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Presquevoix...
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19 juillet 2011

Joyeux anniversaire !

Hier, place du vieux marché, je vois un type qui fait la manche, avec une bouteille de mousseux à la main. Aux gens qui le croisent, il dit l’air triste.

-    C’est mon anniversaire, à votre bon cœur Messieurs-dames.

Je passe et je lui donne un euro, pas plus, ma générosité a des limites.

-    C’est tout ce que tu me donnes pour mon anniversaire ? T’es pingre toi ! fait-il de sa voix avinée.

Je l’observe de loin. Sa quête a l’air de marcher, surtout avec les vieilles dames. J’en vois même une, bon chic bon genre,  lui donner vingt euros, attendrie, en lui souhaitant bon anniversaire. Tout juste si elle ne lui offre pas le bouquet en prime !


Aujourd’hui, place du vieux marché, même scène, même clochard, même anniversaire, même mousseux, même réplique et les gens qui donnent. Arrive la vieille dame de la veille, je la reconnais à son petit tailleur blanc et bleu et à sa poussette de marché noire. Elle arrive devant lui et quand elle l’entend débiter son discours, elle s’arrête et lui dit très en colère.

-    Ah ça par exemple, déjà hier c’était votre anniversaire. Vous mentez alors. Vous mériteriez que je vous demande de me rendre mes 20 euros.

Le SDF, la bouteille de mousseux à la main, lui répond du tac au tac.

-    Ben quoi ? J’ai pas le droit de fêter mon anniversaire tous les jours si j’en ai envie ? Qu’est-ce que ça peut te foutre ! Tiens, tu veux un coup de mousseux, je suis sûr qu’ hier je t’ai pas invitée !

Il se marre et il lui tend la bouteille de mousseux après s’être essuyé la barbe d’un revers de main.

PS : le blog sera en mode « PAUSE » jusqu’à la fin aout ; en toute chose repos est bon.

18 juillet 2011

S’habiller pour la mort

Elle avait décidé que pour son dernier voyage, elle s’habillerait léger. Elle choisit son vêtement mortuaire chez Pia Interlandi. On lui avait assuré qu’il se décomposerait au rythme de son corps et cette idée lui avait plu, à elle qui, sa vie durant, avait toujours cherché à composer…

17 juillet 2011

« Tous à poil »

La FFN avait prévu une journée « tous à poil » et il décida – sans en avertir les autorités  – de faire une  « randonue », seul, dans les rues de la ville.

Il n’y avait pas très longtemps qu’il s’était libéré de ses vêtements mais il était devenu très vite un adepte du « sans textile ». Quand il sortit de chez lui à 8 h 30 sa voisine de droite – 82 ans au compteur – était sûrement derrière ses rideaux mais elle se garda bien d’ouvrir la fenêtre comme elle le faisait les autres jours pour saluer son départ.

Il avait chaussé ses chaussures de randonnée et ne s’était muni que d’un sac à dos. Un petit vent frais caressa son corps dénudé et il se mit très vite en jambe. Il ne croisa personne rue de Tanger, ni rue des papillons, ni rue de Constantine, mais quand il arriva près de la Préfecture, il remarqua que les gens qui attendaient l’ouverture des portes tournèrent la tête, sans doute gênés ; des enfants sourirent en le montrant du doigt et l’un des deux policiers en faction derrière la grille rentra dans les locaux.

Ensuite, tout se passa très vite. Au bout de la rue Flaubert il entendit la sirène d’une voiture de police qui, une minute plus tard, freinait à sa hauteur. Un fonctionnaire en sortit et lui demanda de se couvrir. Il répondit très poliment que c’était la journée « tous à poil » et qu’il resterait donc intégralement nu. C’est à ce moment-là que la chose prit une tournure dramatique : deux policiers sortirent de la voiture, lui mirent des menottes et le jetèrent dans la voiture. C’est à l’hôpital psychiatrique, en chambre d’isolement, que se termina sa journée tous à poil.

16 juillet 2011

Liberté

Elle avait été libérée de prison le matin, une sortie « sèche », comme on dit dans le jargon de la Pénitentiaire. Personne ne l'attendait, nulle part où aller, juste s’asseoir et regarder le va et vient des automobiles sur la grande avenue. Une heure plus tard elle se leva et, son barda  à la main, elle marcha droit devant en  titubant. Rien dans sa poche ou si peu. Elle  entra dans une boulangerie, s’acheta un pain au chocolat et continua sa marche, toujours droit devant. Elle trouva un square, s’allongea sur l’herbe et  l’après-midi se passa entre veille et somnolence, comme dans sa cellule. A quatre heures de l’après-midi, elle refit le chemin inverse vers la prison. A cinq heures elle sonnait et suppliait pour qu’on la reprît.
La grille resta fermée.

