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30 avril 2015

Mitoyenneté

Sa voisine avait commencé le violon en avril 2013 et sa connaissance de l’instrument ne s’améliorait pas avec le temps. Seule différence,  elle jouait de plus en plus fort, persuadée du son mélodieux qu’elle tirait de l’instrument maltraité.

Comme il ne supportait plus les boules quies, il avait fini par se mettre au violoncelle. Peut-être finiraient-ils par former  un duo ?

 

Arioso - Bach - Stringspace - Violin & Cello duo

 

 

 

28 avril 2015

La petite soeur

Sa soeur était née il y a un mois. Horreur ! Comment supporter ce bébé tout rouge qui couinait à la moindre occasion ? Un lundi, en rentrant de l’école, elle avait frappé à toutes les portes de l'immeuble pour  proposer aux voisins de la prendre chez eux. Et à chaque fois, elle concluait par : " Vous savez, c'est mignon un bébé ! "

Hélas, aucun n’avait accepté. Le soir même, en rentrant, sa mère lui avait donné une gifle monumentale avec l'assentiment de son père : pourquoi ?

Quant à elle, pendant trente ans, elle s'était efforcée d' aimer sa soeur, sans jamais y parvenir... sauf le jour de son enterrement.

 

26 avril 2015

Disparition

20150414_111902C’est tout ce qu’on avait retrouvé d’elle : ce sac à dos  noir et ce blouson rose jeté sur l’herbe parsemé de larmes de magnolia.

L’ombre des branches menaçait les espoirs nourris par certains optimistes qui croyaient qu’à l’âge qui était le sien – 52 ans - on ne décidait pas de mourir pour un oui ou pour un non. D’ailleurs, s'était-elle déjà plainte de quelque chose ?

Quand on lui demandait : " Tu vas bien ? "

Elle répondait immanquablement  : " Oui, très bien, merci, et toi ? "

 

 

PS : photo prise par GBalland

24 avril 2015

Le cours de théâtre

Marc Brault – employé  à la SNCF  -  faisait du théâtre depuis 5 ans. Au grand désespoir de son professeur, il  ne connaissait jamais ses textes par cœur. Quand on croyait le voir jouer du Feydeau, du Guitry ou du Ribes, il faisait encore et toujours du Marc Brault. Comment lui faire comprendre, à lui qui ne comprenait rien, qu’un auteur qui avait écrit une pièce s’était attaché, au mot près, à chacune des répliques de ses personnages  ? A bout d’argument, le professeur lui dit un jour :

-          Ecoute Marc, là tu joues la pièce d’un auteur vivant. S’il assistait à la répétition, il faudrait te sous titrer pour qu’il reconnaisse sa pièce !

Impavide, Marc répondit.

-          Si je change  un peu les répliques, je crois pas que ça change beaucoup la pièce.

Le professeur soupira mais n’ajouta rien. Marc faisait partie de la catégorie 4, celle des « mal-comprenant »,  la pire, celle qui plombe le texte d’un auteur sans lui laisser aucune chance de salut.

22 avril 2015

Le vélo

Elle a attaché son vélo au seul arceau disponible  puis, constatant l’heure tardive, elle a couru vers le  cinéma. Une fois dans l’obscurité de la salle, elle s’est laissée aller mollement dans le fauteuil et a apprécié d’entrée le petit son jazzy qui accompagnait les premiers plans du film.

En sortant, transportée par l’ambiance du film, elle a esquissé un petit pas de danse et a rejoint l’endroit où elle avait laissé sa monture. Hélas, à l’arceau, point de vélo. Seul l’antivol, coupé en deux, était resté sur le lieu du crime, avec un mot attaché par un élastique.

Elle l’enleva et lut : «  très chère cycliste, j’ai dû prendre votre vélo car je n’en avais pas. Ne me dites pas que vous êtes de ces femmes accrochées aux biens matériels. Si oui, dites-vous que je vous aurais aidée à apprendre le détachement. PB »

PB, Putain de Branleur, hurla-t-elle aussitôt, peut-être dans l’espoir de le voir revenir…

20 avril 2015

Le kamikaze

C’est près du marché qu’ils furent attirés par des cris terrifiants. Ils se précipitèrent ; en arrière-plan, des flammes voraces, et devant eux, un kamikaze bardé de bombes qui  hurlait comme un fou : « j’arrive pas à me faire exploser, ça marche pas, qu’est-ce que je fais ? ».

 

18 avril 2015

Le parc de l'hôpital

20150414_111747

Lassé de son travail de professeur-garde chiourme, il se demandait ce qu’il pouvait faire pour se mettre en arrêt longue maladie. Après quelques jours de réflexion, il eut une idée épatante, lumineuse, géniale. Les faits se déroulèrent un mardi et on en parla encore des mois plus tard. Il arriva, ponctuel, à 8 h 25, fit entrer les élèves et s’assit à son bureau après avoir fait l’appel, comme à son habitude. Les élèves attendaient, les yeux embués de sommeil et des bâillements accrochés aux lèvres.

Soudain, il se leva et commença à se déshabiller, les chaussures, les chaussettes, la veste, le pull, le tee shirt, le pantalon… La classe était médusée, le silence régnait comme jamais il n’avait régné en cours de philosophie. Il était maintenant en slip et son corps laiteux lui donnait l’air maladif. Il monta d’un bond sur le bureau et c’est à ce moment-là que Kevin cria, suivi par toute la classe, à l'unisson.

-    Le slip, le slip, le slip, le slip...

