Les autres…
Elle disait souvent.
- De toutes façons, les gens n’ont jamais rien à dire.
Mais elle oubliait qu’elle parlait tellement et qu’elle écoutait si peu, que ses interlocuteurs préféraient rester silencieux.
Elle ajoutait parfois.
- Que les gens sont médiocres !
Elle oubliait que la conscience qu’elle avait de sa supposée supériorité rendait tout un chacun terne et neutre, presque voué à la transparence.
De temps en temps, elle complétait.
- Les Français sont minables, ils devraient être mis sous tutelle !
Si elle avait été anglaise, les anglais auraient été tout aussi minables, mais elle était française, et ne participait bien sûr pas de cette médiocrité qui frappait la France.
Apparemment, elle semblait heureuse, parlait avec bonhomie à ceux qu’elle croisait - parce qu’on a toujours besoin des autres, au fond, et elle le savait - mais jamais trop longtemps ; trop connaître l’autre ne pouvait apporter que déconvenue et ennui. La rapidité des échanges, pensait-elle, leur donnait une couche de vernis que la longueur leur retirait aussitôt.