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Presquevoix...
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20 décembre 2006

On m’a retourné la lettre que j’avais envoyée à Jim

On m’a retourné la lettre que j’avais envoyée à Jim ! Je regarde cette enveloppe où la mention « personne inconnue à cette adresse » est inscrite en lettres manuscrites. Je pense aux mots que j’avais patiemment cherchés dans le dictionnaire, aux phrases difficilement élaborées et à mes hésitations quant aux tournures de style. J’avais laissé le texte reposer quelques jours, l’idée étant de le relire et d’y trouver toutes les imperfections que mes yeux auraient laissés échapper. J’y avais mis des mots d’amour et j’avais l’illusion d’y avoir laissé percer mes angoisses, nos regrets et notre espoir de le revoir. J’avais ensuite choisi un papier de qualité, couleur « coquille d’œuf » et pris ma plus belle plume pour déposer sur la page l’appel qui, j’espérais, allait toucher son cœur. J’avais ensuite été apporter ce courrier porteur d’espérance directement à la poste et je sens encore en moi le picotement d’excitation qui m’avait envahi en glissant l’enveloppe dans la fente.

Je tourne et retourne la lettre, je la porte à mon nez, je la renifle pour y détecter les odeurs de son voyage, imaginer la main qui a tracé le verdict sans retour des mots ravageurs.

- Léonie, tu as pris le courrier ?

Brusquement ramenée à la réalité, je cache d’un réflexe absurde la lettre derrière mon dos avant de réaliser la stupidité d’un tel comportement.

- Rien d’intéressant Mamie, juste des publicités. Je t’apporte ta tisane, j’arrive !

Je me dirige vers la cuisine et je pose l’enveloppe sur le plan de travail en marbre noir. Je prépare le plateau, dispose la tasse, le sucre et les médicaments dans le petit godet rouge prévu à cet effet. Alors que je pénètre dans la chambre, Mamie tourne sa tête vers moi.

- Toujours rien, hein ? Il ne viendra plus.

Deux larmes coulent sur ses joues ridées comme la peau d’une vieille pomme oubliée dans la cave. Mon cœur se serre mais je ne dis rien. Je lui sers sa tisane, lui donne un à un ses médicaments et repars ensuite avec mon plateau la laissant seule avec sa tristesse. La lettre brille de tout son éclat morbide et j’ai une envie soudaine de la déchirer pour en faire des confettis. Je pose mon plateau, m’assieds sur un tabouret et je me prends la tête entre les mains. A mon tour d’avoir les yeux humides !

Commentaires
D
J'aime bien ton texte : court, condensé et pourtant plein de notations intéressantes, de petites impressions qui passent entre les mots... D.
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