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Presquevoix...
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7 juillet 2012

La plainte

C’était la dixième fois de l’année qu’il venait au commissariat de police pour porter plainte.

- Porter plainte contre qui ? lui dit le policier bien qu’il sût d’avance de quoi il retournait.

- Pour enlèvement. J’ai été enlevé par des martiens.

Le policier remplit patiemment la déclaration de plainte.

-  Et ils vous ont relâché, comme d’habitude ?

-  Non, ils m’ont pas relâché, insista l’homme, je me suis enfui.

-  C’est vrai, j’oubliais. Et pourquoi ils vous ont enlevé ?

-  Ça, vous leur demanderez quand vous les arrêterez.

Aussitôt l'homme parti, le policier souffla bruyamment. Pourquoi ce type en costard, apparemment bien sous tous rapports, pensait-il que des martiens voulaient l’enlever ?

A 18 h, il dit au revoir à ses collègues. Comme souvent, il rentra chez lui à pieds. Seulement, jamais on ne le revit. Le lendemain, l’homme en costume venait à nouveau porter plainte au commissariat : il avait vu des martiens enlever le policier auprès de qui il avait déposé plainte la veille...

 

PS : prochain billet : lundi 9 juillet, à 7 heures.

6 juillet 2012

Blablabla…

A chaque fois qu’il lui expliquait quelque chose sur un ton « professoral », elle lui répondait  « blablabla ». Lui s’énervait, immanquablement, et elle continuait son « blablabla ». Il montait d’un ton, forcément. Alors elle pleurait et la boucle était bouclée. Ce jeu-là – épuisant - était classé en troisième position sur la grande liste de leurs jeux de couple…

PS : un clin d’œil au  « blablabla » d’hier, de Patrick Cassagnes 

5 juillet 2012

Le chemin de croix

Pour avoir confondu deniers du culte et deniers du cul, l’amour du prochain et l’amour de la chair, l’eucharistie et la cocaïne, le voici, sans chasuble  ni livre de messe, devant des juges qui ne sont ni apôtres, ni enfants de chœur.
Il se souvient du  temps lointain où, pénétré, il  brandissait le calice devant le tabernacle. Il dit aux juges qu’il regrette d’avoir  troqué le seigneur pour  un berger cocaïnomane, mais il est trop tard. Ite missa est.

PS : texte écrit à partir de cet article lu dans le figaro.

4 juillet 2012

Duo

Nouveau duo avec caro-carito, du blog les heures de coton. Le texte que vous allez lire est de caro-carito, quant à mon texte, il  est sur son blog. Cette fois-ci, Caro a suggéré de nous laisser porter par ce clip vidéo, cette citation d’Anne Hébert, tirée des fous de Bassan - « Dans toute cette histoire il faudrait tenir compte du vent, de la présence du vent, de sa voix lancinante dans nos oreilles, de son haleine salée sur nos lèvres. » - et cette liste de terrains de camping

 

Camping

Vacances, huit heures de route dans la 4L blanche. Je ne regardais pas le bord des champs, attentive à la première mouette. Avec elle, la mer et les vacances.

Je ne vais plus dans les campings. Rien à voir avec nos éternelles transhumances de la deuxième quinzaine d’août, mon psy en a finalement convenu. Je ne loue pas non plus du samedi au samedi, départ dix heures, ni ne fréquente les clubs Med ou les Centerparks. Tu sais que ce n’est pas une question d’argent, puisque je regarde juste mes comptes au cas où un quelconque escroc ne profiterait de mon inconséquence. Je préfère l’hôtel, les draps impeccables le soir après une ballade sur une jetée, le mini-frigo et ses mignonnettes, puissant remède à la solitude profonde. Surtout l’odeur des savonnettes qui ne rappelle aucune peau. Ou alors un sombre et bel inconnu de passage que le petit matin efface.

De nos vacances à Saubion, tu ramenais des films où l’on voyait papa, Hugo et le sable gris, un morceau de ciel, parfois cette ado plate qui les observait ; sans la bande-son, cela ressemblait presque à un trop-plein de bonheur, avec la petite touche d’ennui que les années estompent.

