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30 novembre 2011

Les cadeaux

Elle achetait toujours les cadeaux de Noël, même les siens. Elle les choisissait avec beaucoup de goût et chaque année, son mari était surpris de ce qu’il lui offrait. Elle pensa, amusée, qu’il serait encore plus surpris le 25 décembre prochain : il lui offrirait un voyage au Cap Vert, mais sans lui.

PS : merci à M. B. pour le lien. 

29 novembre 2011

Le feu

Elle a mis le feu et  depuis elle se sent mieux. Tout le monde doit être mort mais ils l’ont bien cherché.  Pourtant ce n’est pas faute de les avoir avertis :  un jour je vous tuerai ! Leur avait-elle dit plus d’une fois.

Ils ne l’ont pas crue. Les parents pensent toujours qu’ils sont les plus forts. Elle sourit d’un air satisfait, comme si elle leur avait fait une bonne blague, mais derrière elle il ne reste rien. Elle ne se doutait pas qu’elle y aurait pris autant de plaisir ; la petite allumette et hop ! Son seul regret c’est le chien. Tant pis, l’imbécile n’a pas voulu la suivre. Maintenant ses parents ne sont plus qu’un mauvais souvenir à qui les flammes ont réglé leur compte.

Elle marche dans la forêt, les branches griffent son visage mais elle s’en fiche, elle est libre, libre, libre comme l’air. D’une main, elle tient le sac qu’elle a pris soin de  cacher au fond du jardin, la veille, et de l’autre, elle vérifie de temps à autre que son cher journal est toujours dans la poche droite de sa veste. Sur la première page elle a écrit il y a longtemps : « Un jour, je les tuerai. »

C’est fait, maintenant elle va enfin pouvoir continuer le journal de sa vie.

28 novembre 2011

L’erreur

Il avait traversé le miroir au mois de mai, sans  laisser de traces. Sa mère avait retrouvé le produit à vitres au pied du mur où le miroir était accroché. Avant de s’éclipser, son fils avait laissé une petite carte scotchée sur la bordure dorée. Elle avait lu :  


                              «  Je pars. Rien ne pourra jamais effacer l’erreur. »

27 novembre 2011

Les alexandrins

Elle faisait partie d’un atelier théâtre, un défi ; non pas à cause de son âge – elle avait 50 ans tout rond – mais à cause de sa difficulté à AR-TI-CU-LER. Quand elle avait demandé au professeur si elle pouvait dire des textes en alexandrins, celui-ci n’avait pas eu le courage de répondre par un simple non. Il s’en mordit les doigts. Pendant deux mois, tous les mardis soirs, elle déclama la même scène d’Iphigénie.

A la fin du deuxième mois, le professeur se fit porter pâle. Il ne supportait plus ces alexandrins passés à la moulinette de ses mâchoires paresseuses :


Je ne m'en défends point : mes pleurs, belle Eriphile,
Ne tiendront pas longtemps contre les soins d'Achille ;
Sa gloire, son amour, mon père, mon devoir,
Lui donnent sur mon âme un trop juste pouvoir.
Mais de lui−même ici que faut−il que je pense ?
Cet amant, pour me voir brûlant d'impatience,
Que les Grecs de ces bords ne pouvaient arracher,
Qu'un père de si loin m'ordonne de chercher,
S'empresse−t−il assez pour jouir d'une vue
Qu'avec tant de transports je croyais attendue ? (…)

26 novembre 2011

Les bonnets

Elle venait d’être embauchée au rayon lingerie d’un magasin à l’enseigne encore peu connue, mais qui promettait de l’être, vu l’innovation dont il faisait preuve en matière de recrutement. Sur son CV, elle avait dû décliner, outre ses diplômes, la taille de ses bonnets. Le 95 E avait dû leur plaire car on l’avait embauchée sur le champ, malgré sa relative incompétence dans le domaine de la vente.

