La boîte
Quand il allait dans le cabanon au fond du jardin, c’était toujours avec le masque de plongée et le tuba, il faut dire qu’il y avait les odeurs … Aller « aux cabinets », comme sa grand-mère disait, c’était toute une expédition, surtout pour lui qui venait de la ville.
Ce matin-là, dans la cuisine, il avait astiqué le masque de plongée avec le produit à vitre afin de mieux voir les ailes des petites mouches bleues qui voletaient près des « cabinets ». Une fois le masque et le tuba installés, il était parti en courant. Juste avant d’arriver au cabanon, il avait remarqué un monticule de terre qui n’était pas là la veille. L’explorateur s’était baissé, avait fouillé le sol de ses doigts impatients et il avait découvert la boîte de bonbons : une petite boîte en fer avec des violettes dessus. Il l’avait ouverte et son visage était devenu d’une pâleur mortelle. Il lui avait fallu s’asseoir pour reprendre ses esprits. Autour de lui, le paysage semblait s’être figé. Le soleil avait disparu et les nuages couvraient le ciel d’un voile menaçant. La boîte, elle, était toujours sur l’herbe, ouverte, et il y avait encore dedans ce doigt, tout petit et si blanc.
Lentement il s’était levé, les yeux mi-clos, il avait fermé la boîte, l’avait glissée dans sa poche et avait placé son mouchoir dessus. Toute la journée, il avait eu l’étrange sensation que le petit doigt bougeait et cherchait dans l’intimité de sa poche des indices sur le petit garçon qu’il était ; sans doute voulait-il savoir s’il pouvait se confier à lui ?
Il partagea son intimité pendant une semaine. Parfois l’enfant sortait la boite du tiroir de la table de nuit – il avait décidé que ce serait sa « maison » - et la déposait sur son lit, mais jamais il ne l’ouvrait.
Puis un jour, des policiers arrivèrent. Ils étaient deux. L’un avait une moustache, l’autre non. On interrogea sa grand-mère, on l’interrogea. Un corps d’enfant avait été trouvé non loin de chez eux, près de la rivière et le petit doigt de sa main droite avait disparu. On leur montra une photo de la petite fille. Elle devait avoir le même âge que lui, 10 ans peut-être, et elle s’appelait Marine. Rien de ce que dirent les policiers n’étonna l’enfant, son petit doigt lui avait déjà tout raconté. Devait-il pour autant leur confier qu’il lui avait aussi révélé qui était l’assassin ?