15 juillet 2011

Duo

Aujourd'hui Caro-carito du blog " les heures de Coton " est l'invitée de presquevoix. Il s’agissait, cette fois, d’écrire un texte en s’inspirant de la bande annonce du film iranien "une séparation"  et de la chanson " Tu verras " de Nougaro.


Du défi proposé par gballand, j’ai choisi de prendre une photo et ces quatre mots : « Tu verras, tu verras… »

separationItaliques

« Tu verras, tu verras. » m’avait-il dit, avec son accent d’une ville que je ne connaissais pas et dont il aimait jouer. Il y avait cette porte verte, translucide, trois pièces minuscules et de la lumière sur ce lit de camp qu’il avait coincé entre son bureau et les panneaux coulissants d’une penderie. Je le connaissais à peine, comme un père que l’on voit en coup de vent depuis quinze ans et dont on aligne les photos sur la table de la cuisine des grands-parents : « Là, vous étiez à Cassis, tu avais six ans et ce petit bikini à pois lilas. » «  À Noël, tu voulais tellement un jouet minable que tu avais repéré dans un prospectus de supermarché que tu as fondu en larmes quand, après avoir arraché le papier cadeau, tu as trouvé ta Barbie. » D’ailleurs, je lui avais fait la peau à cette bimbo, elle avait fini les cheveux courts et fluo, une cicatrice lui tailladait la joue droite et elle avait suivi GI Joe dans des aventures sanguinolentes.

« Tu verras, tu verras. » J’avais vite vu. Le boulot l’avait rappelé à l’autre bout du monde, une mine à ciel ouvert dans une canopée épaisse, un gars qui s’était démis une épaule, qu’il fallait remplacer. Gare de Lyon, je le regardai derrière la glace qu’il m’avait offerte. Vanille fraise. Il l’avait commandé en croyant bien faire. Ben non papa. Je n’aime plus les glaces depuis longtemps, surtout qu’à chaque fois, je te vois fondre dans l’horizon de ma petite cuillère. Tu offrais aussi à maman une glace quand tu te barrais ?

« Tu verras, tu verras. » J’ai rien vu au bout du compte, juste une clef dans mes mains et un paquet de pognon, même si j’ai dû partager avec une petite sœur que je ne connaissais pas. Dans le bureau du notaire, ça faisait des étincelles entre belle-mère n° 2 fraîchement divorcée et la baby-sitter récemment épousée et veuve aussi sec. L’une et l’autre m’auraient volontiers ouvert leur cahier de doléances. J’ai décliné l’invitation au salon de thé/glacier du coin. « J’aime pas la glace. » J’ai pris ma bagnole et je suis allée faire un tour dans le vieil appart. Je me demande pourquoi il l’a gardé, ce n’était qu’un deux-pièces dans un quartier pourri.

J’ai poussé la porte verte, translucide. Je fais le tour. Le bureau est toujours là, les livres et le vieux poste télé qui ne doit plus marcher maintenant avec la TNT. Les portes coulissantes de la penderie sont coincées. Je déménagerai ici en août. Avec Cyril, mon mec, de toute façon, c’est mort. Et puis, je n’ai pas envie de le voir entrer ici, s’arrêter devant le vieux papier peint et me sortir son grand jeu de mec qui assure, type MacGyver. Et enfin l’entendre me dire en faisant des moulinets comme si, lui, allait changer mon monde « Tu verras, tu verras… »

PS : Mon texte se trouve sur son blog.

14 juillet 2011

Les moustiques

 

Tous les soirs, depuis le début des grandes chaleurs,  elle se faisait dévorer par les moustiques. Sa peau plutôt blanche était devenue rouge écrevisse à cause des démangeaisons. Elle n’y comprenait rien. Elle fermait pourtant les volets pendant la journée, n’allumait jamais la lumière lorsque les fenêtres étaient ouvertes le soir, alors comment cela était-il possible ?
Elle finit par comprendre en assistant,  par hasard, au manège de sa  sœur qui la croyait dans le salon : à 19 h 30, juste avant le dîner, celle-ci ouvrit la fenêtre de sa chambre, alluma la lumière et referma la porte discrètement. Elle ne dit rien et resta quelques instants cachée dans la salle de bain dont la porte était légèrement entrouverte. « La salope »,  pensa-t-elle, elle le lui paierait ! Depuis combien de jours s’amusait-elle à ce petit jeu-là, et pourquoi ?
Soudain tout s’éclaira : la piscine, le maillot de bain, le copain de sa petite sœur, qui arrivait dans deux jours, c’était ça, inutile d’aller chercher plus loin, elle ne voulait pas qu’il la regarde. C’est tout au moins ce qu’elle trouva comme explication et cela lui suffit.