Lors de l’entretien, le directeur s’était contenté de jeter un coup d’œil prolongé sur sa poitrine afin de vérifier que le E  n’était pas galvaudé. Il avait ensuite déclaré.

-    Eh bien je pense que vous serez une vendeuse parfaite. Sachez que sur votre badge, vous aurez votre prénom et, juste à côté, la taille et la profondeur de vos bonnets. Les clientes – ainsi que les clients – aiment bien savoir à qui ils ont affaire.

Elle avait acquiescé. Le Directeur lui avait serré énergiquement la main en jetant un nouveau regard peu équivoque sur sa poitrine avantageuse.


PS : texte écrit en m’inspirant de cet article dans Libération

25 novembre 2011

La mochophobie

Depuis deux semaines, il souffrait de   « mochophobie », une maladie diabolique qui l’avait terrassé du jour au lendemain, sans que rien ne puisse l’expliquer.  Il a tout de suite pris des mesures radicales. La première, supprimer tous les miroirs de la maison ;  la deuxième, prendre rendez-vous avec un chirurgien plasticien. Et pourquoi pas Ivo Pitanguy, grand ami de Carla Bruni ?

24 novembre 2011

Salle des pas-perdus

Il lui avait dit :

-    Rendez-vous salle des pas perdus.

Et elle l’attendait encore, perdant ses pas sur le dallage arpenté inlassablement.

Au matin du troisième jour, un homme l’a obligée à s'arrêter.

-    Vous n’êtes pas fatiguée de l’attendre ? Lui a-t-il dit d’une voix douce.

Elle a fait signe que non.

-     Et vous comptez l’attendre encore longtemps ?

La jeune femme n'a pas répondu. L’homme a soudain changé de ton.

-    Il ne viendra plus, il faut l’accepter.

Elle l’a regardé sans comprendre. Sur son visage, la fatigue avait laissé de longues trainées bleues pâles.

-    Ça ne sert plus à rien, a-t-il continué, venez, je vous offre un café.

Et elle l’a suivi, sans trop  savoir pourquoi…

 

23 novembre 2011

Toujours plus !

Samedi, elle l’a persuadé de lui dire qu’elle avait de l’humour, et  il a cédé, comme d’habitude. Pourtant, elle n’a  aucun humour et il en sait quelque chose. Vendredi, elle l’a supplié de lui dire qu’il l’aimait et il a cédé, comme d’habitude. Pourtant il ne l’aime plus vraiment, ou plus comme avant.  Puis dimanche, le bouquet final, il devait lui dire qu’elle était aussi sensuelle que Monica Belluci.  Et là, non, il n’a pas pu, ses lèvres sont restées closes.


22 novembre 2011

La crise

Depuis que, trois semaines plus tôt, il  était devenu ministre de l'économie de ce petit pays membre des PIGS,  les voisins le battaient froid.

Dimanche dernier, après la messe,  une mini-manifestation avait été improvisée sous ses fenêtres. Il avait clairement vu et entendu une trentaine d’hommes et de femmes, brandissant le poing et scandant des slogans hostiles : « Ce n’est pas une crise, c’est une escroquerie ! Dehors, dehors, les ministres et les banquiers ! ». Quelqu'un avait même cogné à sa porte d'un geste rageur et il s'était terré sous le lit en attendant que le calme revienne.

Il fallait absolument  qu’il déménage ou on lui ferait la peau…

21 novembre 2011

L’américain

Hier matin, je suis allé m'acheter un croissant à la boulangerie : " the french touch " comme on dit chez nous. La vendeuse avait des gants, ça lui donnait un air de " serial killer ". Elle a pris le croissant avec ses gants, a rendu la monnaie avec ces mêmes gants puis, toujours gantée, elle a continué à vaquer à l'organisation des gâteaux dans la vitrine, sans se poser de questions.

Etrange pays, me suis-je dit. Que font-ils d’autre avec leurs gants ?

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