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Presquevoix...
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30 avril 2009

Le vide (gballand)

- Putain, t’as vu à quoi tu ressembles ?
J’étais nue dans la cabine d’essayage quand j’ai entendu la voix, on aurait dit ma mère. Je me suis rhabillée illico, j’ai laissé le maillot de bain noir à l’intérieur et je suis sortie en pleurs du magasin. Après je suis entrée dans la première boulangerie venue, j’ai acheté un pain au chocolat, un pain aux raisins, un chausson aux pommes, et j’ai bouffé : le stress.
Je suis complètement déglinguée ; mes hormones s’affolent, la graisse déborde, les plis s’accumulent. Je ressemble à un matelas pneumatique aux boudins mal dégonflés. Je me donne envie de vomir. Tiens, si je m’écoutais, je dégueulerais sur le trottoir. Comment j’ai pu en arriver là ? Je crois que c’est à cause de lui. Quand il est parti j’ai bouffé, et voilà. Le Salaud.
Il ne me supportait plus. Il faut dire que le trouvais trop gros et que je ne me gênais pas pour le lui faire remarquer. Quand il ahanait sur moi, au moment de l’amour, j’étouffais et j’avais l’impression que ça n’en finirait jamais. J’avais beau lui dire « Jean Pierre tu vas finir par y laisser ta peau ! », il ne m’écoutait pas et continuait son affaire. Un jour il en a eu marre et il m’a dit que je lui coupais tous ses effets. Au début, ça ne m’a pas gênée – il ne me faisait plus beaucoup d’effet – mais après, il y a eu comme un vide.
Voilà, si je bouffe, c’est à cause du vide. Maintenant, il y a deux solutions : le régime ou le suicide. Me suicider, je n’aurai pas le courage, quant au régime…

* texte écrit sur une consigne des "impromptus littéraires"

29 avril 2009

Interdiction (gballand)

Elle me dit d'une voix tranchante.
- Non, je t'interdis de lui faire  remarquer que je me suis fait couper les cheveux !
Un peu étonnée, je lui en demandais la raison. Elle me répondit agacée qu'il devrait le découvrir tout seul.
- Mais pourquoi ? Ai-je insisté.
Elle rétorqua.
- Pour que je sache à quel point il ne me regarde pas !

28 avril 2009

La crise (gballand)

Elle allait devoir les tuer. Elle ne le faisait pas de gaieté de cœur, mais c’était la loi. Les enfants devaient désormais tuer leurs parents dès qu’ils atteignaient l’âge de 80 ans, une mesure de santé publique. Le décret était sorti il y a deux mois.
La Caisse Primaire d’Assurance Maladie venait de lui envoyer, comme à tous les citoyens du pays, le petit manuel qui avait été édité au début du mois de novembre et qui stipulait que la mort devait être donnée proprement et sans souffrance. Comment en était-on arrivé là ? 
Le message du ministre de la santé passait en boucle depuis deux mois sur les chaînes de télé et les radios publiques et, des encarts publicitaires apparaissaient chaque jour dans tous les journaux. Chacun semblait penser que les mesures prises par le gouvernement étaient les seules possibles pour sauver le pays de l’endettement qui le mettait à genoux ; même elle finissait par se dire qu’aucune autre solution n’était possible.
Dans cinq mois, elle devrait les tuer.

27 avril 2009

La valse des poils (gballand)

Hier, mon mari se plaignait de ses poils. Il paraît qu’avec l’âge, on constate la grande migration des poils, mais oui, je ne plaisante pas, c’est lui qui me l’a dit, il sait de quoi il parle. Ces ingrats de poils migrent du crâne vers les oreilles, les narines, le ventre, le nombril… enfin vers tous les endroits indésirables alors que le crâne, lui, se  trouve bien esseulé sans ses compagnons habituels qui ne le protègent plus ni des aléas climatiques, ni du regard moqueur des autres hommes…

J’ignorais que c’était aussi dur d’être un homme !

Depuis hier, je regarde mon mari avec compassion…

26 avril 2009

La dent (gballand)

- Merde, il y a un truc qui est parti !
- Parti d’où ?

