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Presquevoix...
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30 décembre 2013

Le père Noël ( dernier épisode)

 

4.Entretien entre le psychiatre et le commissaire

Le commissaire attendait le psychiatre dans la salle d’attente. Il aurait préféré lui parler plus tard, surtout après l’entretien éprouvant qu’il avait eu avec la présumée coupable 24 heures plus tôt, mais le psychiatre avait insisté, disant qu’il devait mettre au point un certain nombre de choses.

 Il n’avait jamais eu de sympathie particulière pour les psychiatres, surtout depuis que sa femme avait multiplié les rendez-vous chez l’un d’entre eux tout au long de l’année dernière. Cela s’était d'ailleurs conclu par son départ de la maison avec les enfants !

 Il fut surpris par sa jeunesse et sa fragilité apparente. Celui-ci lui indiqua son bureau d’un geste avenant et lui demanda de lui parler de l’affaire ; le commissaire s’exécuta sans se faire prier.

–        Quand je suis arrivé sur les lieux la pauvre fille était assise à côté du cadavre le regard perdu. Je dis la pauvre fille, mais en même temps quand elle s’est jetée sur moi au commissariat, elle n’avait pas l’air si fragile que ça ! Je crois que je l’aurais réduite en bouillie avec grand plaisir mais on m’a appris à bien me conduire avec les femmes.

–        A votre avis pourquoi s’est-elle jetée sur vous, Monsieur le Commissaire ?

–        Elle est cinglée, ce n’est pas la peine d’avoir fait des études de psychologie pour s’en rendre compte !

–        Celui qui a des notions de psychologie, ici, c’est moi, reprit le psychiatre. A part le fait d’être cinglée, il n’y a pas quelque chose que vous auriez dit qui aurait pu la pousser dans ses retranchements ?

–        Vraiment, je ne vois pas docteur.

–        Cherchez un  peu…

–     Je lui ai juste dit que, comme elle n’était pas coopérative, on allait faire venir sa mère et son ex petit ami pour mieux comprendre les choses !

–        Et c’est là qu’elle vous a sauté à la gorge ?

–        Exactement !

–        Parfait !

Le calme du psychiatre finissait par l’exaspérer. Qu’est-ce qu’il entendait par « Parfait ! ». Et cette voix doucereuse avec laquelle il lui parlait, dans quel but ? Et pourquoi ce silence où ses yeux bleus inexpressifs semblaient trouver un  bonheur évident. Il lui posa une nouvelle question.

–        Vous aimez les femmes Monsieur le Commissaire ?

–        Quel rapport avec l’enquête ?

–        Ma patiente semble croire que vous vous acharnez sur elle parce qu’elle est une femme. Mais je suis sûr que ce n’est pas votre cas, n’est-ce pas ?

–        C’est vous le psychiatre ! dit-il sèchement.

Le psychiatre sourit et s’abîma dans un nouveau silence qu’il interrompit pour souligner.

–        Ma patiente, contrairement à ce que vous pouvez penser, est loin d’être folle. C’est juste une de ces jeunes femmes atteintes du syndrome du prince charmant et qui vérifie, hélas, homme après homme, que le prince charmant n’existe pas, sans vouloir pour autant se plier au principe de réalité. Un cas classique en somme. Seulement elle a rencontré le grand méchant loup. Vous connaissez l’histoire du petit chaperon rouge commissaire ? Vous l’avez certainement souvent raconté à vos enfants ?

–        Pourquoi vous me parlez de mes enfants ? répondit-il sur la défensive.

Le psychiatre sourit.

–        Pour vous mettre en situation. Donc, quand ma patiente a rencontré le grand méchant loup, elle ne le savait pas, comme dans l’histoire, puisqu’il l’avait trompé en se déguisant en Père Noël. Alors elle a voulu le séduire, comme une petite fille qui veut séduire un père qui ne la regarde pas souvent, mais à ce moment-là, elle a compris que le loup était vraiment très méchant – ce n’est pas rien un violeur, vous en conviendrez Monsieur le Commissaire ! – alors son instinct de survie l’a protégée et elle s’est défendue comme elle a pu. C’est très simple.

