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Presquevoix...
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31 décembre 2014

L’infirmier

Quand elle allait au laboratoire – une fois par mois – elle était  piquée par le même infirmier qui lui disait systématiquement.

-          Avec vous, j’ai de la veine, vos vaisseaux sont superbes !

Elle acquiesçait gentiment en hochant la tête. Sauf que la dernière fois, il ne s’était pas contenté de cette phrase, il avait aussi parlé de l’indescriptible beauté  de son sang. Là, elle s’était inquiétée : et s’il la prenait en otage  pour faire des transfusions dont le sang servirait à dieu sait quelle odieuse combine ?

Elle n’en parla pas à son mari car celui-ci,  immanquablement, lui aurait dit qu’il était dommage que son imagination ne soit pas aussi fertile dans le domaine sexuel. Certes, elle savait que lui répondre, mais en ces temps de trêve de Noël, était-il sage de provoquer des orages ?

29 décembre 2014

Disparition en forme de conte

DIEPPEQuand elle leur fit signe, ils ne daignèrent  pas même  tourner la tête et arrêter leur conversation oiseuse. Jamais personne ne s’était intéressé à elle dans cette ville anesthésiée  où elle avait moisi toute son enfance. Pourquoi n’était-elle pas née à Paris, à New York ou à Londres ? Et pourquoi cette famille-là ? Non, elle ne serait pas comme eux, elle ne passerait pas son temps entre RSA et formations qui ne menaient nulle part.

Elle jeta un dernier coup d’œil autour d’elle. Au loin, la ville endormie, quelques passants qui ne se lassaient pas de passer, et toujours les longs cris stridents des goélands.

Puisque c’était ainsi, elle prendrait l’échelle, s’immergerait dans les flots sombres et deviendrait la princesse du royaume de la mer. La tête ceinte de  sa couronne de sargasse, elle descendit les deux premières marches de l’échelle, s’immobilisa sur la troisième, s’empara de la pierre qu’elle avait fait rouler jusque sur le bord du quai puis se jeta à l’eau. Les flots se refermèrent immédiatement sur elle.

Son corps fut repêché six jours plus tard et le journal local en fit son gros titre :

« Privée de RSA, elle préfère mettre fin à ses jours en se jetant à l’eau. »

 

PS : Merci à Patrick Cassagne pour sa photo.

27 décembre 2014

Dieu

A chaque anniversaire, depuis ses 18 ans, son  ami – le seul qu’il se connaissait - lui offrait une boite de préservatifs en ajoutant : on ne sait jamais…

Finalement il sut, un 25 décembre, et il en conçut une telle déception qu’il eut préféré ne jamais savoir. Il se décida à en parler à son ami.

-    Alors c’est ça faire l’amour ?

-    Ca ne s’est pas bien passé ?

-    Ça s’est passé et j’aurais préféré mille fois que ça ne se passe pas.

-    Il te manque peut-être la pratique.

-    La seule pratique que j’aurais désormais c’est l’abstinence, conclut-il

Il   ne conçut jamais le moindre désir, ni pour les femmes, ni pour les hommes. Seul Dieu l’occupât, mais un Dieu qu’il était le seul à connaître…

25 décembre 2014

Le père Noël est-il une ordure ?



Cet extrait me fait toujours autant rire, allez savoir pourquoi…  Depuis le temps que le père Noël nous « en-tube » avec sa fausse bonhomie ! Il faut dire que côté pub, il s’y connaît le père Noël ; plus capitaliste, tu meurs ! On le voit s’afficher dans toutes les grandes surfaces pour nous débiter ses guimauves de Noël sous des guirlandes clignotantes qui rendent hommage à la fée consommation, même le dimanche, le tout adoubé par le Saint Patron Macron. Quand je vois tous ces pauvres enfants s’asseoir sans méfiance sur ses genoux  avec la bénédiction de leurs parents aliénés*, je tremble pour le monde à venir… Et s’il était pédophile le père Noël ?  Parents, attention à protéger vos enfants, un père Noël peut en cacher un autre ! Et puis, vous avez pensé à ses cerfs* asservis qui font des journées de plus de 12 heures ! Pourquoi croyez-vous que les rennes du Père Noël   ne se mettent pas en grève ? Il n’y a que deux explications possibles : soit le Père Noël leur a confisqué leurs papiers, soit ils n’en ont pas. Ne faudrait-il pas contacter au plus vite l'inspection du travail, s'il y a encore quelques inspecteurs que la RGPP de feu-Sarkozy a épargnés ?
J’espère que je ne vous aurai pas gâché vos fêtes … sans rancune ?

* « L’aliéné, c’est celui qui se croit libre, libre dans ses désirs, ses besoins, ses achats, ses opinions, ses pensées intimes, sa culture ; et qui ne l’est pas, car les conditionnements psychiques - techniquement produits, consciemment ou inconsciemment sécrétés par le capital pour le maintien de sa puissance et l’expansion de ses débouchés - le déterminent tout entier, à son insu.
On se croit libre entre telle ou telle option morale, et on ne l’est pas plus - ou ni plus ni moins - qu’entre telles ou telles marques concurrentes de lessive que le même trust fabrique, vous suggérant ainsi, par le pire des conditionnements, le sentiment de la liberté lui-même ! » (Clavel)
Lu sur le blog : http://profbof.com/

* Oui, je sais, ce sont des rennes mais c’est pour le jeu de mots !

