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Presquevoix...
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30 janvier 2015

Les photos du bonheur

Lui avait un compte snapchat, elle un profil facebook,  et ils passaient la moitié de leur temps à exposer les photos de leur félicité. Lui se consacrait essentiellement à son autopromotion – lui à la musculation, lui à la piscine, lui au golf,  lui avec ses copains … - quant à elle, elle exhibait sa famille que tous considéraient comme idéale. Ses « amis » labellisaient ses photos d’un « j’aime » quasi-systématique : une si belle femme – il faut dire qu’elle choisissait ses photos avec  soin - de si beaux enfants, un si beau mari, une si belle maison, un si bon goût, une si belle entente, de si belles vacances !

Deux ans après l’ouverture de son compte, elle ne mit plus de photos d’elle, ni de son mari, ni des vacances, ni de la maison, ni des enfants. Il ne resta plus que des photos de plantes et de couvertures de livres.

Elle avait divorcé…

 

28 janvier 2015

Le défunt

IMG_0272Il était mort à Venise, le lendemain de leur arrivée. Ils n'avaient pas même  eu le temps de profiter de leur chambre à l’hôtel canal grande, un lieu qui devait raviver une flamme qui, sans nul doute, aurait nécessité un savant cocktail pour retrouver un semblant de vigueur.

Sa disparition l’avait plongée dans une sorte d’asthénie. Pourquoi lui avait-il fait ça, à elle ? Lui qui voulait tellement revoir la ville, ses dédales, ses eaux de novembre qui inondent places et rues, la basilique San Giorgio Maggiore, la modeste église San Michele

Malgré les réticences familiales, elle décida de l’enterrer à Venise. Les formalités seraient longues, mais elle était certaine qu’il lui saurait gré de passer ses derniers jours au cimetière San Michele.

Et qui sait si cette petite flamme ne se ranimerait pas un jour ?

 

PS : photo prise par CP à Venise en novembre 2012

 

 

26 janvier 2015

La prison

20141223_093717L’hiver faisait tomber les dernières feuilles des arbres et elle était toujours là. Chaque mardi et chaque jeudi, elle se plaçait non loin du mur d’enceinte et elle attendait qu’il lui fasse signe. Il était au dernier étage, la cellule qui jouxtait la gouttière. A travers les barreaux, il agitait un linge blanc, c’était le signal. Il  l’appelait sur un portable qu’il avait – dit-il -  récupéré auprès d’un voisin, en échange de somnifères.  Le type voulait en finir, c’est ce qu’il lui avait dit.

Cela faisait une heure qu’elle attendait dans le froid mordant, mais rien. Avait-il oublié ? La prison cadenassait les âmes. Le corps, lui, se maintenait au prix de 200 pompes par jour. A chaque parloir elle s’étonnait de ses bras qui gonflaient au rythme des mois passés en détention. Quand sortirait-il ?

Soudain un linge blanc apparut à la fenêtre de la cellule à droite de celle de son mari et le téléphone sonna.

-  Allo, dit-elle la voix sèche.

-  Bonjour, c’est Didier, le voisin de cellule de Laurent. Il peut pas appeler.

-  Pourquoi ?

-  Il est à l’hôpital. Il a voulu se suicider la nuit dernière.

Elle n’eut pas le temps de lui poser de question, l'homme avait déjà raccroché. Comment ne s’était-elle pas douté un seul instant que le type dont il avait parlé et  qui soit-disant voulait en finir, c'était lui !

 

PS : photo de gballand prise devant la prison Bonne Nouvelle à Rouen en décembre 2014

 

24 janvier 2015

Le pays du Vice

Nouvellement élu à la tête du pays, il avait promis au peuple une politique qui trancherait avec les précédents présidents, et ce fut fait.

Neuf mois après son élection, il fut créé une police chargée de la promotion du vice et de la prévention de la vertu. Si  les médias s’en inquiétèrent, ce ne fut que pure forme, car les financiers à la tête des principaux journaux étaient liés aux narcotrafiquants.

La population fut rapidement mise au pas grâce à une police dont les effectifs furent triplés. Les policiers patrouillaient jours et nuits dans les quartiers sensibles – c’est ainsi que l’on appelait les ilots de résistance de la vertu – où des tagueurs s’obstinaient à barioler de chastes inscriptions sur les devantures des cabarets et des tripots en tout genre.

Alcool, cannabis, sexshops, films pornographiques, maisons de jeu et de passe, magasins d'armes et champs de tir menaient la danse du PNB. Lors de ses premiers voeux au pays, le Président - revêtu d'un  costume bardé de décorations fantaisistes qui lui donnait un vague air d'Amin Dada - se  félicita  du bond de 10 % du taux de croissance  et de l'explosion de l'indice de la PNB -  Pulsion Nationale Brute. Il termina son discours d'un " Que le Vice soit pour nous un art de vivre !" et la garde républicaine entonna le nouvel hymne républicain sans aucune fausse note.

22 janvier 2015

L’avenir

Hier, j’ai eu une vision : l’avenir serait comme le présent : décourageant, désespérant, dramatique !

Je me suis consolée en buvant un verre de blanc, un deuxième, un troisième, et au quatrième, ma vision s’est subitement éclaircie : il n’y avait plus d’avenir du tout !

20 janvier 2015

Le coup de pied

luneLe jour où il avait donné un coup de pied dans la lune, il n’avait pas imaginé un seul instant les conséquences de son acte.