Le commissaire avait une question qui lui brûlait les lèvres mais il n’osait pas la poser. Ce blanc bec avec sa blouse blanche et sa psychologie lui en imposait sans qu’il ne veuille se l’avouer. Pourtant il se décida.

–        On vous a parlé de ma situation personnelle ?

–        Non, pourquoi ?

–        Oh… pour rien, c’est juste que je viens de me séparer de ma femme et que son psychiatre travaillait ici, alors…

–        Je l’ignorais Monsieur le Commissaire.

–        Bon, tout est bien qui finit bien alors ! On ne va pas se plaindre de la mort d’un violeur, n’est-ce pas ?

–        Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, M. le Commissaire.

–      Quant à Lise Dessous, j’imagine que bientôt elle pourra rentrer chez elle grâce au soutien psychologique que vous lui dispensez.

Le psychiatre sourit à nouveau, ce qui eut pour effet immédiat d’énerver le commissaire qui s’agitait sur sa chaise. Il se demandait franchement si le type en blouse blanche ne se moquait pas ouvertement de lui. Il avait l’impression qu’il lui cachait une partie de la vérité sur cette fille. Son intuition faisait quand même partie de son boulot, même si elle n’était pas sanctionnée par un diplôme.

–        Vous avez une question,  commissaire ?

–        Eh bien oui, je vais profiter de vos lumières psychiatriques… Pourquoi cette fille s’est acharnée sur moi ?

–        Parce que vous vous êtes acharnée sur elle, tout simplement, vous l’avez peut-être prise pour une autre…

Un nouveau sourire vague du psychiatre acheva de déstabiliser le commissaire qui dut serrer les accoudoirs du fauteuil pour ne pas lui sauter dessus ; sa vivacité lui avait déjà joué des tours et il ne souhaitait pas gâcher sa carrière à cause de ce crétin en blouse blanche. Pourtant, après mûre réflexion, il lui dit ironique.

–        Ce cas a vraiment l’air de vous passionner docteur !

–        C’est sans doute une interprétation de ma part, mais ne seriez-vous pas en train de me demander si je suis amoureux de ma patiente ?

Le commissaire toussa gêné.

–        C’est effectivement ce que je voulais dire.

–        C’est ma première vraie patiente, commissaire, j’étais stagiaire avant. Donc je m’intéresse à son cas comme à un premier cas. J’essaie de bien faire les choses. Quant à ce qu'il se passe au fond de moi, est-ce que je le sais vraiment ! De toutes façons, il y a l’éthique, mais je ne vous apprends rien, cela fait aussi partie de votre métier commissaire ! Répondit-il d’un air entendu, en lui adressant un imperceptible clin d’œil.

Le commissaire comprit l’allusion et décida de clore l’entretien prétextant un travail qui l’attendait. Il avait jugé que tout ce qui devait être dit, l’avait été. Ils se serrèrent la main. Le commissaire ne revit jamais Lise Dessous. Par contre, il prit rendez-vous avec le psychiatre quinze jours plus tard, pour le début d’un long traitement qu’il dut entamer afin de soigner ses crises de misogynie galopantes.

Commentaires
P
Une histoire qui se finit bien... à part pour le commissaire qui va devoir vider son sac pour se réconcilier avec lui même !!!<br /> <br /> Tu nous as tenu en haleine tout le long de ton histoire et pourquoi pas nous raconter la suite des aventures de Lise ??
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P
Mais alors, jamais on ne réalise qu'elle a tué l'homme échappé de prison, et jamais on ne connaît la peine qu'elle va devoir subir, ou non ? <br /> <br /> J'aime bien votre conception des psychiatres. :)
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C
ça va lui coûter plus cher que son divorce ;)
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B
j'adore le comm' de Cristophe :-D<br /> <br /> (tu crois que ça aide, le psy contre la misogynie?)
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C
Le psychiatre et le commissaire se marient en juin prochain.
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