Elle ne lui répond pas et continue à mâcher lentement, attentive aux aliments broyés par ses dents. Tout son être se concentre sur l’infiniment petit. Elle sent sous sa langue un  noyau dur, le voilà ! – « Putain, mon plombage ! »-
Ses doigts extirpent prestement l’objet inattendu de sa bouche et le ramène discrètement sous la table pendant que sa langue cherche le trou béant que l’absence de plombage a creusé. Son mari l’interroge machinalement.

- Alors ?
- Quoi alors, qu’est-ce que tu veux que je te dise de plus, c’est mon plombage !
- Ben c’est pas grave !
- Forcément, c’est pas le tien ! Si c’était le tien, tu dirais pas la même chose.
- Qu’est-ce que tu en sais ?
- Je te connais.
- N’en fais pas tout un plat !

Elle le regarde méchamment. Comment peut-il lui dire que ce n’est pas grave alors qu’un autre morceau de plombage vient de céder et que maintenant elle sent distinctement sa gencive déserte là où, quelques minutes plus tôt, il y avait encore une illusion de dent. Un nouveau goût commence à envahir sa bouche, lentement, celui du sang. La gencive irritée laisse éclater sa douleur. Il faut absolument que sa bouche soit rincée. Elle se lève précipitamment.

- Tu vas où ?

Elle ne lui répond même pas. S’il la comprenait il saurait où elle va : dans la salle de bain pour soigner sa béance ! Elle entend une dernière fois la voix de son mari qui scande – Tu pourrais me répondre quand même ! – mais après avoir fermé la porte à clef, elle n’entend plus que le bruit de sa propre respiration.

Son visage décomposé se dessine tristement dans la glace. Une fois le robinet ouvert, elle engloutit une gorgée d’eau, la fait rouler dans sa gorge puis la recrache : le liquide rouge tournoie dans le fond du lavabo. Elle ferme l’écoulement de l’eau, recommence l’opération, crache à nouveau, mais  toujours le même liquide rougeâtre où elle voit se concentrer des débris de plombage qui stagnent à la superficie. Atterrée, elle se passe à nouveau la langue à l’endroit où autrefois une dent faisait semblant de vivre, et toujours cette gencive presque lisse où survivent quelques aspérités de la défunte ; une gencive d’octogénaire !

- Merde !

La voix de son mari résonne à travers la porte.

- ça va ?
- J’ai plus de dent ! Tout est parti, gémit-elle.
- Eh bien tu iras chez le dentiste !
- J’ai tout perdu je te dis, tout le plombage !
- C’est pas une dent de devant ?
- Non.
- Ben alors ça va !

Il lui demande si elle a l’intention de rester toute l’après midi enfermée dans la salle de bain, mais elle ne répond pas. Pourquoi elle ? Tout fout le camp, une dent pour commencer, puis une autre demain, chaque trou laissant apparaître la nudité de sa gencive, sans que rien ne puisse l’habiller à nouveau, la tragédie d’une bouche où rien ne pourra plus jamais renaître, une bouche habitée par la mort.

- C’est pas juste ! hurle-t-elle.

Elle fixe à nouveau son visage devant la glace et ses traits lui semblent difformes. Maintenant, quand elle ouvrira la bouche pour parler, tout le monde verra  la dent manquante, on ne verra que ça, tout le monde sera dégoûté, on ne la regardera plus, on l’appellera   l’édentée en catimini, et on chuchotera derrière son dos qu’elle a pris un sacré coup de vieux, un coup terrible,  d’ailleurs : "T’as vu,  elle perd même ses dents !", rajoutera-t-on en douce. Et si la mort l’avait choisie, elle, pour construire son œuvre funèbre, tout de suite ? Cette mort qui lui dit que bientôt, elle ne sera plus une femme,  elle sera vieille,  neutre, c’est tout !

Elle s’aperçoit soudain qu’elle est recroquevillée contre la baignoire, le visage en appui sur le rebord. Effrayée, elle se redresse immédiatement et se replace devant la glace, bouche ouverte, son index fébrile tâtant le trou du fond.

