Sur le blog je-double, un texte de gballand illustré par un photomontage de Patrick Cassagnes :
« Encore un jour passé à me chercher des excuses. Y-a-t-il eu un jour, un seul, où je n’en ai pas cherché ? Je crois qu’il y a 40 ans, si j’avais pu me trouver une excuse, je ne serais jamais sorti du ventre de ma mère. » ( la suite…)
Elle sort du bus, ouvre son
parapluie et courbée sous la frêle protection continue son chemin. Sur le pont,
le trafic est dense, la pluie forte, des rigoles transforment les côtés de la
route en ruisseau et les voitures soulèvent des gerbes d’eau qui retombent sur
le trottoir. Joséphine rase la balustrade du pont, cherchant à se protéger d’un
arrosage qu’elle ne veut pas. Arrivée à l’extrémité du pont, elle respire et
c’est alors qu’une voiture noire arrive à toute allure et l’asperge. Pantalon
et bas de veste mouillés, elle peste contre l’imbécile qui n’a rien vu ou qui a
fait exprès, elle ne sait pas. Elle est furieuse et réalise que l’objet de sa
colère est arrêté aux feux. Elle hésite puis les paroles de sa collègue
reviennent en mémoire : « la première fois est difficile, après c’est
plus facile ». Elle prend son courage à deux mains et va taper contre la
vitre du passager du véhicule. A l’intérieur, une femme est en train de
téléphoner. Elle tourne la tête et continue de parler au téléphone. Joséphine
insiste et tape à nouveau contre la vitre qui cette fois, descend.
-Vous trouvez génial d’arroser
les piétons ?
-Quoi ?
-Vous m’avez complètement
mouillée en ne faisant pas attention à votre conduite, je suis trempée et ce
n’est pas agréable, je vous assure. La prochaine fois, pensez aux piétons et
faites gaffe.
Elle se relève et s’en va, hésite
puis revient vers la vitre.
-Au fait, on ne vous a jamais dit
que téléphoner et conduire pousse à faire des conneries ? Vous m’avez
trempée, la prochaine fois, vous m’écrasez ?
Très contente d’elle, elle part,
laissant la conductrice la bouche ouverte, sans réactions. C’est d’un pas
guilleret qu’elle poursuit son chemin, sa nouvelle conduite valant largement
les inconvénients d’un pantalon mouillé…
Pourquoi avait-il fait l’amour avec Caroline sur la barcarolle d’Offenbach, leur barcarolle, et surtout pourquoi le lui avait-il dit ? Elle préféra le quitter ; quelqu’un d’ aussi franc ne pouvait pas être honnête. Une semaine plus tard elle rencontrait un homme qui aurait pu devenir son amant s’il ne lui avait demandé, après l’avoir embrassée comme jamais elle n’avait été embrassée : - Tu connais la barcarolle d’Offenbach ? Elle se raidit instantanément, répondit qu’elle ne supportait pas cette barcarolle et qu’il était hors de question qu’elle l’écoutât. Il la regarda indécis, ne sachant que faire. Quand il l’embrassa à nouveau, le charme était rompu.
Quand elle plongeait sur la scène du théâtre de sa loge du premier balcon, c’est souvent l’altiste à lunettes qu’elle regardait, sans doute parce qu’il ressemblait à ce qu’elle croyait être un morceau d’elle-même. Il jouait les pieds légèrement tournés vers l’intérieur, ne souriait jamais, ne montrait aucune complicité avec quiconque et son corps semblait réglé par une série d’impeccables automatismes. Elle avait fini par se demander s’il jouait vraiment...
Souvent sa femme lui disait, énervée, comme si quelque chose de sa vie lui échappait : - Je me demande à quoi tu penses ? Il n’avait jamais répondu à cette question-là. Elle n’aurait pas compris. Pouvait-il lui dire qu’il ne pensait jamais à elle, mais à lui, comme s’il se regardait de l’au-delà de la vie. Et ce regard le dérangeait ; toujours cet œil en coin, ironique, qui le rappelait à sa condition de mortel.
Hier, je vous ai volé votre sac, j’ai même failli vous faire tomber. Je m’en excuse, mais c’était urgent, je devais régler une dette de jeu à un ami. En fouillant, je suis tombé sur votre carte d’identité et depuis devinez ? Je vous aime. Hier, je n’avais pas vraiment eu le temps de vous regarder ; j’avais bien senti une vibration, mais peut-on être sûr des vibrations que l’on sent quand on vole un sac ? Mais maintenant j’en suis sûr. Vos traits réguliers, votre faux air sage - je dis faux parce qu’hier vous avez hurlé comme une folle quand j’ai arraché votre sac – ont eu raison de ma raison. Je ne suis pas un homme sans qualités, Hélène, vous permettez que je vous appelle Hélène ? J’aime donner, même si parfois je prends sans autorisation ; je vous dis ça parce que je suis sûr que vous m’en voulez encore pour votre sac. Je suis quelqu’un à fleur d’émotions, vous savez. Je serais même capable de pleurer en effleurant le grain de votre peau... Je vous laisse mon numéro de portable. N’hésitez pas à m’appeler. Convenons d’un rendez-vous et je vous rendrai alors votre sac et votre argent. J’attends votre appel. Paul.