PS : texte écrit à partir d’une brève très brève vue sur le site « une vie de merde ».

13 juillet 2011

L’ex

Il la filait partout, dans les rues comme dans ses rêves. Elle finit par le tuer : que faire d’autre ? Elle le regretta, non qu’elle en eût du remords, mais il ne se passa pas une nuit sans qu’il ne lui apparût.
Six mois  plus tard, elle mettait fin à ses jours.

12 juillet 2011

L’attente

P1010184Elle l’avait attendu une heure en faisant semblant de ne pas l’attendre. Elle avait lu et relu les 3 premières pages de son livre, sorti son agenda pour prendre quelques notes, écouté les conversations de ses voisins, regardé les images qui défilaient sur un vague écran de télé, et le café s’était vidé peu à peu.  Elle allait partir quand un jeune homme s’approcha d’elle et lui dit, l’air presque soucieux.
-    Il ne viendra pas. Je le sais, il fait souvent ça.
Elle le regarda interloquée et il lui expliqua.
-    C’est un copain, il a parfois des problèmes.
Il  ajouta qu’elle avait une capacité d’attente hors du commun.
-    Je suis vraiment trop conne ! continua-t-elle, si j’avais su…
-    Si vous aviez su ?
-    Rien ! Tenez, et si vous m’invitiez au cinéma ? Ils jouent « l’attente des femmes » de Bergman, rue de la Champmeslé.
Le temps d’une séance, dans la salle obscure du cinéma de quartier, il avait su lui faire oublier l’humiliation de l’attente. Depuis ce jour-là, de temps en temps, ils se revoyaient, chez elle ou chez lui, et  ils faisaient toujours l’amour sur ce vieux tube d’Eddy Mitchell


PS : texte écrit à partir de cette photo prise par C. V. à Madrid.

10 juillet 2011

Le permis de conduire

Elle avait passé ses vitesses à merveille, avait respecté tous les panneaux, avait fait une marche arrière sans problème, avait réussi son créneau - ce qui était loin d’être gagné vu son problème de latéralisation - mais 5 minutes avant la fin, il y avait eu l’insecte, une abeille dont les bourdonnements lui semblaient multipliés par un ampli de 150 watts. Elle l’avait  dit à l’inspecteur qui lui avait répondu qu’elle devait rêver parce que lui n’entendait rien. Pourtant non, elle n’avait pas rêvé. Elle  avait même fermé les yeux, l’espace d’une seconde, car elle avait cru que l’abeille se posait sur son bras.  Seconde fatale. Quand elle les avait rouverts, il y avait devant elle une voiture bleue de la gendarmerie, emboutie. L’inspecteur lui avait  demandé de mettre le frein à main. La suite, elle préférait ne pas s’en souvenir : c’était il y a 2 ans !


Elle regarde la pluie qui tombe sur le pare-brise, assise dans la voiture de l’auto-école. Elle attend que l’inspecteur arrive. Ses mains tremblent, ses jambes aussi, ses souvenirs ne la lâchent plus.  L’inspecteur ouvre la porte et s’assied à côté d’elle, il la salue, la regarde un peu plus attentivement et lui dit.


-    Mais dites-moi, l’abeille, il y a 2 ans, ce ne serait pas vous ?


Elle hoche la tête, le visage défait. L’inspecteur reprend, manifestement de bonne humeur.


-    En tout cas, aujourd’hui, avec le temps pourri  qu’il fait, vous n’avez pas à vous en faire pour les abeilles, elles ont toutes péri, noyées ! Vous êtes prête ? Alors on y va, contact…

PS : prochain texte, le mardi 12 juillet.

9 juillet 2011

Le manuscrit

Elle avait volé le livre II du Codex Calixtinus dans la salle de la Cathédrale de St Jacques de Compostelle. Déguisée en nonne, elle avait pu tromper la vigilance des gardiens, sans laisser aucune trace d’effraction.  C’est Calixte lui-même qui  lui avait fixé cette mission, un mois plus tôt. Il lui avait chuchoté à l’oreille : «  Anne, ma sœur Anne, ce livre des miracles a été écrit pour toi, lis-le et inspire-t-en ! »
Avec ses gants blancs transparents, elle avait saisi ce joyau du patrimoine, l’avait prestement glissé sous son vêtement de prière, puis elle s’était glissée dans l’ombre des piliers avant d’atteindre le grand portail.
Maintenant, les miracles pouvaient commencer : quel serait le premier ?


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