La prison
L’hiver faisait tomber les dernières feuilles des arbres et elle était toujours là. Chaque mardi et chaque jeudi, elle se plaçait non loin du mur d’enceinte et elle attendait qu’il lui fasse signe. Il était au dernier étage, la cellule qui jouxtait la gouttière. A travers les barreaux, il agitait un linge blanc, c’était le signal. Il l’appelait sur un portable qu’il avait – dit-il - récupéré auprès d’un voisin, en échange de somnifères. Le type voulait en finir, c’est ce qu’il lui avait dit.
Cela faisait une heure qu’elle attendait dans le froid mordant, mais rien. Avait-il oublié ? La prison cadenassait les âmes. Le corps, lui, se maintenait au prix de 200 pompes par jour. A chaque parloir elle s’étonnait de ses bras qui gonflaient au rythme des mois passés en détention. Quand sortirait-il ?
Soudain un linge blanc apparut à la fenêtre de la cellule à droite de celle de son mari et le téléphone sonna.
- Allo, dit-elle la voix sèche.
- Bonjour, c’est Didier, le voisin de cellule de Laurent. Il peut pas appeler.
- Pourquoi ?
- Il est à l’hôpital. Il a voulu se suicider la nuit dernière.
Elle n’eut pas le temps de lui poser de question, l'homme avait déjà raccroché. Comment ne s’était-elle pas douté un seul instant que le type dont il avait parlé et qui soit-disant voulait en finir, c'était lui !
PS : photo de gballand prise devant la prison Bonne Nouvelle à Rouen en décembre 2014