Joséphine dit non et elle en
est toute tremblante. Pas facile de prononcer ce mot de trois lettres, pas
facile d’accepter dans le regard de l’autre l’étonnement, puis le
questionnement, l’ahurissement, la stupéfaction et enfin l’énervement voire la
colère. Elle se sent mal, en fait dès que sa collègue a reçu la réponse
négative et qu’elle a tourné les talons sans rien dire, Joséphine veut la
rattraper pour lui dire que c’était une blague et que oui, elle accepte de
changer ses jours de vacances, que cela n’a pas d’importance pour elle et
blablabla.
Si elle ne s’est pas précipitée,
c’est que ses jambes sont de plomb, comme collées au sol l’empêchant de se
mouvoir. Elle regarde sous son bureau, voit ses deux pieds sagement rangés l’un
à côté de l’autre dans leurs écrins de cuir brun et elle ne remarque rien de
spécial. Pourtant quand elle essaie de les bouger, rien ne se passe, sa volonté
n’a plus de prise sur cette partie de son corps. Elle sent l’angoisse la
gagner, serait-elle paralysée ? Ne voulant céder en rien à la panique, elle
décide de patienter un peu.
Plongée dans le travail, yeux
rivés à l’écran, elle ne voit pas le temps passer et alors qu’elle se redresse
pour étirer son corps endolori, elle pose se mains sur son bureau et se lève.
Stoppée en plein élan au milieu du couloir, elle réalise que ses pieds n’ont
pas fait d’histoires et qu’elle peut se déplacer sans problèmes. Elle comprend
encore moins ce qui s’est passé tout à l’heure. Elle croise à nouveau sa
collègue qui lui dit qu’elle a pu s’arranger autrement. Elle ne trouve plus de
colère dans ses yeux, de l’indifférence plutôt. En fait, Joséphine a été plus
perturbée par son propre refus que sa collègue qui a tout simplement cherché
ailleurs…alors pourquoi se mettre dans des états pareils ?
-Question d’habitude lui répond
Elodie, sa meilleure amie. C’est les premières fois qui sont difficiles et
c’est pour tous la même chose.
-Ah ! bon, se dit Joséphine,
une première fois et après tout est simple ?
-Oui, c’est comme le patin à
roulettes, la bicyclette, le premier soufflé qui retombe dès que tu le sors du
four, la première cuite, la première fois que tu embrasses, que tu couches. Dès
que tu prends l’habitude, tu maitrises et tu ne te casses pas la tête. Savoir
dire non, c’est pareil !
Joséphine a des doutes sur les
théories de sa collègue mais cela lui fait du bien d’imaginer tout ce monde qui
s’ouvre à elle. Le ski, elle n’aime pas trop, les roulettes non plus car elle
n’a aucun équilibre mais le reste est très tentant…suffit de trouver les bonnes
personnes.
Sur le blog je-double, un photomontage de Patrick Cassagnes illustré par un texte de gballand :
« A chaque fois qu’elle voyait son grand-père – elle l’avait surnommé le singe - elle ressentait un effroi épouvantable, surtout quand il fallait l’embrasser... » ( la suite )
Il y a quinze jours, je suis allée à la FNAC pour feuilleter le livre de Valery Giscard d'Estaing « La princesse et le président » dont j’avais lu quelques succulents extraits dans le Canard Enchaîné. Après 20 minutes d’effeuillage, j’ai relevé quelques citations qui m’ont conforté dans l’idée que M. Giscard D'Estaing, de l’Académie Française, écrit bien ses livres seul, sans l’aide d’un « nègre » ! Son style est certes banal mais il atteint des « sommets » lorsqu’il s’essaie à écrire et décrire l’amour. On sent que notre ancien Président de la République est plus à l’aise pour parler de protocoles que d’émotions… Voici quelques citations prises ici et là qui m’ont souvent fait sourire, voire rire, seule, assise entre deux rayons : « Mes mains la caressent et l’appuient contre moi. Elle se laisse faire, et même je la sens s’assouplir à cet enlacement. » ou « Et à l’instant ce sont mes lèvres qui s’appuient sur les siennes, qui les aspirent et qui les ouvrent. » Quelques pages plus loin « Après plusieurs minutes, presque à bout de souffle, nous nous sommes détachés l’un de l’autre. » De la plume d’académicien pure et dure… On se rend vite compte que pour le narrateur, l’amour semble plus tenir du parcours du combattant avec treillis et mitraillettes que de la sensualité et de l’émotion. Dans la catégorie « clichés », j’ai choisi cette phrase à la comparaison ébouriffante : « Sous l’apparence de ces minces échanges, je ressens comme le bouillonnement d’un torrent soudain incandescent… » Puis, le meilleur pour la fin, ce morceau d’anthologie qui méritera certainement de figurer dans le futur Lagarde Michard du 21è siècle « C’est plus une caresse qu’un baiser, car mes lèvres doivent être desséchées, fendillées et exhaler des senteurs pharmaceutiques. » Serait-ce de l’humour ? Quelle mouche l’a donc piqué ? Arrivée au tiers du livre, j’ai remis le précieux roman dans les rayons et je suis partie. Je me suis dit que le narrateur – l’auteur ? - devait être un homme bien ennuyeux qui ne méritait certes pas qu’on passât la journée – la soirée ? - avec lui…