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Presquevoix...
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6 décembre 2013

Duo

Pour ce nouveau Duo avec Caro, du blog « les heures de coton », voici les ingrédients : écrire sur "L'aquarium", de Saint Saëns

Son texte est ci-dessous, le mien est sur son blog

__________________________________

 

En eaux dormantes

 

-          C’est quoi ton signe ?

Je lève la tête. Le regard de Catherine me scrute.

-          Louise, c’est bon, dis-moi ton signe astrologique.

Je la laisse digresser, clan des taureaux, des scorpions... Je pensais qu’un samedi à la piscine avec une session solarium aurait signifié doux farniente. C’est sans compter sur le nouveau dada de Catherine, l’astrologie.

-          Alors tu es quoi ?

Je hausse les épaules. Ma mère dans toute sa raideur religieuse avait supprimé toute allusion aux astres, divination, horoscope, etc. Et chez nous, la volonté maternelle faisait loi.

Je réponds « compliqué » et réenclenche mon iPod. Selon les astres, j’appartiens à des eaux dormantes. Naissance à une heure qui trace une ligne incertaine entre deux signes, deux éléments. Née donc de signe astrologique inconnu. Par réaction, j’ai banalement plongé dans l’ésotérisme et consulté une multitude d’astrologues, cartomanciennes… Sans succès.

Je me cale sur le transat, absorbée par les éclats chlorés d’un grand bassin étrangement tranquille. Un souvenir me toise brusquement dans mes songeries désordonnées : l’image d’un homme qui, un jour, m’a abordée dans un café. Il portait une cravate bleue très laide, ornée de constellations. Il s’était assis devant moi et le serveur lui avait aussitôt apporté aussitôt un café.

-          Je suis là pour le rendez-vous.

Je haussai les épaules ; je n’avais aucun rendez-vous.

-          Si, vous en avez un. Vous venez chez moi mardi prochain. Je préférais vous prévenir, boule de cristal, carte et thème, pendules resteront muets.

Je n’arrivai pas à détacher mon regard de sa ridicule cravate.

-          Ça ? – fit-il en agitant le bout de tissu - ça vous dérange. Il faut bien que je fasse un peu couleur locale, non ?

Et il se mit à rire. Il étala devant moi des tarots en un parfait arc de cercle. Je choisis une carte. Je la retournai, elle était vierge. L’homme me sourit, il ramassa le paquet et me laissa la carte que j’avais prise après avoir inscrit quelques mots dessus. Il se leva et disparut.

Je sortis après avoir payé les deux consommations. Au bout d’un moment, je pris la carte dans ma poche et lus « Ne cherche pas. Tu as déjà trouvé. » Je stoppai net. Je me tenais devant les bacs d’un bouquiniste qui soldait son arrière-boutique. Et des CD. J’en achetai un.

Ce soir-là, il faisait chaud. Je mis en marche ma chaîne et écoutai le disque inconnu. Dès que cette musique liquide envahit la pièce, je plongeai en eaux froides et reposantes. Dès lors, je sus, signe astrologique, réponses à mes questions usées et aussi à celles que je n’avais jamais formulées. Tout redevenait simple.

Simple oui. Sauf que je n’ai pas conscience d’un possible passé apaisé. Sauf que je ne parle pas de cela à quiconque, signe, ascendant, influence planétaire. Rien. Puisque l’on sait sans savoir. Pourquoi une question, pourquoi une réponse.

Catherine me montre une carte.

-          J’ai rendez-vous chez ce gars la semaine prochaine. Tu ne veux pas m’accompagner. Il a l’air un peu ridicule avec sa cravate, mais je ne sais pas, je le sens bien. Pas toi ?

Je souris en entendant une voix murmurer en souriant « Ne cherche pas. Tu as déjà trouvé. »  

Commentaires
P
Excellent cette incertitude sur le signe astral... une histoire racontée avec beaucoup de fantaisie et j'aime cette image de " musique liquide qui envahit la pièce".
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D
Avec cinq sens toujours à l'affût...
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B
tiens un vase communicant ? ou un échange qui tombe en même temps ? <br /> <br /> tant pis pour la discrétion vous ajouterait dans la petite récap
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P
Et oui, l'important c'est de trouver, pas de chercher... et plutôt au fond d'un aquarium qu'auprès de charlatans professionnels ;) un texte enlevé ! ne reste plus qu'à enlever aussi la cravate :)
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G
Ton texte est malicieux et l'on saute de scène en scène le sourire aux lèvres. Le récit se coule parfaitement dans cet aquarium de St Saens et les éléments liquides qui abondent, nous font pénétrer dans un univers énigmatique où la « cravate bleue très laide » semble occuper le devant de la scène, comme un pied de nez. Grande sagesse que celle de Catherine, mais combien ça lui a coûté tout ça ? <br /> <br /> Ta chute m'a beaucoup plu. Combien de Catherine et de Louise garderont en tête cette carte à la devise simple mais efficace ?
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