Lettre anonyme
Mon amour,
Oui, c’est à toi que cette lettre est destinée.
Personne ne te connait mieux que moi. Je suis le vent qui agite les voiles de lin aux fenêtres de ta chambre. Combien de fois mes yeux ont parcouru ton corps. Tu ne me crois pas ? Pourtant je n’ai pas inventé ce grain de beauté blotti au creux de ton nombril, ni cette cicatrice scintillante que ma bouche parfois dessine dans la douceur de la nuit.
Je sens que tu as peur. Peut-être même as-tu déjà fermé ta porte à double tour et tiré les rideaux. Mais rassure-toi, jamais je ne te ferai de mal. Je me contenterai de te regarder en silence, comme je le fais depuis si longtemps.
Maintenant, chaque nuit, dans la transparence de tes draps bleus, tu penseras à moi, à ces mots qui ont souvent caressé ton corps avant que je ne les couche sur ce papier glissé sous ta porte. Sans doute suis-je un fantôme qui glisse sur les êtres et les choses sans que ma trace ne s’inscrive nulle part. On dit souvent que les fantômes savent de l’amour des choses que les hommes ignorent. Il paraît même que sous le souffle de leur désir les forêts virginales ruissellent de jouissance. Je crois que je suis de ceux-là...
Surtout, ne cherche pas à savoir qui je suis ou le charme se romprait. J'attendrai dans le silence de l’ombre...
Le fantôme anonyme
PS : texte écrit dans le cadre des impromptus littéraires