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Presquevoix...
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25 juillet 2015

Duo de juillet

Voici notre duo de juillet avec Caro. Nous avons fait le grand écart entre ces deux musiques dont nous nous sommes inspirées :

 Nothing compares to you  et Le petit bonheur 

Aujourd’hui, vous pouvez lire le texte de Caro. Le mien paraîtra lundi.

                                                     ___________________________________

 

Géométrie variable

 

Du lundi au jeudi, je roule. Plus rarement du lundi au vendredi. De longues bandes grises, noires, délavées, larges et confortables, ravaudées ou crevassées. Des sentes où je me perds. Des villes, des faubourgs, gras, tristes, longilignes, des quartiers lisses comme la brique ou rugueux comme le béton. Je parcours, des départements, une ou deux régions, je traverse des rivières et parfois un fleuve. Jamais je ne côtoie la montagne ou la mer. J’arpente de long en large le territoire d’une vaste plaine, d’un plateau. Le soir, cocher un nouvel hôtel, une nouvelle fiche.

J’aligne un point à un autre, d’une à une autre ville, là où je dors, une fabrique, une succursale. J’argumente, je déballe, je convaincs, je vends ou pas, cette fois-ci ou l’année prochaine. Ne jamais décrocher. Je relie des RV, des noms, des numéros dans mon carnet de commandes.

Il y a trois ans, j’étais arrivée au bout de mes droits assedic. Le temps file vite quand on cherche du boulot. Une foule d’ateliers inutiles, le désir de travailler dans un domaine qui vous plaît. Les lettres et la motivation, les CV, les rares entretiens, décrocher son téléphone pour un face à face en tailleur strict et des tests ou pour enfin comprendre pourquoi vous n’avez pas fait l’affaire, pourquoi on ne vous répond pas. Face aux portes closes, admettre l’échec. S’accrocher quoiqu’il arrive.

Pendant ce temps, te voir me quitter. Accuser le coup. D’autres viendront.

En catastrophe, accepter ce poste de commerciale. Se perdre dans ces deux vies qui coexistent. Celle des motels, des kilomètres et des pages d’agenda toujours trop remplis. L’autre où très vite le vendredi est celui où l’on règle les dossiers, on aligne les coups de fils et les rappels, les relances, où l’on rentre chez soi, l’âme à sec, dans cette maison que tu as déserté très vite alors que j’étais au plus bas, où d’autres ne feront qu’une halte. Pour ces autres à venir, il me faudra attendre.

Ne plus savoir comment lier les jours aux autres, les matins sans réveil et les aubes grises. Où raccrocher les gants.

Allumer la radio un matin froid d’hiver et cueillir cette chanson. Pleurer dans l’aire de pique-nique qui précède la sortie 18. Décider que les kilomètres et le temps gommeront méthodiquement chaque trace de ton visage. Et quand l’un des hommes que je connaitrai après toi apparaîtra et disparaîtra de mes fins de semaine, décocher un sourire en écoutant https://www.youtube.com/watch?v=VwOvjAy7EF8 puisque, l’un et les autres, vous désertez ma vie.

Une fois la bande FM allumé, dans ma bagnole ou chez moi, rattraper le chemin en me tricotant un long fil d’Ariane souple et semé de notes claires. Oui, ne pas me perdre, mais t’avoir perdu, toi.

 

Commentaires
E
Magnifique texte en noir et blanc, images en 16/9 ème qui se déroulent sous nos yeux.
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C
Deux mi-temps... C'est terrifiant Pôle emploi chaque fois qu'on s'y frotte et pour soi et pour ceux qui y travaillent (peur le peu que j'en sais). . Une sorte d’arasement de soi. De ce que nous désirerions être...
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L
Voilà ce que je me refuse, surtout à mi-temps. Et puis Pôle Emploi qui me relance pour un profil trop restrictif... Il voudrait que j'accepte, (peut-être), un mi-temps à Paris.<br /> <br /> Quant au coeur, déjà à mi-temps, peux pas faire mieux.<br /> <br /> Pour le reste : Wait and see !
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G
Le rythme de ton texte est saccadé, à l’image de la vie de cette jeune femme qui, obstinée, ronge son frein et les rendez-vous. Nous la suivons dans la grisaille du quotidien à peine éclairé, à la fin du texte, de deux touches musicales.<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne peux m’empêcher d’admirer cette femme qui se raconte sans fard, il y a longtemps que je me serais effondrée à sa place. Dès le troisième paragraphe, le lecteur remarque que le « je » perd du terrain au profit du « on » et des propositions infinitives, comme si le personnage se regardait vivre. On a presque envie de la prendre dans ses bras et de lui dire : tu mérites mieux que ça, patiente un peu et tu vas voir, ton fil te mènera au bon endroit.
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