10 août. Si je laisse douze ans de villégiature familiale reprendre ses habitudes, je tourne au rond-point à droite, deux kilomètres et j’y suis. Le camping de la pomme de pin - pancarte flambant neuve annonçant la fin des toilettes miteuses et d’une pelouse inégale. Va pour les jacuzzis, la piscine chauffée et les gentils animateurs. Une bande sonore colorée qui embaume l’huile solaire, l’été convivial, le rosé.

Je préfère le silence d’un couloir moquetté, parfois un martini pomme dans le piano-bar d’un cinq étoiles. Un numéro, une clef. J’y suis même allée avec Paul et les jumelles qui savaient manger avec couteau fourchette et sans laisser la moindre miette sur les nappes impeccables. Je pars aussi seule.

Car vois-tu maman, pas de cris, pas de bande-son hurlante où papa et toi vous vomissiez dessus votre rancœur. Et tout ça jusqu’à ce que Hugo ne disparaisse et meure, seul, dans le squat de la rue des Carmes à Marseille. Pour moi qui restais, ce fut l’enfer et pour vous aussi avec après… la désertion. Oui, toi et papa. Mais surtout toi, ma mère, parce qu’après tout, à part au camping de la pomme de pin, papa n’était qu’une apparition temporaire. Violente certes, mais Hugo comme moi pouvions encore faire avec.

Je m’en suis sortie, à coup de gorgées d’alcool, de descentes et de bouffées d’espoir. En errant de chambre en chambre d’hôtel en lisière de mer, attentive à la présence des mouettes et au murmure du vent. Le goût sans fin du sel qui gomme encore tous vos cris, tous vos coups à l’âme.

Et quand, devant mes yeux fatigués, repasse le film des vacances sur une plage déserte ou parce qu’un camping est là, à deux pas, j’entends la beuglante de cette chanteuse. Je me dis que ce n’était qu’un mauvais vidéoclip, mauvais acteurs, mauvais scénario et tournage. Allez petite tire ton épingle de ce sale jeu. Concentre-toi, efface le son, joue du mieux que tu peux. Oui, joue puisque ne restera, après les coupes, que le souffle salé du vent et une histoire.

 

 



3 juillet 2012

Les rêves

C’était la 698ième fois qu’elle rêvait qu’elle ratait son baccalauréat et la 354ième qu’elle suivait son propre enterrement. Sa vie nocturne était un parcours du combattant…

2 juillet 2012

Le pantalon

C’étaient les soldes et il regardait les pantalons dans cette boutique, plutôt calme, en début de matinée. La vendeuse s’est approchée, souriante.
- Je peux vous aider ?
Il a répondu aimable, malgré sa haine atavique des vendeuses.
- Je cherche un pantalon, plutôt léger.
- Et vous faites quelle taille ?
Troublé par la question, il a fini par répondre.
- Oh, je ne sais pas, ça change tout le temps !
Elle l’a examiné attentivement et a conclu, péremptoire.
- Un petit 56, je pense !
Comment pouvait-elle oser ? Lui qui faisait du 50 six mois plus tôt !

1 juillet 2012

Le chien

banc2C’était là, dans les herbes folles, qu’il avait trouvé le chien mort  il y a 20 ans, et il ne l’avait jamais oublié. Des mouches, comme autant de soldats prêts à l’attaque, voletaient au-dessus de la plaie béante qui avait vidé l’animal de son sang. Alors qu’il contemplait la scène,  stupéfié, une main puissante l’avait saisi, lui avait passé une laisse autour du cou, et l’avait attaché au banc. Un homme dont il avait oublié le visage lui avait ligoté les poignets à l’aide d’une corde rêche. Avant de  partir, il lui avait dit.
-  Maintenant, t’as plus qu’à aboyer, comme ce connard que je viens de tuer ! Peut-être qu’on viendra te chercher. Vas-y,  aboie !  avait-il ricané.


Et il avait aboyé jusqu’à ce que l’homme disparaisse à l’horizon. Aujourd’hui encore  il aboyait ; mais personne ne l’entendait...

PS : texte écrit à partir de cette photo, gentiment prêtée par Patrick Cassagne.

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