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Presquevoix...
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30 juin 2012

Les autres

Quand elle avait rencontré son collègue de philo dans la rue, elle lui avait demandé s’il allait mieux ; il faut dire qu’ il était en congé maladie depuis trois mois. Il l’avait regardée étrangement puis  avait dit, en laissant sa phrase en suspens.
-  Moi, je vais beaucoup mieux, mais les autres…
Et il avait conclu.
-  Les autres sont fous.
Elle s’était demandée s’il parlait d’elle, mais non, pourquoi aurait-il parlé d’elle ?

29 juin 2012

La tunique

Hier, je me suis acheté une tunique dans une boutique «  femme forte », juste pour avoir l’air mince. La première taille, c’était le 42 -  pile poil la mienne -  la dernière le 60.
Quand j’en ai parlé à mon mari et que je lui ai dit que psychologiquement, cela m’avait fait un bien fou, il a conclu.
- Méfie-toi, quand on commence comme ça, on sait jamais où ça va s’arrêter.
Pourquoi devrais-je me méfier ? Décidément, je ne comprendrai jamais mon mari…

28 juin 2012

L’heure

C’était la troisième fois qu’il regardait sa montre  et il était toujours 8 h20. En demandant l’heure à un passant, il a prié pour que l’heure ait changé mais non,  l’homme lui a répondu qu’il était 8 h 20. Troublé, il s’est assis sur un banc et il a regardé passer - pendant ce qui  lui a semblé une éternité - les voitures sur le boulevard St Germain.
Au moment où le soleil se couchait à l’horizon, il a fait une dernière tentative auprès d’une femme qui promenait son chien. Elle s’est arrêtée, a consulté sa montre et lui a dit aimablement.
-    Il est exactement  8 h 20.
Il l’a remerciée, s’est rassis et il s’est mis à pleurer. Dorénavant il serait toujours 8 h 20. Personne à part lui ne semblait en être affecté…

27 juin 2012

Les emballages

Elle emballait tout dans des sacs en plastiques : les  produits d’entretien, les journaux, les produits de bain, les chaussures, les chaussettes... même sa carte vitale et sa carte d’identité étaient emballées. Elle ne supportait pas qu’un seul objet puisse vivre sa vie sans emballage. Et si elle avait pu s’emballer elle-même, elle l’aurait fait avec plaisir, c’aurait été une bonne chose de réglée.

25 juin 2012

Le slip

Isabelle lui avait dit qu’elle s’était tout de suite aperçue du jour où son mari l’avait trompée.
- Ah bon, mais comment ? avait répondu Sylvie qui se demandait justement si son mari était aussi fidèle qu’il lui jurait l’être.
- C’est tout simple, du jour au lendemain, Bertrand a changé de slips. Il est passé du slip classique taille haute, genre « hissez la grand-voile » au slip de couleur, taille basse, qui le comprimait de partout…
Une fois chez elle, Sylvie fouilla de fond en comble le tiroir où son mari rangeait ses slips. A première vue, rien d'anormal, mais en cherchant bien, elle trouva un slip vert qui ne ressemblait en rien à ce qu’il portait d’habitude…

PS : prochain texte, le mercredi 27 juin à 7 heures sonnantes !

24 juin 2012

L’aspirateur

On avait sonné chez elle. C’était un représentant. Sa première impulsion avait été de l’expédier, mais elle le fit entrer. Il lui présenta son nouvel aspirateur-masseur. Un concept étonnant. Croyant sentir une proie facile, le vendeur lui fit goûter les joies du tuyau masseur.
- Un bel objet assurément, lui fit-elle après avoir expérimenté un mini-massage, mais non, pour l’instant j’ai d’autres achats prioritaires.
Le représentant insista tant qu’elle finit par s’énerver.
- Ecoutez, je suis chez moi et j’ai quand même le droit de ne pas vouloir acheter votre aspirateur.
Le type ne l’entendit pas de cette oreille.
- Mais vous aviez l’air d’apprécier les massages.
- Certes, mais cela suffit-il pour acheter un aspirateur ? De toute façon, je n’ai personne pour me passer le tuyau dans le dos, je vis seule.
Le représentant fit une dernière tentative.
- Et alors ?
- Comment ça : « Et alors ? ».
- N’importe qui peut venir vous passer le tuyau dans le dos.
Agacée par son insistance elle finit par hurler que « n’importe qui » ce n’était pas possible, n’importe qui ne pouvait pas entrer chez elle, et que son tuyau, il pouvait se le mettre où elle pensait…

23 juin 2012

Le SDF

Il était sur la place du Capitole, le premier mai, et il attendait les « généreux donateurs ». Il avisa un type à moustache et se dit que celui-là, peut-être… la moustache lui inspirait confiance. Il lui chanta sa ritournelle – cinquante centimes, c’est pas cher et je pourrai manger -  et le moustachu se laissa séduire.
-    Deux euros, tenez, dit-il, en ajoutant tout sourire :  vous rendez la monnaie ?
-    Non, répondit le SDF rigolard, mais tenez, pour le prix, je vous fais la bise.
Ce qui fut fait illico.

22 juin 2012

Le cannibale

Depuis qu’il avait dépecé un homme,  on l’appelait « le cannibale ». Pourtant, lui ne se souvenait de rien. Sa mémoire était  immaculée, comme les draps blancs que sa mère étendait au soleil après les avoir fait bouillir dans la lessiveuse qu’elle installait dans  la petite cour carrée. 
Maintenant, il tournait en rond dans sa cellule de quatre mètres sur quatre et son enfance, longtemps oubliée, commençait à se glisser au travers des barreaux de sa mémoire : la cour carrée, ses odeurs, les vociférations de son père, les coups, les cris de sa mère, et parfois des rivières de sang qu’aucun drap ne pouvait jamais absorber…



21 juin 2012

Les doigts de la main

Cela faisait une semaine qu’ il comptait et recomptait sur les doigts de sa main… eh oui, aucun doute possible,  il n’avait que trois amis, et encore, s’il se comptait lui-même !

20 juin 2012

Le croque-mort

A chaque enterrement, il transpirait à grosses gouttes, non à cause du poids des cercueils mais à cause de l’angoisse qui le tenaillait. Tous ces corps qui défilaient lui donnaient le bourdon. Il essayait bien de penser à autre chose mais impossible. En désespoir de cause, il avait fini par prendre une fiole de calva, glissée discrètement à l’intérieur de sa veste, pour se remonter le moral. Le calva faisait des miracles en Normandie, et pas seulement.


Le dernier enterrement lui avait été fatal. Il avait trébuché sur une dalle à l’entrée du cimetière et il s’était lamentablement étalé  ; ses collègues avaient dû lâcher prise et le cercueil avait basculé.


Dès le lendemain, le patron lui avait donné son congé : « Faute professionnelle », avait-il dit d’une voix implacable en ajoutant.


- Avez-vous pensé à la douleur de la famille ?


Il avait répondu sans réfléchir.


- Et la mienne, vous y avez pensé ?


Le patron avait rétorqué qu’il se fichait de ses états d’âme et  avait claqué la porte derrière lui.  Avant de rentrer chez lui et d’annoncer à sa femme son renvoi, il avait offert une tournée au café des sports, son quartier général.


- A la santé des pompes funèbres ! avait-il gueulé à la cantonade, déjà passablement éméché.


Il ne croyait pas si bien dire. En sortant du café, il fut renversé par un corbillard et  mis en bière la semaine suivante.

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