PS : ce post avait déjà été publié plusieurs années auparavant, mais je l'ai remanié, en suivant l'actualité économique...

23 décembre 2014

La mort d’Orphée

-   Tu ne voudrais pas  jouer ce morceau pour moi ?

-    Mais pourquoi je jouerais ce morceau-là pour toi ?

-    Pour le plaisir de faire quelque chose pour moi. Les autres ont droit à tant d’attentions de ta part et moi, jamais.

Il lui fallait des preuves, encore et toujours. Elle l’assommait. Quand en finirait-elle avec ce jeu morbide ? Il n’avait qu’une envie, l’envoyer en enfer le plus vite possible, mais lui, il ne lèverait  pas le petit doigt pour aller la rechercher.

-    Alors ? attendait-elle.

-    Ecoute, je ne suis pas Orphée et tu n’es pas Eurydice.

-    Tu te trouves drôle ?

Drôle, il ne prétendait pas l’être. Ce qu’il voulait c’est qu’elle lui fiche la paix. Juste ça. Qu’elle arrête de se plaindre et de voir en lui ce Prince Charmant qui porterait sur elle le regard que son propre père n’avait jamais porté. 

 

Gluck Mort d'Orphee - Orpheus Death Piano : Nelson Freire

 

 

 

 

21 décembre 2014

"Je est un autre"

Il s’était inventé un personnage pour les besoins du blog, un autre je. Dépressif, solitaire, boulimique et en manque d’amour son nouveau je égrenait son intimité désenchantée et les visiteuses affluaient ; la noirceur n’excite-t-elle pas la compassion des femmes ?

Mais au fil des billets et des réponses aux nombreux messages de sympathie de ses lectrices, il s’était pris au jeu et il sentait qu’il commençait à changer. Déjà, la veille, il s’était surpris à ne pas vouloir sortir de chez lui, comme l’autre...

19 décembre 2014

L’adresse

lou1Dire qu’elle vivait à  « Deux-Verges » n’avait jamais été simple,  d’autant plus ce jour-là.

Elle avait fait le trajet Paris-Clermont Ferrand aux côtés d’un homme "civilisé", un homme qui, contrairement aux autres, ne s’était pas approprié l’accoudoir. 

C’est sans doute pour cette raison – mais aussi  pour son profil parfait -  qu’elle avait engagé la conversation. Au bout d’une demi-heure, il lui posa une question qu’elle détestait : Vous habitez Clermont-Ferrand ?

Elle marqua un temps d’arrêt. Bien sûr elle aurait pu mentir, mais ce n’était pas dans ses habitudes. Seulement comment allait-elle lui dire, sans rougir stupidement, qu’elle habitait Deux-Verges ?

 

PS : photo gentiment prêtée par Lou du blog « la maison des marguerites ».

 

 

17 décembre 2014

Histoire

 

-   Mais cette histoire est invraisemblable !

-   C’est justement là le problème*.

 Elle  regardait l’inspecteur attendant qu’il manifeste un désir, une volonté, un ordre ; mais non, rien.

Le livre laissé ouvert à la page 199, juste à côté du cadavre, laissait à penser que l’assassin avait suivi la voix du narrateur à la virgule près. La fiction rejoignait la réalité, et l’inspecteur était troublé.

-    Un fou ? Suggéra-t-elle pour le faire sortir de son silence.

-    Non, un malade de l’écriture, un type qui n’a jamais pu publier, répondit l’inspecteur dans un souffle.

Puis son regard erra tristement sur le corps lacéré  qui avait servi de page d’écriture…

 

* Phrase Lue sur le blog interférence

 

15 décembre 2014

La mer

cielElle n’aimait pas la mer, elle en avait peur, et elle savait pourquoi.

A 10 ans, elle avait été réveillée par des éclats de voix. Quand elle était descendue, son père était dans la cuisine, en pleurs, et sa mère avait disparu. Elle n’avait su que dire ; lui non plus.

Leur silence avait duré neuf mois. C’est lui qui avait fait le premier pas, un matin, alors qu’elle était devant son bol de céréales, absorbée par sa leçon d'anglais qu’elle se passait et repassait dans sa tête pour avoir une bonne note.

Son père avait remarqué.

-          Tiens, tu as mis le sweat que je t’ai acheté.

Elle avait répondu.

-          Oui, il est beau.

Rien de plus, mais cela avait suffi  à dévider l'écheveau des mots.

 

PS : Merci à R.B. pour sa photo.

12 décembre 2014

Education

Plus les années passaient, moins les élèves étudiaient, moins ils étudiaient, moins on leur donnait de travail à la maison et, implacablement, moins on leur donnait de travail à la maison, moins ils étudiaient.

Cette année-là, le ministère de l’Education Nationale décida que, désormais, les élèves seraient notés avec des couleurs,  juste trois couleurs, car trop de couleurs tuent l’évaluation !

Tous les élèves étaient heureux – les parents aussi – quant aux professeurs, leur frustration croissante enfla de telle façon qu’ils  refusèrent de faire cours pendant de longues semaines.

Etrangement, cette année-là le taux de réussite au bac creva le plafond : 95 % d’élèves l’obtinrent et 75 % dès le premier tour, ce dont le ministère se félicita.

Le ministre en conclut que moins les élèves avaient  cours, plus ils réussissaient, ce qui le conduisit immédiatement à diviser le nombre de professeurs par deux et à poursuivre la pédagogie des couleurs…  

 

PS : prochain texte, lundi 15 décembre.

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