La librairie
Chaque jour, après son travail, elle allait à la librairie Lello. Pedro s’en plaignait, il lui disait qu’elle le trompait avec une femme, parce que pour lui la librairie était le ventre – le sexe ? - d’une femme dont les livres tapissaient toutes les largeurs. Ils riaient ensemble de cette plaisanterie.
C’est en haut de l’escalier rouge de la librairie Lello que son étourdissement l’avait prise. Avant de descendre, comme à son habitude, elle avait regardé les marches qui défilaient dans leur drapé rouge et le vertige l’avait happée dans le ventre de l’escalier. Son livre « o vale da paixão » lui était d’ailleurs tombé des mains et avait dévalé les marches. Elle avait sans doute essayé de se rattraper à la rampe, mais elle ne souvenait de rien à part des deux mains qui l’avaient aidée, silencieusement, à s’asseoir sur une chaise du premier étage.
Elle essaya de retenir ces mains, mais l’homme devait être pressé, il lui sourit amicalement, rajusta ses lunettes, remit son chapeau sur la tête, puis elle vit son pardessus disparaître dans l’escalier. Lorsque sa silhouette ne fut plus qu’un souvenir, elle se replia un peu sur elle et remarqua, à ses pieds, une feuille pliée en quatre. Elle hésita à la prendre, mais la curiosité fut plus forte. Ella la déplia et lut les vers suivants :
Não basta abrir a janela
Para ver os campos e o rio.
Não é bastante não ser cego
Para ver as árvores e as flores.
Il ne suffit pas d’ouvrir la fenêtre
Pour voir les champs et le fleuve
Il ne suffit pas de ne pas être aveugle
Pour voir les arbres et les fleurs.
Fernando Pessoa,
Avait-elle vraiment rencontré le poète Fernando Pessoa mort en 1935 ?
PS : photo prise par C.V dans la librairie Lello à Porto.
Voyez ici le site de la librairie pour rêver à 360 degrés.