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Presquevoix...
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29 janvier 2008

L’homme au chapeau noir

sombra

Depuis le lever terne de ce jour tiède et trompeur, des nuages sombres, aux contours mal découpés, rôdaient sur la ville oppressée*.  J’arpentais les rues, l’esprit noir, le corps malade, et je suivais, comme un enfant désœuvré, le contour des motifs étranges qui ornaient les trottoirs de la ville basse.
De temps à autre, je regardais les promeneurs dont les pas suivaient les rues qui s’ouvraient sur le Tage. J’imaginais leurs bonheurs mesquins, tenus précieusement dans leur poche, la main plaquée sur le revers, afin que personne ne pût les leur voler. Mais qui aurait  eu envie de tels  bonheurs  ?
Finalement, je décidai de  m’asseoir à la terrasse du café de l’Arcade. Je n’arrivais pas à détacher mes yeux des silhouettes anonymes… toutes ces ombres que je connaissais par coeur, pour les avoir croisées chaque jour depuis 10 ans à la même heure. C’est au moment où j’aperçus le tramway numéro 28 que je vis l’homme au chapeau noir… une ombre dégingandée, différente des autres ; et sans réfléchir, je me levai et lui emboîtai le pas. Il marchait vite, le dos légèrement courbé. Ses enjambées faisaient le double des miennes. J’avais hâte de toucher son désespoir visible à l’œil nu, hâte de me repaître de son malheur, hâte de constater que son découragement devait être aussi grand que le mien, sinon plus.
J’avançais sans faiblir,  les mains fébriles prêtes à caresser ce malheur qui allait éclore devant moi. J’allais peut-être même recueillir les larmes de l'homme et mes mains pourraient former un petit puits où il logerait sa douleur. Mais soudain il s’arrêta ; je fis de même et j’attendis. Il semblait fixer une silhouette qui arrivait en courant, c’était une femme ! Je vis ses bras s’écarter, grands comme des ailes de cormoran, la femme était de plus en plus proche et ses bras restaient ouverts, il n’allait tout de même pas… je n’avais pas pu me tromper à ce point, ce n’était pas pensable… je fermai les yeux avant l’irréparable. Quand je les rouvris, leurs bouches étaient encore unies. L’espace d’un instant, je ne sus que faire. Je crois que j’ai lancé un juron assez fort pour être entendu et que je suis parti en courant.

* phrase extraite du livre de l’intranquillité de Fernando Pessoa
Photo vue sur le blog
http://www.athanazio.pro.br/index.php/2006/08/

Commentaires
T
Combien de jurons et d'hommes aux chapeaux noirs rencontrons nous... :)
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