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Presquevoix...
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30 novembre 2013

La poussette

Nous parcourions le rayon « homme » du printemps, quand soudain mon mari s’est immobilisé devant un enfant tétant tranquillement sa sucette dans sa poussette, étranger à l’agitation du monde.

- Ah le bienheureux  - s’est-il extasié - parfois je me dis que j’aimerais bien être dans une poussette moi aussi !

Mais immédiatement il s’est repris, l’air inquiet, comme s’il avait oublié un détail important.

- Ah non, que je suis con, parce que celle qui me pousserait, ça serait ma mère !

Et il a traversé le magasin d’un pas rapide, comme si sa mère  le poursuivait pour le mettre dans la poussette.

 

 

28 novembre 2013

Revirement

J’ai deux vies. Tout allait bien jusqu’à ce que  mon mari  téléphone à mon amant pour lui mettre cet étrange marché en main : “ Soit vous  habitez chez nous, soit je vous tue.”  Mon amant a eu l’air effrayé. Moi, j’étais sidérée : comment mon mari, d’habitude si résigné, avait-il pu lui téléphoner pour imposer cette alternative à mon amant ? Décidément, on ne connaît jamais les gens avec qui l’on vit.

- Institutionnaliser mon amant, ça jamais ! Me suis-je emportée.

Alors, je lui ai mis ce marché en main.

- Si mon amant habite chez nous, j’en prends un autre !

Maintenant, mon mari hésite. Il faut dire que nous ne sommes pas grandement logés…

26 novembre 2013

Le virage

LouQuand elle lui demanda de freiner, il était trop tard. Il savait pourtant que la route était glissante. Elle se souvint, l’espace d’une seconde,  que la veille elle avait fait un drôle de rêve : son mari, réduit à une taille infinitésimale, s’agitait dans une bouteille remplie d’eau ; il essayait de sortir du récipient par le goulot, en vain. Elle, elle le regardait se débattre un sourire aux lèvres, sans lever le petit doigt.

Ne la punissait-il pas de son rêve en les envoyant dans un décor qu’elle n’avait pas choisi ?

 

PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Lou

 

 

 

24 novembre 2013

Décapitation

En passant devant l'église de la Rédemption, il s'était dit qu'il allait se la faire et  il se l’était faite le lendemain soir, muni de sa lampe de poche et de son marteau. Il avait marché d'un pas décidé dans l'allée latérale droite, il s'était arrêté devant la vierge polychrome,  avait cassé d’un coup violent sa tête doucement inclinée, puis il était repartit d’un pas léger vers le centre-ville.

- Ça lui apprendra ! avait-il marmonné tout le long du chemin.

22 novembre 2013

La décision

La veille, il lui avait dit que son sperme était précieux et que dorénavant, seules de nobles causes le feraient jaillir. Elle pensa qu’il délirait, mais non, il avait l’air sérieux.

- Et quelles nobles causes ? s’enquit-elle.

- La banque du sperme !

Plus jamais ils ne refirent l’amour.

20 novembre 2013

Le chien

Il avait grandi trop vite et ce n'était plus cette  boule de poils qui les avaient séduits. En cinq mois, l'animal avait fini par avoir tous les défauts du monde.

Au début, lui et sa femme avaient  bien essayé " Couché ! Assis ! Debout ! La patte ! Pas sauter ! " ; et puis ils en avaient eu marre, le chien était trop bête. Sa femme avait même dit.

- Il m'emmerde ce chien. Si c'est comme ça, il vaudrait mieux… et elle avait laissé sa phrase en suspens.

Maintenant, dès que la bête arrivait dans la pièce, les enfants hurlaient, c'était devenu intenable. La seule façon d'avoir la paix, c'était de lui interdire la maison.

Et puis un jour, le père prit sa décision, il emmena l'animal. Les enfants entendirent les aboiements de la bête, puis plus rien, le père avait dû le mettre dans le coffre. La voiture démarra et chacun retourna à ses occupations.

Quand le père revint deux heures plus tard, seul, personne ne lui posa de questions, et la vie reprit son cours comme si de rien n’était.

18 novembre 2013

Le geignard

Je le croise tous les jours - ou presque. Il  suffit que je lui serre la main pour qu’il s’épanche et me fasse part de l’état catastrophique du monde. A croire qu’une simple pression des doigts met sa machine à plaintes en route : la gauche – incapable ; la droite – à côté de la plaque ;  les chômeurs - feignants ; le respect – inexistant ; les transports – catastrophiques ; ses voisins - épouvantables ; sa famille – ingrate ; son médecin – incompétent ; sa femme – une emmerdeuse ; ses collègues de travail – des laxatifs ; son chef de bureau – un  médiocre !

