Le libraire
Une fois par semaine elle allait à la librairie Lello, non pour les livres – elle ne lisait que peu - mais pour le libraire. Il n’avait pourtant rien de remarquable, mais son insignifiance même et ses lunettes rondes cerclées d’or la transportaient dans un univers onirique. La nuit, il lui apparaissait chevauchant sa monture de papier dont il descendait pour lui raconter les romans qu’elle n’avait jamais lus et, à la fin de chaque histoire, son corps transparent s’unissait au sien dans un froissement de pages. Sa vie s’écrivait au fil de ses rêves et quand elle descendait l’escalier rouge de ses nuits, dans les bras de son chevalier de papier, elle avait toujours une robe étoilée où se reflétaient les eaux du Douro. Le libraire ne l’avait pas encore remarquée et elle ne s’en offusquait pas. Elle avait tout son temps. Un jour elle lui parlerait, un jour peut-être. Pour l’instant elle préférait tourner les pages de ses rêves…
PS : photo de l’intérieur de la librairie Lello de Porto, prise par C.V. en juillet 2008