- Il faut que je téléphone au dentiste, voilà ce que je dois faire, c’est quand même pas sorcier ! Voilà ce que je dois faire et je vais le faire maintenant !

La porte de la salle de bain s’ouvre en grand et elle en sort en hâte, le visage livide. Son mari la regarde interloqué sur le seuil de la chambre.

- ça va ?
- Tu as d’autres questions aussi connes que ça encore ? Non ça ne va pas et ça n’ira  plus jamais comme avant, tout ça à cause de cette foutue dent à la con ! Peut-être que le dentiste, lui, pourra quelque chose pour moi. J’aurais dû épouser un dentiste, tiens  !

25 avril 2009

Les bulles de pensées (gballand)

N’avez-vous jamais eu peur que l’on devine le cours de vos pensées ?
Imaginez si des bulles s’affichaient au-dessus de votre tête lorsque vous parlez à quelqu’un ? Des bulles qui dévoileraient le fond de votre pensée. De quoi mettre le monde à feu et à sang !
Parfois, les horribles sécrétions de mon cerveau me font froid dans le dos et je crains, qu’un jour, elles ne sautent par-dessus la barrière des convenances.
Par exemple hier, je suis sortie de chez moi en même temps que ma voisine de gauche. Je l’aime bien ma voisine de gauche, mais si elle me parle trop longtemps, l’agacement me gagne. Hélas, hier, j’ai eu droit à 15 longues minutes de perles de  lieux communs, enfilées consciencieusement, sur la politique, les étrangers, les hommes, les femmes et les enfants. Si ma voisine avait pu lire une seule de mes pensées, je crois qu’à l’heure actuelle, elle me détesterait cordialement.
Bienheureuse politesse  qui donne aux apparences le  masque   de la « vérité »…

24 avril 2009

La lune (gballand)

- Je te décrocherai la lune !

C’est ce qu’il lui avait dit 30 ans plus tôt. La lune était toujours au même endroit et, depuis 10 ans, elle avait  droit à la soupe à la grimace. Récemment, elle s’en était ouverte à une amie qui lui avait répondu.

- L’homme le plus heureux du monde, c’est celui que tu n’as pas épousé.

Elle lui avait demandé des explications, avec insistance, mais elle en avait été pour ses frais, son amie était restée muette comme une carpe. Depuis, elle tournait et retournait constamment cette réponse dans sa tête et des migraines avaient fait leur apparition. Mais le pire, ce n’était pas les migraines, c’était ce sentiment de culpabilité qui ne la quittait plus.

23 avril 2009

Rôles inversés (MBBS)

Je la prends par la main et je la guide. Elle me suit docilement, confiante et nous nous faufilons parmi la foule du marché de ce samedi matin. Je m’arrête à un stand, je lui demande ce qu’elle préfère, la petite salade à tondre ou la doucette, elle hausse les épaules sans répondre ne sachant que choisir. Le choix, c’est dur à assumer parfois. Alors que la maraichère me sert, je vois sa main tremblante se faufiler parmi les cageots et saisir un radis solitaire qu’elle se met à déguster avec plaisir, comme une gamine qui aurait chipé le fruit défendu. J’empile mes légumes dans mon panier qu’elle saisit, toute contente de m’aider, d’être encore utile. Nous reprenons notre marche, sa main droite accrochée au panier, sa gauche glissée dans la mienne. Il y a un peu moins d’un demi-siècle, c’était moi qui tenais fermement sa main de peur de me perdre et c’était elle qui me guidait. Aujourd’hui, les rôles sont inversés.

Je retrouve, en ces moments où son cerveau se vide de toute l’accumulation d’une vie, un sourire d’enfant et des yeux pétillants de malice. L’enfance d’un autre temps émerge, loin de tous soucis et de toutes préoccupations…du moins c’est ce que j’imagine. Pourtant, parfois, au fond de ses yeux, une petite lueur vacillante tente de survivre aux ténèbres qui l’encerclent. Cette nuit qui s’annonce lui fait peur et elle cherche à la camoufler par un humour qui me fait rire et espérer que tout n’est pas perdu car moi aussi, j’ai une crainte qui fleurit en moi.