Les élèves n'eurent pas longtemps à attendre. Il enleva son slip puis le fit ensuite tourner au-dessus de sa tête

Son séjour de trois mois en hôpital psychiatrique lui fit un bien fou. Les arbres, le calme, des repas à heure fixe, une chambre individuelle, une profusion de livres, quelques visites d’amis, et même celle du proviseur qui l'assura de prendre le temps qu’il lui faudrait pour se retaper. L’hypocrite, il n’avait certainement pas envie de le revoir avant les grandes vacances !

Trois mois plus tard, il regretta de partir, un problème de place, lui dit-on. Mais le psychiatre le rassura, il allait bien mieux…

 

PS : photo prise par gballand dans le parc du lycée

16 avril 2015

Absurdité

Il attendait que sa femme meure pour se mettre avec Madame P. En fin de compte, c’est lui qui est mort avant elle.

 

14 avril 2015

Duo printanier

Duo d'écriture avec Caro. Toujours sur le thème de " l'Ecrivain unique "

Aujourd'hui, vous pouvez lire mon texte.

 

Le Fantasme  

 

Son premier livre avait tellement bien marché que, l’espace d’un semestre peut-être, il avait adopté la posture de l’Ecrivain Unique ; vous savez, ce genre de fantasme qui menace ceux qui se laissent prendre au jeu du succès et des flatteries. Sa femme, qu’il appelait dans l’intimité « ma petite cellule de dégrisement », n’avait pas tardé à tirer le signal d’alarme. Elle lui avait mis le marché en mains : si tu te narcissises, tu peux me dire adieu ; mais laisse-moi  te dire une chose,  ce n’est pas Narcisse qui te fera la cuisine tous les soirs !

 Les arguments de son épouse avaient toujours eu la puissance d’un Tsunami. Il avait donc laissé tomber Narcisse pour redevenir tout simplement Jacques Dumontier, marié à Elise Dumontier, fils d’Eliette et Robert Dumontier, né à Nogent le Rotrou.

Il avait définitivement fait le deuil de son fantasme d’Ecrivain Unique après avoir endossé  - toujours sur les conseils de sa femme – ses vieux habits de fonctionnaire  des impôts au service enregistrement du centre des finances publiques de Dijon.

 Depuis deux ans, il travaillait à mi-temps – une concession qu’elle lui avait accordée après quelques discussions animées – et il venait d’achever son troisième roman dont l’essentiel de l’intrigue se situait aux impôts. Son titre : Cadavre au cadastre.

12 avril 2015

Duo printanier

Nouveau duo d'écriture avec Caro. Cette fois-ci, notre source d'inspiration est " l'écrivain unique ". Et pour Caro, ce parc.

Aujourd'hui, vous pouvez lire le texte de Caro. Le mien paraîtra mardi 14 avril.

 

Allée des écrivains uniques

Un peu plus loin, il y a la statue en pied de mon père. À droite, allée J, emplacement 38, le buste de mon parrain, brisé par le milieu : F. W., créateur du Théâtre du peuple. Un géant dont les mains recouvertes d’encre noire et d’un épais poil roux faisaient battre le goût de terre de son enfance sous le vernis des odes au parti. Sans doute, le chef d’œuvre érigé pour le faire passer à l’éternité avait été coulé dans un acier médiocre.

Sous le saule, un banc m’attend. Assise, j’aperçois le bronze bruni de la statue de Yan, mon premier amant, perdu au milieu des légendes du régime. Il était venu à la rencontre de mon père lors d’un salon officiel et s’était retrouvé à la maison devant une bouteille d’un alcool transparent. Je m’étais glissée dans la chambre d’ami une nuit où lui n’avait pas trop bu. J’avais seize ans, presque dix-sept. L’Écrivain Unique, mon père, sensible à ses poèmes souples et lisses, avait voulu l’adouber. Avait-il eu peur ensuite du talent qui avait pointé ?  Était-ce jalousie de voir sa fille, la perle de sa vieillesse, passer des nuits dans des bouges avec ce garçon dont les yeux de chat trahissaient des ancêtres venus des terres de l’Est ? Ou simplement les années pesaient, transmutées en livres lourds et obséquieux, le hantant. Il avait alors soixante-neuf ans.

Yan n’avait fait que s’approcher de la gloire. Sa chute fut brutale, tout comme l’exil où il s’éteignit très vite.  À l’époque je l’avais déjà oublié dans d’autres bras. Sa statue, place des matins rouges, avait tenu six mois avant d’être déboulonnée et déposée ici, dans ce parc à l’abandon.

Mon père, le dernier Écrivain Unique du régime, est mort depuis longtemps. La lignée s’est presque éteinte, ses successeurs ne cultivant plus qu’une écriture servile et sans relief. Je sais, pour avoir dérobé son journal intime, qu’il aurait aimé que je lui succède. J’étais née fille et ce fut-là mon premier acte de rébellion.

Sans doute aurait-il été effrayé et attiré par la femme que je suis devenue. Une ombre qui chante dans des cabarets en bordure de la Loi. À la porte de laquelle, on frappe de nuit ou de jour pour déclamer l’espoir ou la honte. Pour échanger une parole que l’on tatoue sur sa peau et ses pensées, qu’on porte à d’autres. Une femme qui trace dans l’air des mots amples, saturés de bouches qui se cherchent, de corps qui se lèvent, d’horizons où meurent les oubliés. Sa fille qui grave des histoires invisibles à la marge des pages officielles.

 

Caro Mennesson Ll – Clermont Ferrand – 1er avril 2015

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