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28 décembre 2013

Le Père Noël ( épisode 3 )

3. le commissaire

Le 22 décembre, le commissaire avait passé une journée de chien à essayer de négocier avec son ex-femme le problème des fêtes : allait-il enfin pouvoir garder les enfants ? A l’époque, il aurait mieux fait de se rabattre sur les chats ou les hamsters, mais comment aurait-il pu prévoir le drame ? Il se garda bien de faire part du cours de ses pensées à  son adjoint ; celui-ci avait l’incroyable don de retourner chacun de ses propos contre lui. Un fieffé imbécile cet adjoint qu’on lui avait collé dans l’urgence ; le précédent étant mort d’une étrange façon, dans le lit d’une prostituée.

Le parcours d’obstacles des fêtes s’était soldé par un échec. Il n' aurait ses enfants ni pour Noël, ni pour le jour de l’an. « Décision de justice » avait répondu son ex-femme à chacun de ses arguments. « Une vraie salope ! » avait-il conclu. Peut-être même le lui avait-il dit.

Le 24 décembre, le commissaire avait choisi d’être de service plutôt que de rester chez lui à se morfondre, il se résigna à attendre gentiment les appels de détresse  qu’on lui lancerait. Si Dieu était avec lui, sa soirée serait tranquille. Quand le téléphone sonna à minuit un quart, il décrocha au bout de la cinquième sonnerie : Commissariat du cinquième, dit-il d’un ton ferme.

–        Allô ? Je crois que j’ai tué le Père Noël, aidez-moi….AIDEZ-MOI JE VOUS EN PRIE !

Le premier moment de surprise passée, le commissaire répondit.

–        Calmez-vous et dites-moi où vous êtes !

En route vers l’adresse que la voix lui avait donnée, le commissaire se dit qu'il s'agissait certainement d' une hystérique. Tuer le père Noël ! Et pourquoi pas Dieu pendant qu’elle y était ! La femme lui avait donné les informations au compte goutte ; ses sanglots et ses hoquets l’avaient obligé à lui faire répéter plusieurs fois le nom de la rue.

En cette aube du 25 décembre, il n’y avait curieusement aucun embouteillage dans Paris. Une circulation fluide qui ne reflétait en rien la confusion des pensées qui lui martelaient le cerveau. Il trouva l’immeuble sans difficulté et, alors qu’il sonnait, il se promit d’accepter le pire sans impatience ni railleries. Une voix blanche lui répondit à l’interphone et lui indiqua l’étage. Il n’eut pas besoin d’attendre à la porte car elle était déjà ouverte. Le spectacle offert à ses yeux le laissa bouche bée : le père Noël était allongé dans sa tenue rouge, du sang avait maculé le carrelage blanc et une jeune femme habillée en noir se tenait debout près de lui ; ses mains écarlates pendaient  le long du corps. Il chercha à prendre le pouls du père Noël mais inutile,  il était bien mort.

La jeune femme le regarda hagarde et s’écria.

–        Je vous jure que c’est de sa faute. Il l’a cherché….  sanglotait-elle.

Il ne put rien lui tirer de plus. Il regarda un instant autour de lui et fut surpris de l’absence totale de meubles. Un de ses collègues arriva pour récolter les indices existants, suivi à quelques minutes près de deux ambulanciers qui emportèrent le corps du père Noël à la morgue. Dans un geste d’humanité qu’il regretta ensuite, il  mit un manteau sur les épaules  de la jeune femme et l’invita à le suivre.

Pendant toute la durée du voyage elle resta silencieuse. Ce n’est que tard, dans la soirée du 25, après avoir dormi plus de 12 heures sur un lit de fortune, qu’elle accepta de parler.

–        Je vais  tout vous dire.

–        Voilà qui est mieux, ajouta-t-il soulagé en s’essayant à un vague sourire.

–        Il s’est invité chez moi et je l’ai tué parce qu’il voulait me tuer !     

Le commissaire resta silencieux, elle aussi. Au bout d’un moment, il se sentit obligé de l’encourager.

–        C’est un peu juste comme explication.

–        Vous pensez peut-être que je l’ai poussé à vouloir me violer ?

–        Nous y voilà donc, il voulait vous violer.

–        Exactement !

–        Expliquez-moi quand même ce qu’il faisait chez vous, ce père Noël ? il n’est quand même pas arrivé par la cheminée ?

–        Je l’avais invité pour oublier que j’étais seule.

–        Et c’est pour ça que vous vous étiez habillée en robe longue ?

–        Vous y voyez un inconvénient ? Répondit-elle sur la défensive.

–        Je trouve ça un peu… surprenant, finit-il par dire.

–        Vous ne vous êtes jamais senti seul ? Dit-elle en guise de contrattaque.

–        Ici c’est moi qui pose les questions, lui intima-t-il.

–        Je ne sais pas pourquoi, monsieur le commissaire, mais j’ai l’impression que vous n’aimez pas beaucoup les femmes.

Elle le surprit. Encore une qui essayait de lire dans ses pensées.

–        Méfiez-vous de votre intuition féminine, répondit-il furieux, et n’essayez pas de me détourner de l’essentiel, parce que votre histoire est loin d’être nette, vous pouvez me croire ! Vous invitez chez vous un père Noël inconnu, vous êtes en tenue de soirée, décolletée qui plus est, et pour finir vous le tuez en me disant qu’il a voulu vous violer. Quelles preuves j’ai, moi, de tout ça ? Dites-moi !

–        Ma parole.

–        Et ce couteau suisse avec lequel vous l’avez tué, d’où sort-il ?

–        Un cadeau que j’ai fait au père Noël.

–        Et qu’est-ce que vous étiez en train de faire au moment où il a voulu vous violer ?

–        Nous dansions.

–        Vous dansiez ? Avouez que c’est pour le moins équivoque et…

Le commissaire n’eut pas le temps de terminer sa phrase ; elle se rua sur lui, le griffa au visage et laissa deux traces profondes dans sa chair. Abasourdi, il n’eut que le temps  de bafouiller un lamentable « Vous êtes cinglée ! » qu’il répéta plusieurs fois d’affilé, alors que son adjoint essayait de maîtriser la présumée coupable à l’aide de deux policiers alertés par les cris. Il la fit interner en hôpital psychiatrique et cette mesure eut pour effet de le soulager immédiatement. Son adjoint l'entendit maugréer : « Ces emmerdeuses pensent qu’elles vont faire la loi, mais elles se trompent ! ».

 PS : suite et fin le 30 décembre.

Commentaires
C
Aux US elle aurait pris un avocat, aurait récupéré plein de sous et pu s'offrir de gentils père Noël :)
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C
Aux US elle aurait pris un avocat, aurait récupéré plein de sous et pu s'offrir de gentils père Noël :)
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P
Bon tu joues avec nos nerfs... que va-t-il se passer pour cette pauvre fille ???<br /> <br /> Super tes épisodes, un nouveau genre ??
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C
Elle n'est pas cinglée : il y a de quoi bondir quand on entend des "raisons" qui peuvent excuser un violeur.
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W
Encore un conte qui va finir par un mariage avec beaucoup d'enfants, ce qui ne va pas simplifier le problème de garde (à vue).
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