23 avril 2009

Le feu d’artifices (gballand)

Quand Pierre lui avait parlé de sa nouvelle copine, il lui avait dit, l’air extasié.
- Cette fille, c’est un feu d’artifices.
Il avait pensé que Pierre exagérait mais, le samedi suivant, il avait dû réviser son jugement. Le salaud, il ne s’emmerdait pas.
Pierre était arrivé au bras d’une fille qui avait au moins dix centimètres de plus que lui. Perchée sur de hauts talons qui  donnaient un affolant mouvement de va-et-vient à ses fesses moulées dans un pantalon blanc, presque transparent, elle aurait mis en rut n’importe quel octogénaire au sexe racorni. La fille lui avait souri. Une bombe. Elle était légèrement vulgaire – exactement comme il les aimait -, brune aux cheveux longs, et il ne put quitter des yeux sa bouche carnassière. Comment ce crétin de Pierre avait-il bien pu se trouver une fille pareille, lui qui était bègue et introverti ? Il avait eu l’explication plus tard.
Il l’aurait bien avalée toute crue, mais Pierre était accroché à elle, comme une épave tirée par un remorqueur, et la draguer ne serait pas chose facile. Pourtant, il n’eut plus qu’une idée en tête : se la faire  le soir même. Ils burent une bière ensemble et quand Pierre s’absenta pour aller aux toilettes, il tenta le tout pour le tout, lui fit le baratin habituel - en version condensée -, et la fille mordit à l’hameçon. Ce fut peut-être un peu trop rapide, mais il mit ça sur le compte de son charme. Rendez-vous fut pris le soir même, au café de l’Espiguette, à 19 heures. Quand Pierre revint des toilettes, il prétexta une migraine et rentra chez lui.
Le soir, à 19 heures tapantes, il se présentait au café de l’Espiguette. La bombe était déjà assise en terrasse. Ses seins juteux épousaient parfaitement l’échancrure de son tee shirt orange. En un éclair il  vit l’instant où il les sucerait voracement comme le nourrisson à la première tétée. Il lui dit bonjour, comme si de rien n’était,  ils burent un verre de rouge, parlèrent de tout et de rien – surtout de rien-, et quand il lui suggéra que la soirée pouvait se terminer chez lui, elle lui dit en professionnelle aguerrie.
- 120 euros, avec préservatif bien sûr.
Son verre se renversa ; heureusement, il était vide. Lui aussi.

PS : texte écrit dans le cadre des ateliers des "impromptus littéraires"

21 avril 2009

Au bout du fil (gballand)

antid_presseursElle était toujours au bout du fil pour calmer ses peurs. Allô,  était son mot de passe. Sa devise :  combler le vide pour combler l’angoisse.
Personne ne la supportait plus : son mari avait depuis longtemps déserté le domicile conjugal, ses enfants l’évitaient, et même elle se fuyait. Quand elle s’apercevait par hasard, au détour d’un miroir, elle tentait à tout prix de se perdre de vue, effrayée de sa propre image.  C’est donc moi ? Se disait-elle à chaque fois, désespérée de se voir si grosse.
Lors de sa dernière visite mensuelle, le psychiatre lui avait  annoncé.

- Je ne sais plus quoi vous proposer comme traitement.

Elle en avait déduit qu’elle mettait le corps médical en échec. Avant de partir du cabinet, elle avait bien essayé de lui dire  qu’elle n’arrivait  plus à dormir, mais il l’avait poussé fermement vers la porte en concluant.

- Vous m’en parlerez la prochaine fois.

Une fois la porte refermée, le psychiatre s’était affalé sur le divan, épuisé. Il avait avoué, plus tard, à l’un de ses confrères, que cette patiente le désolait et réactivait chez lui un syndrome de dépression.

* photo vue sur ce blog

PS : texte écrit à partir d’une consigne donnée par l’atelier des « impromptus littéraires »

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