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Presquevoix...
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3 janvier 2007

On a beau ne jamais sortir de sa peau...

On a beau ne jamais sortir de sa peau, où qu’on aille, un changement de décor est toujours salutaire. C’est pour ça qu’il partait de sa ville natale, l’air y  était devenu irrespirable ; et surtout il y avait ce type qui lui collait à la peau comme un maillot trempé de sueur dont on ne peut plus se débarrasser. Pourquoi s’était-il laissé aller à coucher avec lui ? Au moins, maintenant, il savait qu’il pouvait encore « bander » - comme disait son père - mais il avait aussi la preuve que jusqu’alors il s’était menti, les femmes ne l’avaient jamais intéressé !

Un cargo l’attendait au Havre, direction le Brésil ou ailleurs, quelque part où personne ne le connaissait, comme ces migrants jetés sur les routes afin de trouver la terre promise. Et pour lui, la terre promise, c’était s’oublier, même s’il savait qu’il était condamné à rester avec lui-même. Mais à part le suicide, comment pouvait-il se faire disparaître ? Ailleurs, il  pourrait au moins faire semblant d’être neuf, mentir sur son passé, changer de famille, oublier son frère, marié, normal ; sa mère, soumise, qui lui rappelait toujours que, célibataire à son âge, quand même… ; et surtout son père, fier de sa virilité qu’il affichait quotidiennement au comptoir du bar de l’avenir. Son père comme un mal ancré en lui… Il lui avait déjà dit ce qu’il pensait, son père, et même devant tous ses copains de comptoir, « Parfois je me demande si t’as des couilles ! Ça t’arrive de bander ? T’as peut-être trop fait d’études pour ça ! ». Depuis, ils s’évitaient. Ils avaient honte l’un de l’autre. Comment vivre en ravalant sa différence ? Comment vivre en haïssant ?  Depuis qu’il avait pris la décision de partir, il ne ressentait plus rien mais il savait qu’il ne reviendrait jamais, même s’il devait en crever.

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