanchi par les averses et qui donnait un coup de gaieté à la maison de leurs voisins. Tout comme le moulin du jeune couple du n° 18, les rosiers des petits vieux ou les géraniums, les azalées, les soucis ou les cosmos des uns et des autres. Il les avait jalousés longtemps, car il lui semblait qu’on ne voyait qu’elle, ce cube nu, leur maison, au milieu des autres foyers colorés.

Quelques centaines de mètres, il était déjà loin ; le monde se découvrait.

« C’est gentil à vous de prendre tout ce temps pour vos parents, avec votre travail, vous disposez de si peu de temps. Ils auraient apprécié. » Laurent ne fit aucun commentaire, néanmoins il n’était pas sûr que cela leur aurait beaucoup importé. Le téléphone sonna et le vieux prêtre quitta la pièce en s’excusant. Laurent ajusta sa cravate. Ils avaient déjà discuté du déroulement de la messe par téléphone, échangé quelques courriels. On lui avait demandé de dire quelques mots sur ce couple qui avait même su mourir ensemble, c’était normal, il était leur fils. Quelques vieux attendaient déjà sur les bancs de l’église. Tout était prêt.

Il relut une dernière fois la phrase qu’il avait préparée : « il y a des choses qui sont trop grandes pour nous, êtres humains ». Il replia la feuille et la glissa dans sa poche ; pour ses parents, le simple fait de vivre avait déjà été trop grand.

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