Certains l’avaient applaudi, d’autres l’avait critiqué ; parfois même, on l’avait haï. On parla d’impertinence,  d’irrévérence,  et même de blasphème ; il aurait pu en rire, si les choses n’avaient pris une telle tournure.

Une fois la machine médiatique en marche, rien ne put l’arrêter. Les interprétations allaient bon train : était-il fou ? Courageux ? Irresponsable ? Orgueilleux ? Ou peut-être se prenait-il pour Dieu ? Voulait-il l’égaler  ou se moquer  de lui ? D’autres pensèrent à un complot mais qui voulait prendre le pouvoir sur qui et pourquoi ?

Lui-même ne savait plus qui il était ni pourquoi il avait eu cette idée que maintenant, peut-être, il jugeait absurde.

Que pouvait-il faire, sinon fuir… ?

 

PS : histoire écrite à partir d’une photo de Patrick Cassagnes

 

18 janvier 2015

Le contrôle

Les notes du contrôle de mathématiques de sa terminale S étaient catastrophiques et les élèves, unanimes, demandèrent un contrôle de rattrapage. Il accéda à leur désir.

Il prépara donc un deuxième contrôle qui ressemblait à s'y méprendre au premier. Quand il eut fini de corriger le deuxième contrôle, il avala deux dolipranes coup sur coup : les notes étaient encore plus basses qu’au premier !

En leur remettant leurs copies il annonça.

-  De quelque manière qu'on s'y prenne on s'y prend toujours mal, disait Freud. Avec vous, j'en ai eu la triste révélation. Ce sera donc mon dernier cours.

Et il quitta la classe sous leurs regards médusés.

 

 

16 janvier 2015

Je me ronge

Je me ronge… ça fait 50 ans que je me ronge consciencieusement les ongles. Je ne sais pas au juste combien de kilos de moi-même j’ai avalé jusqu’à présent : c’est impressionnant ! J’y prends goût. Impossible de me souvenir en quelle année cette triste habitude a exactement commencé mais une chose est sûre : c’était à l’école primaire. J’ai dû me mettre un doigt à la bouche sans m’en rendre compte, par ennui ou – plus inquiétant – par peur, et le terrible engrenage s’est mis en branle.

 Il faut que je me rende à l’évidence, je suis cannibale. C’est un choc : le cannibalisme est interdit dans nos sociétés civilisées. C’est un signe de dégénérescence, une caractéristique de certaines sociétés primitives, connues pour leur sauvagerie rédhibitoire. Quant à moi, rassurez-vous, je ne présente aucun risque pour les autres puisque je ne m’en prends qu’à moi-même !

 Ce n’est pas par amour de moi que je me ronge et m’ingère… et, pour ne rien cacher à personne, je me digère de plus en plus mal. J’ai des nausées, des migraines, des flatulences. Plus j’y réfléchis, plus je pense que je dois être fascinée par mon autodestruction.

 J’y mets du temps à me ronger, je n’en aurai jamais terminé avec moi, même à la fin de ma vie, et je mourrai sûrement avant de m’être entièrement dévorée.  Il est vrai que mes chairs repoussent, comme de petites greffes imparfaites.

 Comment ai-je pu en arriver là ? Je suis entièrement dépendante de mes peaux. “Je m’ai dans la peau”, aussi bizarre que cela puisse paraître.

 Souvent, je contemple avec envie les interminables ongles rouges, roses, oranges ou verts, de ces femmes qui déploient leurs doigts comme des éventails offerts à l’admiration du monde. Elles les agitent, les plient, les pointent, leur font accomplir des gestes gracieux qui agrandissent  les yeux de leurs admirateurs silencieux. Moi, je cache,  range,  dissimule ; je fais disparaître les monstres qui horrifient les malheureux spectateurs de ce charnier insolite. Je lis dans leurs yeux des - “ C’est dégoûtant! ”, “ Mais comment a-t-elle pu en arriver là ? ”, “ Si c’est pas malheureux à son âge ! ”  - qui renvoient mes doigts à la solitude qui est la leur.

Le seul moment où je  laisse mes doigts en paix, c’est la nuit ; forcément, je dors. Parfois, je me demande même si je ne me réveille pas en secret pour parfaire mon travail quotidien, mais je ne pourrai pas le garantir car je ne suis pas en état de me surveiller après minuit. Il va falloir que j’adopte des mesures draconiennes pour sauver mes doigts, mais lesquelles ?

Non, je crois qu’il n’y a aucune autre solution, sinon arrêter de me ronger toutes affaires cessantes ! Mais déjà, le geste me manque et je crains de ne pouvoir y parvenir avant d’être devenue… une rognure de moi-même.

14 janvier 2015

Le virus

Il passait son temps à éviter sa mère. Le dérangeait-elle ? Au petit-déjeuner, elle n’a pu s’empêcher de lui dire.

-          Tu sais la vieillesse, ce n’est pas une maladie, ça ne s’attrape pas !

Son regard lointain s’est arrêté sur sa mère et ses yeux vides et transparents ont balayé le visage de celle qui l’avait mise au monde, contre son gré.

Fatigué de cet effort, il a baissé la tête et a continué de tremper sa tartine dans sa tasse de café au lait, sans mot dire…

 

12 janvier 2015

L’esprit d’à propos

Alors que je vagabondais au rayon livres de la FNAC, j’entendis une mère dire à son fils d’une huitaine d’année.

-          J’aimerais bien avoir des enfants qui obéissent tout de suite.

La réponse claqua aussitôt et laissa la mère sans voix.

-          T’as qu’à avoir d’autres enfants !

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