Je me demande si, tout au fond de lui, il n’éprouverait pas une secrète jubilation à constater que tout va mal. Oui, tout va très mal, et tout ira de plus en plus mal, voilà d’où il tire sa force !

16 novembre 2013

Testament

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Dans son testament, elle avait demandé à être incinérée, exprès ; son mari détestait les crémations. Elle avait aussi exigé qu’il immerge lui-même ses cendres en pleine mer, exprès ; il avait le mal de mer.

S’il avait su, il ne l’aurait pas tuée.

PS : photo prise par C.V. à Dieppe. Je vous conseille d'agrandir la photo pour voir ce qui est inscrit sur le bateau.

14 novembre 2013

Avoir raison

Elle ne voulait jamais avoir tort, c’était plus fort qu’elle. Le monde pouvait s’écrouler, la terre s’arrêter de tourner mais il était hors de question qu’elle ait tort un jour. Aussi, quand il lui démontra par A + B – forcément il était professeur de mathématiques – qu’elle avait tort, elle eut l’élégance de lui faire la réponse suivante : « D’accord, t’as raison mais j’ai pas tort ! »

 

12 novembre 2013

Duo

Pour notre  échange de textes Caro, qui dirige la collection " automne "  de notre nouveau duo, a certainement pensé qu'un peu de glamour ne pourrait pas nous faire de mal.

Notre texte devait revêtir une robe Fortuny et porter un parfum de notre choix dont nous devions inscrire le nom dans le texte.

Le texte de Caro est sur presquevoix. Quant au mien, il est sur son blog, lesheuresdecoton.

Pour en savoir plus sur Mariano Fortuny y Madrazo, c’est ici !

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duo

 La déesse de la fortune

 

C’est par hasard qu’elle avait déjeuné avec lui dans un restaurant chinois. Ou coréen. C’est par hasard que Franca avait ouvert le biscuit de fortune et avait lu le mince papier gris. « Un imprévu aujourd’hui. » Elle avait roulé en boule ce présage tiré à quelques milliers d’exemplaires et l’avait laissé avec le pourboire. Un grain de sable aujourd’hui ? Pourquoi pas, la plage était à mille lieues de Paris.

Alors, quand elle avait vu une robe Delphos dans la devanture d’une boutique de la rue Molière, elle n’avait pas hésité. Un carillon cristallin salua son entrée. La pièce exiguë était vide. Au bout d’une dizaine de minutes, Franca se décida à explorer les étagères, effleurant un éventail en ivoire, contemplant son reflet dans un miroir de Venise. Elle s’apprêtait à quitter les lieux quand une vieille surgit de nulle part.

La femme s’approcha en trottinant et lui demanda ce qu’elle désirait. Il ne lui fallut pas plus de cinq minutes pour qu’elle aille décrocher l’objet convoité de la vitrine et dénicher dans un coin un caftan d’un somptueux bleu nuit.

Dans la cabine d’essayage qui tenait plus du boudoir qu’autre chose, Franca hésita longuement. Elle finit par se déshabiller entièrement. Depuis toujours, elle avait rêvé de la cité des Doges, ses bals et ses palais dorés. De beauté. Comme cette robe que, nue, elle hésitait à revêtir. Un léger mouvement dans la boutique la fit se décider. Le contact du tissu glissant sur sa peau la fit fermer les yeux.

Soudain, une main jeune écarta la tenture. Franca reconnut dans ce tourbillon de senteurs inattendu, le citron et le musc, un soupçon de vanille. Et encore le poivre, l’ambre et d’autres fragrances impossibles à reconnaître.

Un jeune homme se tenait debout devant elle. Il lui tendit un bijou étrange, tout en volutes et en grenats. Sa peau blonde luisait, claire comme un matin en hiver. Franca le toucha, par mégarde ou par envie ; elle ne le savait même pas. « Tom of Finland », lui dit-il et ce furent ses seules paroles. Franca ne sut jamais s’il parlait du parfum ou de lui-même. Pas même quand elle sentit ce corps dur et impatient répondre à son désir, ce jour-là et d’autres. Jusqu’à ce qu’un nouveau biscuit de la fortune lui parle d’un voyage et d’un désert. Entre les lignes, Franca sut lire le désir, une peau cuivrée peut-être.

 

 

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