L’oiseau
En regardant l’oiseau perché sur l’antenne il avait l’impression de se voir, lui. N’était-il pas lui aussi perché au-dessus de la foule sans jamais se sentir le droit – ou l’envie - d’en faire partie ?
Mais pourquoi cet abruti d’oiseau ne bougeait-il pas ? Il n’allait pas rester toute sa vie perché sur l’antenne, non ? Il essaya de le faire partir, en vain. Il hurla des insanités du trottoir, l’oiseau restait impassible. Il envoya une pierre, deux pierres, mais l’oiseau était trop haut et il aurait pu blesser quelqu’un. Il n’en pouvait plus. La présence de l’oiseau lui était devenue intolérable. Il aurait pu partir et l’oublier, mais il n’en avait pas même l’idée.
Pris d’une inspiration soudaine, il rentra chez lui, revint avec son fusil et visa le volatile qui tomba au premier coup. Une bonne chose de faite, se dit-il. Satisfait, il contempla l’oiseau mort à ses pieds, mais quand il voulut partir, il ressentit une violente douleur au cœur qui l’obligea à s’asseoir sur le trottoir. Des gens passèrent, la journée déroula son flot ininterrompu de voitures et de piétons mais personne ne semblait le voir. La vie continuait, sans lui.
PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par Patrick Cassagnes.