Le découpage
Hier, quand elle est sortie de cours elle n’en pouvait plus : les mêmes élèves avaient été odieux, une fois de plus. Elle se demandait ce qu’elle leur avait fait et pourquoi elle ? Sans doute ne le saurait-elle jamais. Quant à ses collègues, ils avaient tous le même discours : avec eux tout marchait toujours bien, l’élève X ou Y ne posait jamais de problèmes. Il n’y avait qu’avec elle !
Quand elle est arrivée devant sa voiture, elle a eu la surprise de voir que le carton qu’elle avait posé sur son parebrise – il faisait un froid glacial – avait été découpé et formait un bien étrange motif. Oui, il s'agissait bien d'un pénis géant.
D’un geste rageur elle a enlevé le carton et s’est dirigée à grands pas vers le lycée. Cette fois-ci, ça ne se passerait pas comme ça, elle irait voir le proviseur et lui parlerait de ces élèves qui lui pourrissaient son cours. Elle était sûre que c’était eux, aucun doute possible.
Quand elle a brandi à bout de bras le carton dans le bureau du proviseur, celui-ci lui a dit d’un ton calme.
- Madame Durand, bonjour, que puis-je pour vous ?
- Vous ne voyez pas ? a-t-elle crié d’une voix suraiguë.
- Je vois que vous êtes en colère, lui a-t-il répondu.
- Et vous ne comprenez pas pourquoi ? a-t-elle fait en désignant le découpage.
Il considéra le carton d’un air calme et répondit.
- C’est à cause de ce dessin ? Eh bien, ma foi, on dirait qu’ils ont la fibre créative.
Elle le regarda accablée et finit par dire.
- Quand ils mettront un carton avec écrit « Enculé ! » sur le parebrise de votre voiture, je ne leur donnerai pas tort !
Et elle tourna les talons.